BARBENTANE

en décembre 1918

Documents annexes

à télécharger

au format PDF

Char Renault FT-17 dans une rue de New York (photo colorisée)

Occupation d'une partie de l'Allemagne après le traité de Versailles

Soldats afro-américains dans une parade aux USA

Nécropole nationale d'Albert dans la Somme (photo récente)

Soldats US tous contents après la prise d'un train dans la vallée de la Meuse

Char Renault FT-17 avec ses 2 servants

Cavaliers britanniques accueillis avec les honneurs en Belgique

Blessés allemands emmenés par des soldats US

Dépeçage d'un cheval mort dans une rue de Berlin

Décembre 1918 - Dans le Monde qui n'est plus en Guerre

 

Préambule. C'est fait maintenant. Je m'étais promis il y a plus de cinq ans de publier mois par mois, à 100 ans de distance, les Écho de Barbentane qui sont sortis vaille que vaille pendant toute la Grande Guerre. Il m'a d'abord fallu tous les retrouver et cela n'a pas été facile, j'ai même recherché pendant plus de 3 mois celui de septembre-octobre 1918, ce qui en fait le plus rare de toute cette collection. Pendant près de 3 mois, pas tout seul heureusement, nous les avons scannés, puis après 'remontés' et enfin tirés sur papier. Ils sont tous à votre disposition à la médiathèque de Barbentane...

Donc, en août 2014, j'ai commencé mes publications. Comme toujours, ni écrivain, ni vraiment historien, j'ai commencé 'petit', en tirant même un peu la langue pour faire un dossier convenable. Mais rapidement la passion est venue. J'ai commencé par savoir où chercher et surtout comment chercher les infos qu’Internet nous offre à lire sur des millions de pages. Tous les sites ne sont pas égaux, il y en a même de douteux, aux dates aléatoires. Certains survolent les sujets en quelques lignes, d'autres au contraire sont si pointilleux qu'on pourrait même y trouver le nombre d'armes employées à tel jour et sur telle bataille. Je me suis vite rendu compte que sur tous les sites qui traitent de la Grande Guerre, aucun, mais absolument aucun, ne le fait mois par mois et sur tous ses aspects, tant politique que militaire. J'avais trouvé là mon 'créneau' qui, en plus, convenait à merveille à mon ambition de publier tous les Échos de la Grande Guerre. J'ai essayé de ne rien oublier, ce n'est pas si facile vu que j'ai écrit avec juste deux, puis trois mois d'avance sur la publication, ce qui me permet de pouvoir insérer à la bonne place les découvertes anciennes faites au détour de mes recherches...

Délégation de soldats français au défilé de la victoire à Londres en 1920

La nouvelle Europe après le traité de Versailles

Prise d'arme à Paris en décembre 1918

Manifestation à Berlin en décembre 1918

Un des canons allemands de 380 qui bombardait Dunkerque

Poilus en transit à Paris (photo à demi-colorisée)

Soldats US au défilé de la victoire à Londres le 19 juillet 1920

Bombardier français détruit à la Malmaison

Manifestation spontanée le 11 novembre 1918 dans une ville en France

Communiste fusillé dans une rue de Berlin par des soldats allemands en janvier 1919

Ouvrier payé pour détruire des casques allemands

Manifestation allemande contre le traité de Versailles en juin 1919

Ce sont les Écho de janvier-février, puis mars-avril 1919, qui donnent quelques renseignements sur la vie du village à Barbentane...

Dans Liège avant une parade militaire

En Russie, jeunes communistes saisissant du grain caché dans un cimetière par les Koulaks

Suffragettes à la Nouvelle-Orléans aux USA

Repas de Poilus à Châteauroux en 1919

Quant aux photos, Internet est un formidable album. Hélas, toutes ne sont pas de bonne qualité, certaines sont issues des journaux de l'époque, mal scannées, ultra-compressées, au mieux, elles ne servent que de timbre-poste, et encore. De plus certains programmes sur Internet les 'esquichent' de telle façon qu'elles en perdent toute valeur de témoignage. Actuellement, la grande mode c'est de 'taguer' les photos. Encore une idée à la con, tant pis pour l'expression. Si tu ne veux pas qu'on te pique 'ta' photo, tu ne la publies pas, c'est tout ! Mais la publier avec plein de 'merdes' dessus, ça sert à quoi puisqu'elle perd toute sa valeur de témoignage. C'est d'autant plus bête, que ces photos ont toutes plus de 100 ans, elles appartiennent donc au patrimoine de l'humanité. Les gribouiller c'est aussi faire un affront à celui qui l’a prise, qu'il soit amateur ou professionnel, tel est mon point de vue. Une autre mode vient juste de paraître, il y a à peine deux ans, trois tout au plus. Si, à l'époque on connaissait les photos couleurs, les autochromes, elles avaient l'inconvénient de demander des poses longues, ce qui faisait que les sujets étaient très statiques, en plus le matériel était lourd, impossible à trimbaler dans les tranchées. Or, grâce aux techniques informatiques actuelles, des programmes ont été mis au point pour coloriser sans intervention manuelle des photos noir et blanc. Ce nouveau procédé de 'coloriage' rend les photos superbes dans leur instantanéité, comme à l'origine. Ce sont des ateliers russes qui sont devenus maîtres dans ce domaine. Seule difficulté, il faut le plus souvent retraduire leur légende écrite en cyrillique. Mais les traducteurs informatiques qu’Internet nous donne la possibilité d’utiliser gratuitement, pallient à ce défaut mineur. Alors, je me suis débrouillé avec tout ça, pour publier tous les mois le maximum de photos en rapport avec le texte. J'avoue que je suis très fier de ce travail là, et toutes les photos diffusées ont été 'retravaillées' pour être les plus 'belles' possibles(1)...

En parallèle, depuis trois mois j'ai attaqué la rédaction d'un dictionnaire des Poilus nés à Barbentane avec les correspondants de l'Écho nés ailleurs qu'au village. Si pour les Poilus nés à Barbentane, le travail de recherche a été relativement facile, cela n'a pas été le cas pour tous les correspondants de l'Écho nés 'ailleurs'. Comment retrouver un 'Roux Michel', cité une fois dans l'Écho, lorsqu'il y a 1 500 fiches militaires qui peuvent correspondre ? J'espère que les descendants de tous ces Poilus en 'déshérence' me donneront les infos indispensables (prénoms d'état-civil, lieux et dates de naissance et de décès) pour que je puisse compléter toutes les fiches de notre dictionnaire. Il est actuellement fini avec ses lacunes et à votre disposition sur Internet...

Ces travaux-là sont terminés, moi aussi j'ai fait ma Grande Guerre. Certes sans aucun risque, à part celui de m'astreindre à un travail quasi journalier pour être toujours prêt à l'heure de publication. C'est mon côté 'cheminot'. Sûrement, sous peu, j'attaquerai un autre travail, mais lequel ? Comme j'ai toujours quantité de projets, il y en a bien un qui sortira du chapeau, je n'en doute pas. Il me reste encore tant de choses à écrire sur le village, notre village. De toute façon, vous serez au courant, car depuis des années, j'ai décidé de faire partager à tous mes 'découvertes' et je compte bien continuer...

Dernier point. Si j'écris tout seul, je suis loin d'être parfait dans mes écritures. Fort heureusement j'use, que dis-je, j'abuse de mes correctrices et correcteurs. Ayez une pensée émue pour ces personnes qui tous les mois s'astreignent à dénicher mes fautes noyées dans des dizaines de pages d'écriture. Sincèrement je les en remercie du fond du cœur, car le travail rendu est aussi un peu le leur...

 

Place à décembre 1918, dans un Monde qui n'est plus en Guerre, quoique...

La Grippe Espagnole. A partir de décembre 1918, le nouveau virus mortifère se répand très vite dans toute l'Afrique, l'Amérique latine, les Indes et la Chine. Le pourcentage de grippés dans les populations locales oscille alors entre 30 et 80%, parmi lesquels de 1 à 20% de cas mortels...

Après deux mois d'accalmie, l'année 1919 voit une recrudescence importante du nombre des cas de grippe. Cette nouvelle vague, par chance, est mineure. Deux raisons à cela, les personnes commencent a être immunisées et de ce fait ne transmettent plus le virus, mais aussi des millions de soldats repartent chez eux. Les brassages de population sont rapidement bien moindres. Toutefois, c'est en Océanie et dans les grandes îles du sud pacifique comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande jusque là épargnés, que les soldats revenant d'Europe apportent le virus...

Tous ces mélanges de populations venant du monde entier ont favorisé la propagation de cette maladie contagieuse, surtout pour des gens peu habitués, donc peu résistants, à ce virus essentiellement présent en Asie. D'ailleurs, dès que chacun est retourné chez lui... la pandémie s'est arrêtée. Il est tout autant indéniable que les progrès hygiéniques, mais aussi une alimentation plus abondante ont favorisé les défenses immunitaires de la population mondiale. Au total, sur notre planète où vivent en ce début du XXe siècle environ 1,9 milliard d'individus, l'ensemble des estimations évaluent à plus d'un milliard le nombre de personnes atteintes par la première grande pandémie de l’ère moderne, sans distinction de continent, d'ethnie ou du niveau technologique de leur civilisation. Mais, ne nous leurrons pas, ce virus est toujours là. Certains mêmes prédisent son retour par suite du réchauffement climatique...

En 1919, des personnages connus meurent encore de la grippe espagnole. A Odessa le 16 février c'est Vera Kholodnaïa, 26 ans, la première 'Reine' du cinéma russe. Le même jour à Paris, c'est le diplomate britannique Mark Sykes, 40 ans, resté célèbre pour son partage du Moyen-Orient qui est toujours d'actualité, et le 27 août à Pretoria dans le Transvaal, c'est le décès de Louis Botha, 57 ans, Premier ministre de l'Union sud-africaine...

Le Comité International de la Croix Rouge. Quasiment marginale avant la guerre, cette organisation va prendre une place de plus en plus importante sur la scène internationale. Elle va s'ingérer dans tous les conflits, qu'ils soient inter-états ou intra-états. Lors des troubles révolutionnaires qui se déroulent en Hongrie en 1920, pour la première fois le CICR obtient l'autorisation de visiter des captifs qui ne sont pas des prisonniers de guerre, mais bien des détenus politiques. Ce précédent sera par la suite exploité dans d'autres situations de guerres civiles, comme en Irlande par exemple. La guerre de 1914-1918 a donc eu un profond retentissement sur le CICR, tant dans sa philosophie d'action que dans les modes opératoires qu'il va mettre en œuvre pour secourir les victimes d'un conflit et de ses suites immédiates. En conclusion, si, avant 1914, le CICR réfléchissait sur la guerre, après cette date, il sera un acteur incontournable des pays en guerre...

Les femmes dans l'humanitaire. La Première Guerre mondiale amène des bouleversements sociétaux notables, dont l'occupation de l'espace public par les femmes, en remplacement des hommes partis au front. Ce phénomène se retrouve aussi au CICR, puisque sur les 3 000 personnes employées par l'Agence Internationale des Prisonniers de Guerre (AIPG), les deux tiers sont des collaboratrices. Ce personnel féminin salarié se recrute essentiellement pour tenir l'un des nouveaux métiers ouvert aux femmes, la dactylographie. Le processus de féminisation touche aussi les hautes instances du CICR, grâce à l'entrée en novembre 1918 de Renée-Marguerite Cramer. Cette nomination est d'ailleurs une première dans un organisme international. Malgré les réticences de certains de ses membres, le CICR la juge même inévitable de part l'évolution des mentalités induite par la guerre. On retrouve aussi quelques femmes à la tête des services de l'AlPG, ainsi que dans les opérations du CICR sur le terrain. Même si c'est dans une proportion infime, le précédent est néanmoins créé...

Rapatrier les prisonniers de guerre. L'armistice de novembre 1918 ne marque pas la fin des activités du CICR. Bien au contraire, l'organisation se retrouve engagée dans deux importantes actions humanitaires liées directement à la guerre : le rapatriement des prisonniers de guerre et le secours aux populations civiles des pays vaincus. Depuis 1917, le CICR s'active pour le rapatriement de certains prisonniers comme les grands blessés, les handicapés, le personnel non-combattant (docteurs, infirmiers, etc...), mais aussi les plus vieux guerriers ainsi que tous ceux qui ne sont pas dans la capacité de faire la guerre, comme les civils...

Au sortir de la guerre, le CICR se trouve en présence de trois catégories de prisonniers de guerre : les prisonniers alliés, ceux des Puissances centrales, et les prisonniers russes. L'organisation n'a pas été sollicitée pour intervenir en faveur des premiers dont les conventions d'armistice prévoient le rapatriement immédiat. Quant aux seconds, la situation est plus ambiguë, selon qu'ils soient prisonniers des Alliées ou des Russes. Le CICR intercède auprès de la Conférence de la paix pour que les militaires des puissances centrales détenus par les Alliés puissent regagner leur foyer rapidement. Le CICR peut d'ailleurs en visiter certains dans le nord de la France, mais ce genre d'autorisation reste exceptionnel. Malgré des démarches pressantes, les rapatriements de prisonniers allemands ne commencent qu'à l'automne 1919, l'affaire étant gérée là aussi sans intervention directe du CICR sur le terrain. C'est donc essentiellement pour les prisonniers de guerre austro-allemands retenus en Russie et pour les prisonniers de guerre russes aux mains des puissances centrales que l'organisation se mobilise. Formellement libérés après la paix de Brest-Litovsk, ces captifs sont totalement abandonnés à leur sort au milieu des désordres politiques survenus en Europe centrale et en Russie. Au mieux, ils végètent dans des camps de fortune dans des pays qui connaissent déjà de graves crises sociales et économiques, qui ne peuvent donc pas les nourrir. Au pire, ces prisonniers tentent de regagner leur foyer par leurs propres moyens et cette aventure se termine souvent tragiquement. Le CICR va donc se lancer dans une vaste action de secours en faveur de ces prisonniers, opération soutenue par des appels publics à l'aide. Les captifs russes restés en Allemagne représentent le groupe le plus important. Le CICR négocie avec la Commission militaire interalliée, afin d'obtenir le principe que leur retour dans la mère patrie puisse se dérouler sans se préoccuper de savoir si le prisonnier choisit de rentrer en territoire “rouge” ou 'blanc". Le CICR conditionne d'ailleurs son concours au strict respect de ce principe de neutralité. Il souhaite aussi que le rapatriement des Russes soit lié à celui des ex-prisonniers des Empires centraux en Russie et en Sibérie. Ce souhait, motivé par un souci humanitaire de réciprocité, répond aussi à des considérations pratiques et économiques, à savoir qu'il faudra utiliser à chargement plein les transports dans un sens comme dans l'autre. Parallèlement à des démarches auprès des Alliés, le CICR entre en négociation avec le gouvernement allemand et celui des soviets. Aux termes de ces pourparlers, une convention germano-soviétique est signée qui règle le rapatriement des prisonniers russes d'Allemagne et celui des captifs des anciennes Puissances centrales depuis l'ex-Empire russe. Pour ce faire, le CICR reçoit les pleins pouvoirs de ces deux États (qui sont rejoints bientôt par l'Autriche, la Hongrie et l'Empire Ottoman) pour négocier et organiser concrètement les opérations de rapatriements, avec l'accord d'États de transit (Japon ou Finlande par exemple). Des voies de rapatriement terrestres ou maritimes sont organisées par la Mer Noire (Odessa, Novorossisk), puis la Méditerranée sur Trieste ou sur Hambourg pour les prisonniers en provenance de la Russie méridionale, du Caucase ou du Turkestan ; par la Mer Baltique, via la Finlande et les États baltes, pour des échanges dans les deux sens, couplée avec une voie terrestre entre l'Allemagne et les pays baltes. Ces diverses routes, sur lesquelles le CICR installe des camps de transit, comme à Narva ou Stettin, sont opérationnelles à partir du printemps 1920 et fonctionnent jusqu'au 30 juin 1922, date qui marque la fin officielle des opérations de rapatriement du CICR. Au total, on estime à près de 500 000 les ex-prisonniers qui peuvent retourner dans leur patrie, quelquefois 'toute neuve', grâce à l'intervention du CICR...

La Conférence de Paix de Paris. Elle débute le 18 janvier 1919 et elle est organisée par les vainqueurs de la guerre : France, Grande-Bretagne, Italie, Japon(2) et États-Unis. Elle se dote d'un conseil qui va vite se réduire aux principaux dirigeants du monde de l'époque : Woodrow Wilson, David Lloyd George, Georges Clemenceau et Vittorio Emmanuelle Orlando. Elle ne se terminera vraiment qu'en août 1920 après 1 646 séances plénières et 52 commissions techniques. Elle consacre la disparition de trois empires : l'Empire allemand, l'Empire austro-hongrois et l'Empire ottoman, et la création de nouveaux États en Europe : renaissance de la Pologne, de la Hongrie indépendante, création de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie...

Au départ, les Britanniques et les Étasuniens se liguent pour laisser l'Alsace-Lorraine à l'Allemagne aux prétextes que ces territoires sont des terres allemandes, à mentalité allemande et de langue allemande. Il faut que Georges Clemenceau produise une lettre du roi de Prusse Guillaume Ier, datée du 26 octobre 1870, qui dit revendiquer l'Alsace et la Lorraine "non par désir d’agrandir la Prusse, mais uniquement par besoin stratégique pour reculer le point de départ des armées françaises qui à l'avenir viendraient nous attaquer". C'est seulement à la lecture de cette lettre que Lloyd George et Woodrow Wilson s'inclinent et donnent leur accord pour que l'Alsace et la Lorraine redeviennent françaises...

Les colonies allemandes sont partagées entre le Royaume-Uni, la France, la Belgique, l’Afrique du Sud, les États-Unis et le Japon, tandis que le Proche et le Moyen-Orient, anciennement possessions turques, sont divisés en mandats attribués par la Société des Nations à la France et à Grande-Bretagne. L'Allemagne voit son territoire amputé à l'est, par le couloir de Dantzig, administré par la Pologne ainsi qu'une partie de la Haute-Silésie. L'Alsace et la Lorraine redeviennent Françaises. Le nord du Schleswig redevient Danois, les régions d'Eupen et de Malmédy sont données à la Belgique...

En ce qui concerne les réparations de guerre, le désaccord est total entre les Alliés. Les États-Unis disent pouvoir s'en passer ce qui est logique car ils n'ont quasiment pas été impactés, les Britanniques veulent des réparations par rapport à leur marine marchande. Les Français ainsi que les Belges qui ont supporté la totalité de la guerre et de ses destructions sur leur sol demandent des sommes énormes. Au final, les Alliés ne se mettront jamais d'accord sur le montant des réparations et de toute façon, l'Allemagne n'a plus les moyens de payer le moindre mark-or...

Le 28 avril, l'Assemblée plénière ratifie la Société des Nations. Le Sénat américain qui depuis novembre 1918 est passé à droite (Républicain) s'oppose clairement à la SDN dès le 16 janvier 1920. Cette dernière débute alors sans un de ses membres fondateurs. Son siège sera à Genève...

Au final, la Belgique mise à part, aucun des participants ne parvient à faire valoir la totalité de ses revendications, pas même la France qui souhaite occuper de manière permanente la rive gauche du Rhin afin d'assurer sa sécurité. Des ressentiments se manifestent pendant les négociations, par exemple en raison de la contradiction entre : d'une part la proclamation solennelle du "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes", et d'autre part le refus signifié aux Autrichiens germanophones qui voulait se rattacher à la république de Weimar, ou le refus d'admettre à la table des négociations des délégations de nations comme l'Ukraine. Ces ressentiments perdureront assez longtemps pour favoriser le bon accueil fait en Autriche à l'Anschluss en 1938, et en Ukraine à la Wehrmacht en 1941...

La Paix du Traité de Versailles. Le choix du lieu et de la date est hautement symbolique. Le lieu de la signature du traité permet à la France d'effacer l'humiliation de la défaite lors de la guerre franco-allemande de 1870. C'est en effet dans la même galerie des Glaces, au château de Versailles, qu'à eu lieu la proclamation de l'Empire allemand, le 18 janvier 1871. Et la signature du traité le 28 juin 1919 commémore l'attentat de Sarajevo survenu à la même date 5 ans plus tôt...

Les puissances victorieuses invitent des représentants des pays du monde entier à cette conférence de paix, mais aucun responsable des États vaincus ni de la Russie désormais bolchévique n'est convié. Certaines personnalités auront une influence déterminante. On retient habituellement les dirigeants des cinq principales puissances victorieuses : Lloyd George, Premier ministre britannique, Vittorio Orlando, Président du Conseil italien, Milenko Vesnić ministre de Serbie, Georges Clemenceau, chef du gouvernement français et ministre de la Guerre, et bien qu'absent, Woodrow Wilson, le Président des États-Unis...

Première grande entorse aux grands principes diplomatiques, Clemenceau qui parle couramment l'anglais, accepte le principe du bilinguisme franco-anglais dans les échanges et dans les écrits. Sans conteste, c'est Woodrow Wilson qui en sort le grand vainqueur. Non seulement ses 14 points sont la base des discussions, mais la conférence consacre la création de la Société Des Nations. Il jouit d'un grand prestige et surtout il est à la tête d'une puissance économique sans égale, face aux Européens ruinés. Il cherche à ménager l'Allemagne, à la fois pour éviter tout revanchisme et pour trouver un partenaire économique...

C'est au sujet des compensations de guerre que les divergences sont les plus manifestes. Dans un premier temps, Lloyd George tient à "presser le citron jusqu’à ce que les pépins craquent", puis il se ravise car il considère que l'Allemagne est suffisamment affaiblie. Fidèle à sa politique d'équilibre, il ne veut surtout pas une suprématie française sur le continent. Clemenceau, au contraire, cherche à imposer au vaincu le paiement de lourdes indemnités pour réduire sa puissance économique et politique. Mais aussi pour financer la reconstruction de la France, dont un quart est en ruine. Il voudrait aussi annexer la Sarre, ce dont les anglophones ne veulent surtout pas entendre parler. Orlando tient essentiellement à récupérer les terres irrédentes et installer des colonies italiennes en Grèce et en Albanie, là aussi c'est un refus catégorique...

Le projet de traité est remis à la délégation allemande, sur convocation au Trianon Palace, le 7 mai, date anniversaire du naufrage du Lusitania. Cette délégation est composée des sociaux-démocrates Max Weber, Albrecht Mendelssohn Bartholdy et Hans Delbrück ainsi que du général Max Graf Montgelas. Des contrepropositions sont remises le 29 mai par notes écrites car les représentants allemands ne sont pas autorisés à s’exprimer oralement. La délégation allemande estime que le projet n’est pas conforme aux 14 points du Président Wilson. Ces observations, très détaillées, n’aboutissent qu’à de très légères modifications, comme une consultation populaire en Haute-Silésie. Le traité définitif est remis le 16 juin au gouvernement allemand avec un ultimatum de 5 jours au-delà duquel l’armée française envahirait la totalité de l’Allemagne. Le chancelier Philipp Scheidemann ne pouvant accepter l'humiliation démissionne avec l'ensemble de son gouvernement. C'est son remplaçant, le social-démocrate Gustav Bauer qui donne son consentement, sous la menace de l'armée française car l’armée allemande n’est plus en état de résister. L’assemblée allemande vote l’adoption du traité par 237 voix contre 138 pour éviter l’occupation. Le traité est signé, avec réserves, le 28 juin par deux membres du gouvernement désignés dans l’urgence, le ministre des affaires étrangères Hermann Müller (SPD) et le ministre des transports Johannes Bell (du parti centriste Zentrum)...

La Chambre des Communes britannique le ratifie sans enthousiasme mais sans longs débats le 3 juillet 1919. En France, la ratification est précédée d'une longue phase de discussions. Le traité est examiné par une commission créée le 3 juillet 1919 présidée par René Viviani devant laquelle Clemenceau doit justifier ses concessions. Malgré les critiques, le vote de la Chambre des députés est acquis le 2 octobre 1919, celui du Sénat le 11 octobre. Le traité ne sera jamais ratifié par le Sénat étasunien...

De nombreux autres traités, dit Petits-Traités de Versailles, sont aussi signés. Celui qui reconnaît l'indépendance de la Pologne ; celui qui refuse à la 'nouvelle' Autriche de fusionner avec l'Allemagne ; celui qui acte les nouveaux États comme la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie (dite alors officiellement royaume des Serbes, Croates et Slovènes) ainsi que celui qui crée la nouvelle Roumanie qui vient de doubler de surface. Il y aussi ceux qui donnent à l'Italie les provinces du Haut-Adige, germanophone, et les territoires italophones de Trente, la ville de Trieste, la péninsule de l'Istrie et la ville de Zara en Dalmatie. Le 27 novembre 1919 sera signé le traité de Neuilly-sur-Seine avec la Bulgarie et 10 août 1920 celui de Sèvres avec l'Empire ottoman. Le 6 juillet 1920, à la Conférence de Spa sur les réparations de guerre : 52% sont réservés à la France, 22% au Royaume-Uni, 10% à l'Italie et 8% à la Belgique...

 

Dans le Monde Politique.

En France. La CGT, jusqu’alors hostile à toute nationalisation, inscrit dans son plan de décembre 1918 la revendication immédiate d’une "nationalisation industrialisée de tous les chemins de fer français". Le 1er décembre, Georges Clemenceau part pour Londres avec Stephen Pichon, le maréchal Foch et le général Philippe Berthelot. Il veut absolument rencontrer le gouvernement britannique avant la conférence de Paris qu'il pressent peu favorable aux intérêts français. Lors de ces rencontres, Clemenceau et David Lloyd George s'entendent pour un nouveau partage des responsabilités au Proche-Orient. La France accepte que la Palestine ne soit pas internationalisée et passe sous l'influence de la Grande-Bretagne. Elle lui cède également la région de Mossoul, mais en échange elle obtient une participation à l'exploitation du pétrole de Mésopotamie. Clemenceau reste ferme sur la présence française en Syrie. A la Chambre des députés, Louis-Lucien Klotz, ministre des Finances, annonce que l'emprunt de la Victoire a recueilli 28 milliards de franc-or. En complément, il signale que les frais de la guerre devront être payés par les États responsables...

Le 8, les députés d'Alsace-Lorraine, réunis en Assemblée nationale à Strasbourg, proclament leur rattachement indiscutable et définitif à la France. Le 9, l’Alsace et l'ex-Lorraine allemande sont restituées officiellement à la France. A partir du 10 décembre, c'est quasiment tout le gouvernement qui entame une tournée dans les nouvelles provinces françaises. Clemenceau et Poincaré font une entrée triomphale à Metz où ils remettent le bâton de maréchal à Philippe Pétain. L'accueil fait le lendemain par Strasbourg aux membres du gouvernement est encore plus chaleureux...

Le 12, une grande partie de la flotte US avec presque tous ses navires de guerre présents dans les eaux européennes prend la mer sous les ordres de l'amiral William Sims pour aller accueillir le paquebot George Washington qui transporte le Président des USA en Europe. Le 14, Wilson débarque à Brest où il est reçu par plusieurs ministres et par la municipalité. L'accueil populaire est lui aussi très chaleureux. Le 15, il est à Paris et là encore l'accueil officiel comme le populaire sont très enthousiastes. Il est reçu à l'Élysée et le conseil municipal lui décerne le titre de citoyen de Paris, titre qui fut jadis conféré à son plus illustre prédécesseur, George Washington. Il quittera la France pour la Grande-Bretagne le 28 après avoir visité les troupes US sur le front...

Le 21, le maréchal Joseph Joffre est reçu à l'Académie française où il a fait l'éloge de l'armée française. Le 24, une escadre française composée de cinq unités, dont le croiseur-cuirassé le Montcalm, prend la route pour la mer Baltique. Cette force navale a pour mission de veiller à l'exécution des clauses de l'armistice. Elle doit aussi visiter les ports allemands où sont réunis les prisonniers français afin de s'assurer que leur rapatriement s'effectue dans les meilleures conditions possibles. Le 25, un certain nombre d'Allemands arrivés de fraîche date ou ayant manifesté très bruyamment leur opposition au rattachement à la France, sont expulsés d'Alsace-Lorraine. Le 25, Pierre Georges Latécoère effectue un premier voyage de Toulouse à Barcelone en 2h20 à bord d'un avion Salmson piloté par le capitaine René Cornemont, c'est le début des Lignes Aériennes Latécoère (LAL)...

La Tombe du Soldat Inconnu. Dès le 18 juin 1915, la Chambre des députés, percevant le caractère dramatiquement inédit de la guerre, se prononce en faveur de la construction d'un monument aux soldats morts pour le pays. Le 20 novembre 1916, l'idée renaît à Rennes quand le président du Souvenir français, François Simon, lance "Pourquoi la France n'ouvrirait-elle pas les portes du Panthéon à l'un de nos compatriotes oubliés, mort bravement pour la patrie ?"...

En juillet 1920 les Britanniques font circuler dans les rues de Londres un cercueil symbolique pour rendre hommage aux combattants morts pendant la guerre. Cette manifestation déclenche une grande ferveur populaire. Le 24 octobre 1920, les autorités décident alors d'inhumer un Tommy inconnu à Westminster, à côté des souverains. L'évènement aura lieu le 11 novembre 1920. Cette décision britannique remobilise de nombreux députés. Comment la France, qui a supporté la quasi totalité de la guerre sur son sol, pourrait-elle faire moins bien que la Grande-Bretagne ? Si la décision de faire un grand hommage national à un soldat inconnu est unanime, le lieu de l'inhumation est source de conflit entre la gauche et la droite. Pour la gauche, c'est au Panthéon symbole de la puissance de la république laïque sur les forces réactionnaires, y compris sur le despotisme napoléonien. Pour la droite c'est à l'Arc de triomphe, car le soldat inconnu n'est pas un grand homme comme les autres, il symbolise "le peuple tout entier". De plus, le Panthéon doit recueillir le cœur de Léon Gambetta le 11 novembre 1920 et il paraît difficile de coupler les deux cérémonies. Finalement le 8 novembre, 3 jours à peine avant la cérémonie et après une séance très houleuse à l'Assemblée nationale, c'est l'Arc de triomphe qui emporte les suffrages(3)...

En Grande-Bretagne. Les Britanniques organisent en Mésopotamie une consultation populaire dont les questions sont clairement dirigées en faveur de la constitution d'un État arabe sous contrôle britannique mais dirigé par un émir. Dans le sud, sous l'influence des notables religieux chiites, la présence britannique est refusée et les populations réclament un État arabe s'étendant de Mossoul à Bassora dirigé par un roi arabe musulman. Les populations sunnites, essentiellement urbaines, revendiquent un État arabe qui pourrait être inclus dans une confédération régionale. A Newcastle, dans un de ses discours de campagne, Lloyd George aborde la question des indemnités à réclamer à l'Allemagne et celle du châtiment des coupables, il indique "La paix doit être d'une justice rigoureuse et inflexible". Le 30, les élections britanniques sont un triomphe pour Lloyd George. La coalition libérale-conservatrice, fondée sous ses auspices, remporte 478 sièges (144 libéraux, 334 conservateurs), 63 sièges vont aux travaillistes (en net progrès) et 28 aux libéraux dissidents de Herbert Henry Asquith (pour eux, c'est la déroute). Mais moins d'un électeur sur deux s'est déplacé et un tiers à peine des militaires sur le continent ont pu voter. Ces élections sont caractérisées par le succès des unionistes, les progrès des travaillistes et celui des indépendantistes irlandais du Sinn Fein. C'est la défaite des libéraux doctrinaires et des nationalistes irlandais. Les 73 députés ouvertement indépendantistes élus en Irlande refusent de siéger à Westminster au nom du Home Rule (autonomie à la sauce britannique) et s'autoproclament le "Parlement d'Irlande". Ils désignent le chef du Sinn Féin, Éamon de Valera, comme "Président de la République". C'est le début officiel de la guerre d'indépendance irlandaise...

Aux États-Unis. Le Président Woodrow Wilson fait annoncer qu'il viendra en Europe comme chef de la délégation US. Le 4, lors de son message au Congrès, il déclare que la paix sera conclue au cours du printemps prochain. Le 6, il part pour l'Europe sur le paquebot George Washington à bord duquel est installé un très puissant poste de TSF pour qu'il reste en contact permanent avec le pays. Il compte faire la visite de quasiment tous les pays alliés européens, y compris au Vatican pour voir Benoît XV, dans un périple qui va durer 6 semaines...

Une impensable sortie de guerre pour l'Allemagne. Il y a d’abord le bilan humain. Presque 2 millions de soldats ont été tués, plus de 4 millions sont invalides ou blessés. La rentrée de 7 millions de soldats dans une économie incapable de les employer rend problématique une sortie de guerre harmonieuse et rapide...

En Allemagne. En décembre 1918, la situation du pays est de plus en plus confuse. Si la droite aristocratique a abandonné le pouvoir c'est uniquement pour faire endosser la défaite à la gauche, social-démocrate et bourgeoise qui s'est empressée de le prendre. En fait, la 'gauche' allemande est fractionnée en trois tendances quasi irréconciliables. A droite, les sociaux-démocrates du SPD (Parti social-démocrate d'Allemagne) composé en majorité de bourgeois qui ont toujours voté les lois essentielles proposées par le gouvernement impérial pendant la guerre. Au centre, les socialistes de l'USPD (Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne), une scission du SPD qui depuis 1916 rejette les propositions gouvernementales. Et, à l'extrême gauche, les Spartakistes (qui vont devenir communistes) qui n'ont jamais siégé nulle part et qui, s'ils ne refusent pas le pouvoir, ne veulent surtout pas le partager avec les sociaux démocrates du SPD...

Dans l'ensemble, la grande majorité des Allemands refuse les autonomistes qu'ils soient Bavarois, Rhénans ou Polonais. Même l'abandon de l'Alsace, de la Lorraine, des Sudètes est très mal accepté. Les Allemands ne comprennent pas les raisons qui poussent des Allemands à quitter la mère patrie, c'est pour eux une trahison. Il sera alors très facile aux Nazis de mettre en avant ces reconquêtes pour faire accepter aux Allemands en 1938 les actions militaires qui préludent à la deuxième guerre mondiale...

Au début du mois, le nouveau gouvernement est paritaire : 3 SPD (Otto Wels, Friedrich Ebert et Philipp Scheidemann), 3 USPD (Wilhelm Dittmann, Richard Lipinski et Alfred Henke). Mais les divergences ne tardent pas à apparaître notamment devant la poussée insurrectionnelle des Conseils d'ouvriers et de soldats menés par les Spartakistes (Karl Liebknecht, Rosa Luxemburg et nombre d'autres révolutionnaires). Ces derniers sont armés, très bien structurés et n'hésitent pas à prendre d'assaut les bâtiments publics. D'ailleurs ils se sont rendus maîtres de la principale station de TSF qui émet dans toute l'Allemagne...

Le 9 décembre, Le colonel français Charles Joseph Dupont arrive à Berlin. Cet ancien chef du 2e Bureau est chargé de l'organisation du rapatriement des prisonniers français. Il s'installe au palais de l'ancienne ambassade de France. Le 16, on découvre à Potsdam une partie de la garde robe impériale qui contient 600 uniformes(4). Le 17, Les usines Krupp annoncent qu'elles vont être obligées de licencier 200 000 travailleurs. 350 000 personnes sont en grève à Berlin...

Pour contrecarrer les menées révolutionnaires des Spartakistes, Ebert prend rapidement des mesures populaires, comme l'abolition de l'état de siège, la liberté d'association et de réunion, l'amnistie des délits politiques, le suffrage universel et l'annonce de l'élection d'une constituante. Ebert dédaigne les offres de blé de Lénine et demande des vivres aux États-Unis, en donnant l'assurance aux gouvernements vainqueurs qu'aucun bouleversement révolutionnaire n'aura lieu en Allemagne. Le chancelier SPD est ardemment soutenu par les industriels qui craignent les Spartakistes et il reçoit une offre de Paul von Hindenburg, qui lui promet l'appui de l'armée loyaliste contre les révolutionnaires...

Quelle folie la guerre !

Zone de Texte: Pour revenir à la page d'accueil de mon site de Barbentane, cliquez ici !!!
Zone de Texte: Vous pouvez toujours m'écrire, cliquez ici et ce sera fait
Ou alors à cette adresse : bne.lagramillere@free.fr

Barbentane, le plus beau village de l'Univers

Zone de Texte: Pour accéder aux archives des Écho déjà publiés, cliquez ici !!!

Regroupement de cadavres sur un front maintenant silencieux (photo colorisée)

Dans Cambrai en ruines, Canadiens devant la mairie, siège de l'ancienne Kommandatur

Peu confiante dans ses soldats, l'armée loyaliste crée alors des Corps-francs avec des hommes sûrs. Elle les conditionne pour réprimer dans le sang les groupes spartakistes qu'elle accuse, à tort du point de vue historique, d'avoir provoqué la défaite allemande. Les escarmouches se multiplient dans quasiment toutes les grandes villes allemandes et une division de 3 000 marins loyalistes venus de Kiel, la Volksmarinedivision (Division populaire de marine) arrive à Berlin. Sous les ordres du général Arnold Lequis qui déclare n'obéir qu'au gouvernement, ce qui est faux, elle chasse les insurgés du château qu'ils occupent près de Berlin. Le 23 décembre, les Spartakistes prennent Otto Wels en otage dans les écuries royales et s'emparent du palais de la chancellerie. Le 24, les Corps francs les attaquent et 68 personnes au moins sont blessées, il y a aussi des tués. Pour faire cesser les combats, la troupe de sécurité du préfet de police Emil Eichhorn se rallie aux insurgés et les Corps francs doivent se retirer. Cet épisode, dit Weihnachtskämpfe (combats de Noël), fait que les membres de l'USPD se retirent du gouvernement pour protester contre l'appel aux troupes loyalistes prussiennes. Pas du tout embarrassé, Ebert licencie le préfet de police Eichhorn et remplace les démissionnaires par les SPD Rudolf Wissell et Gustav Noske. Ce dernier réprime durement l’insurrection et s'impose comme l'un des appuis les plus solides du nouveau régime de Weimar. Avec l'aide des Corps-francs il fait réprimer dans le sang l’insurrection spartakiste de Berlin durant la Semaine sanglante, du 6 au 15 janvier 1919. Au cours de cette semaine, les deux leadeurs spartakistes Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg(5) sont assassinés sur ordre de Noske. Il déclare alors "Il faut que quelqu'un fasse le chien sanguinaire, je n'ai pas peur des responsabilités"...

Malgré des soubresauts qui vont durer jusqu'en 1920, la révolution ouvrière allemande a échoué face à une coalition militaro-bourgeoise. Ce choix de gouvernement se cumulant avec la signature du traité de Versailles que la grande majorité des Allemands rejette, le SPD va le payer très cher. Il va entrer petit à petit dans une dure récession électorale. Ce qui, au final, laissera le champ libre aux forces d'extrême droite comme le stratège Erick Ludendorff l'avait prévu. Mais c'est une toute autre histoire. Pour ceux qui veulent poursuivre la progression du nazisme en Allemagne, je recommande ce site : cliquez-ici

Au Portugal. Élu Président du pays le 28 avril 1918 dans l'enthousiasme, en moins de 6 mois Sidónio Pais devient l'homme le plus détesté du Portugal. Après avoir complètement abandonné ses soldats en France, son autoritarisme, sa brutalité, la censure et l'absence totale de réforme sociale, ne lui valent que des critiques. Le 14 décembre, en voulant se rendre à Porto par la gare de Rossio, il est touché de deux balles tirées à bout portant par José Júlio da Costa, un ancien militaire militant républicain. La première balle ne le blesse qu'au bras droit, la seconde lui perfore l'estomac. Il finit par mourir en se vidant de son sang à l’hôpital São José de Lisbonne. Dans la confusion, qui s'en suit on relève 4 morts, les services de sécurité totalement débordés se trompant de cible et tuent des civils innocents. Le meurtrier, son geste accompli, se laisse facilement capturer. Aussitôt, les Chambres sont convoquées par le ministre de la Marine, chargé de la présidence provisoire. Le 19, c'est l'amiral monarchiste João do Canto e Castro qui est élu Président par 137 voix. Il charge le docteur José Nunes da Ponte, ancien président de la Chambre des députés, de former le cabinet. Mais avant la fin de l'année il doit réprimer une révolution républicaine menée par Francisco da Cunha Leal et Álvaro Xavier de Castro, puis en janvier 1919 une action monarchiste dirigée par Paiva Couceiro s’empare de Porto, Viseu, Braga, Aveiro et Coimbra. Elle échoue mais révèle l’ampleur du mécontentement profond qui règne dans le pays...

En Espagne. Le 5 décembre, le cabinet présidé par Garcia Prieto démissionne. Le roi Alphonse XIII charge alors Álvaro de Figueroa y Torres de former un nouveau cabinet. Le 6, devant le refus des autres chefs de partis de collaborer avec lui, Figueroa prend la décision de constituer un cabinet purement libéral. Le 11, il fait une déclaration au Sénat sur la politique qu'il compte suivre avec son nouveau cabinet. Le 15, les députés catalans quittent brusquement la Chambre espagnole pour protester contre le refus des partis de discuter le régionalisme. Le 17, de sanglantes bagarres ont lieu à Barcelone. Alors Figueroa décide de suspendre les Cortès, et instaure la loi martiale en Catalogne. Le 19, Figueroa tente de répondre aux revendications catalanes, ses maigres ouvertures sont loin de satisfaire les autonomistes...

En Hongrie. Le 2 décembre, les 70 000 Allemands du général August von Mackensen qui rentrent péniblement de Bulgarie, sont internés en Hongrie...

En Pologne. Les assassinats de Juifs sont signalés dans plusieurs villes prises aux Ukrainiens. En fait, les soldats et les civils polonais leur reprochent un soutien actif aux forces ukrainiennes, alors que dans la grande majorité des cas ils étaient restés neutres. Le 3 décembre, les élections polonaises sont fixées au 5 janvier. Le gouvernement polonais de Józef Piłsudski ne cesse de protester auprès des Alliés du comportement des troupes allemandes qui sont toujours dans le pays et qui ne cessent de le piller pour se ravitailler...

Les alliés fixent la frontière nord du pays d’après la ligne proposée par le Britannique George Curzon. L'ancienne ville allemande de Mémel passe en territoire lituanien. La ville de Vilnius devient la capitale de la Lituanie. La Prusse Orientale, pourtant totalement enclavée, reste allemande avec Königsberg pour capitale. La ville allemande de Dantzig devient une république autonome. Pour donner à la Pologne un accès à la mer Baltique, un 'corridor' est tracé à l'ouest de Dantzig. Dans ce partage, il y a tous les ferments d'une nouvelle guerre...

Les premières élections libres pour élire la Diète (Sejm) auront lieu le 26 janvier 1919 et voient la droite nationaliste remporter un peu plus de la moitié des sièges. Dès février, des tensions éclatent avec le voisin soviétique pour le contrôle de Vilnius. Avec l’aide des armées alliées, les Polonais tiennent bon. Le 26 juin un des petits traités de Versailles reconnaît la Pologne comme un État de plein droit mais lui impose une protection des minorités (ethniques, linguistiques et religieuses) par la Société des Nations...

État des Serbes, Croates et Slovènes. Le 5 décembre, l'armée serbe tire sur une manifestation de Croates à Zagreb, causant la mort de 15 manifestants. Le même jour, la messe de Te Deum, destinée à célébrer l'union entre la Serbie et l'État des Slovènes, Croates et Serbes, est célébrée par l'archevêque de Zagreb dans une cathédrale désertée par les fidèles. A ces déboires internes, s'ajoute la partition des territoires anciennement austro-hongrois peuplés par les Slaves du Sud. En effet, le Nord-Ouest de l'État échoit au royaume d'Italie, à la suite de maladresses de ses responsables et du désintérêt des hommes politiques du nouveau royaume. Cette conquête est cependant exploitée par les hommes d'État serbes, qui utilisent la peur que les Croates éprouvent vis-à-vis des Italiens pour pousser les représentants Croates à accepter l'union avec la Serbie...

Dans les Pays Baltes. Le 8, l'Armée rouge tente de pénétrer dans les pays baltes. Ces derniers incapables de résister, lancent un appel urgent aux Alliés. Le 19, une escadre Britannique parvient à repousser les assaillants et tente même de s'attaquer à Petrograd d'où Lénine et Trotski s'enfuient rapidement se sentant en danger. Mais la marine russe réagit rapidement en plaçant des centaines de mines dans le port. Les quelques tentatives britanniques pour essayer d'atteindre la ville ne parviendront jamais à traverser le champ de mines...

En Russie Rouge. Après 1919, tout en combattant leurs rivaux politiques, les bolchéviques pressurent les ouvriers parfois en compagnie de mutins de l’Armée rouge. Ils imposent le travail forcé le dimanche et répriment les grèves avec la dernière énergie. Lénine lui-même prône des "exécutions massives" pour briser une grève de cheminots. La Tcheka va réprimer dans le sang le moindre mouvement contestataire et c'est sans pitié que les militants ouvriers, mencheviks ou socialistes-révolutionnaires sont exécutés. Les paysans ne sont pas épargnés. Victimes des réquisitions de céréales, beaucoup meurent de faim. Les exécutions sommaires, les massacres, les saisies, les prises d'otages... ne sont pas l'apanage des Rouges. Les Blancs les pratiquent avec tout autant de vigueur, avec le désavantage sur les bolchéviques de susciter la haine des masses paysannes, qui se vengent de plusieurs siècles d'oppression. Les bolchéviques ne se font pas faute d'exciter cette haine. En deux années, la guerre civile va faire environ 5 millions de victimes parmi les combattants, non compris autant de civils victimes des famines et des exécutions sommaires. C'est bien plus que la Première Guerre mondiale. Cette guerre civile va se conclure par la mainmise des bolchéviques et de Lénine sur un pays ruiné. En 1921, confronté à un début de famine et à une désorganisation complète des rouages de l'État, Lénine lâche du lest, annonce une nouvelle politique économique et fait appel à l'aide étasunienne !

En Russie Blanche. Le 21 décembre, l'armée sibérienne de Koltchak rentre dans la ville de Kungur au centre-ouest de la Sibérie et, le 24, dans celle de Perm un peu plus au nord. L’Armée rouge perd 18 000 hommes, mais les pertes de l’Armée blanche sont quasiment équivalentes. A partir de cette date, les Armées blanches ne sont plus en mesure de mener des grandes attaques...

Le 25 décembre à Omsk, les centaines d'ouvriers et militants socialistes emprisonnés depuis novembre sont massacrés par les unités du général Krasilnikov qui dépend de l'amiral Koltchak. Pour justifier ces massacres, l'amiral affirme qu'ils étaient d'accord avec les bolchevistes. Les Légionnaires tchèques sont affectés à la garde du chemin de fer transsibérien entre Tcheliabinsk à 1 500 km de Moscou et le lac Baïkal, sous le commandement théorique du général français Maurice Janin...

En Ukraine. En décembre, l'Ukraine est toujours aux mains des indépendantistes Volodymyr Vynnytchenko et Simon Petlioura. En février 1919, l'Armée rouge prend Kiev, la première indépendance socialiste d'Ukraine a vécu...

En Roumanie. Le 24 décembre, c'est l'unification officielle de la Transylvanie à la Roumanie. En un jour, le pays double de surface. Le 26 décembre des émeutes sociales de déroulent à Bucarest. La police tire sur la foule, faisant plus de cent morts et de nombreux blessés. Du coup, le cabinet de Constantin Coandă démissionne et Ion Brătianu occupe de nouveau la place...

En Turquie. Selon une étude publiée au début du mois, un million au moins d'Arméniens ont été massacrés par les Turcs(6) depuis le début de la Grande Guerre, sans compter les Grecs, les Druzes et les Syriens. Le 17 décembre, conformément aux accords entre Clemenceau et Lloyd Georges, les Français et les Arméniens occupent Adana, puis Marach, Antep (Gaziantep) et Urfa à la place des Britanniques...

Dans le prolongement de l'armistice, la conférence de San Remo (mars 1920) place sous mandats britannique et français les anciennes provinces arabes de l'Empire. Le traité de Sèvres (août 1920) prévoit le démembrement de l'Empire Ottoman qui passe par la mise en place, dans les provinces de l'est anatolien, d'une grande Arménie indépendante, d'un Kurdistan autonome, de fortes pertes territoriales au profit des Grecs dans la région de Smyrne ainsi que dans la Thrace Orientale, et d'une internationalisation de la zone des Détroits. Les Alliés, dont les objectifs seront devenus divergents voire opposés, s'effaceront face à une résistance nationale unifiée dirigée par Mustafa Kemal Atatürk, qui reprendra la totalité de l'Anatolie et Constantinople (traité de Lausanne, 1923)...

En Arménie. Le 6 décembre, l'Arménien Drastamat Kanayan, dit le général Dro, entre avec ses troupes dans l'ancienne ville russe d'Alexandropol (maintenant Gyumri en Arménie) évacuée par les Turcs...

En Suisse. La presse suisse demande la démission de trois conseillers fédéraux taxés de germanophilie. L'un deux, Éduard Müller, qui briguait pour la deuxième fois la présidence de la Confédération, déclare renoncer à ce poste. Le 12, c'est Gustave Ador, président du CICR, qui est élu Président de la Confédération helvétique...

Au Vatican. Le 23 décembre, le Pape manifeste le désir de participer à la conférence de la paix, il ne sera pas invité...

Dans le Monde des Sciences, des Arts, des Lettres et du Sport. A Moscou, c'est la création d'un second Svomas (académies des arts). Il rassemble les anciennes écoles des beaux-arts et des arts appliqués. Les collections Chtchoukine, Morozov et Ostrooukhov sont nationalisées et de nombreux journaux artistiques sont crées. En France, c'est le début de la correspondance entre André Breton et Tristan Tzara. Breton est séduit par les propositions radicales proclamées dans la revue Dada dont le troisième numéro vient d'arriver à Paris. Le 8 décembre aux USA, c'est la sortie du film Arizona où pour la première fois le métier de script est reconnu...

Le 2 décembre, c'est le décès à Paris d'Edmond Rostand. Né à Marseille, dont il avait toujours l'accent, c'était un écrivain, dramaturge, poète et essayiste français. Il est l'auteur de l'une des pièces les plus connues du théâtre français, Cyrano de Bergerac. Il est emporté par la grippe espagnole à l'âge de 50 ans et repose au cimetière Saint-Pierre à Marseille. Le 11, c'est la naissance à Kislovodsk en Transcaucasie d'Alexandre Soljenitsyne. Officier artilleur remarqué par sa bravoure lors de la deuxième guerre mondiale, il devient écrivain, puis dissident. Son roman le plus célèbre, L'Archipel du Goulag, décrit l'univers concentrationnaire russe qu'il connaît très bien pour l'avoir vécu de l'intérieur. Il est banni de l'URSS en 1974 et s'installe aux USA. Réhabilité en 1994, il rentre en Russie où il finit par être reçu avec tous les honneurs par Vladimir Poutine. Il meurt à son domicile de Moscou à 89 ans dans la nuit du 4 août 2008 d'une insuffisance cardiaque aiguë. Il est enterré au cimetière du monastère de Donskoï près de Moscou. Le 18, à Angoulême naît Pierre Desgraupes. Journaliste, pionnier de la télévision française, il lance avec son ami Pierre Dumayet en 1953 Lecture pour tous, puis Cinq colonne à la une et encore En votre âme et conscience dans laquelle ils évoquent les grandes affaires judiciaires de l'histoire et font des spectateurs le jury. En décembre 1969, grâce à Jacques Chaban-Delmas il fait souffler un vent nouveau sur la télé après les purges de mai 68. Il est viré par Arthur Conte en 1972 et reviendra en 1981 avec les socialistes au pouvoir. Là encore, la Maison ronde s'émancipe (Les Enfants du Rock, La chasse au trésor, Gym Tonic, les séries comme Châteauvallon, etc...). Atteint par l'âge il quitte la télé à 65 ans et il décède à 74 ans le 17 août 1993 à Paris. Il repose au petit cimetière de Saint-Léon-sur-l'Isle près de Périgueux en Dordogne. Le 25 à Mit Aboul Koum, une bourgade dans le delta du Nil, c'est la naissance de Mohamed Anouar el-Sadate. Après des études militaires, dès 1942 il est emprisonné par les Britanniques pour ses activités indépendantistes. En 1952, il participe au coup d'état qui détrône le roi Farouk et porte Nasser au pouvoir dont il devient le vice-président en 1969. Il est élu Président de l'Égypte le 15 octobre 1970, et avec la Syrie, il mène à partir du 6 octobre 1973 la Guerre du Kippour contre Israël pour tenter de reprendre le Sinaï perdu en 1967 lors de la guerre des Six Jours. Même si cette guerre est un relatif échec, il gagne une popularité dans le monde arabe que même Nasser n'a jamais eue. Grâce à ça, il arrive à un rapprochement avec Israël qui lui vaudra le prix Nobel de la paix en 1978, conjointement avec le Premier ministre israélien Menahem Begin. En 1981, il commence une politique d'épuration sauvage contre toutes les élites du pays et il fait emprisonner des communistes, des nasséristes, des féministes, des islamistes, des orthodoxes, des coptes, des professeurs d'université, des journalistes et des membres de groupes d'étudiants. Il fait assassiner le patriarche copte orthodoxe Chénouda III dans son monastère Saint-Bishoy. Un mois après le début de cette épuration, il est assassiné le 6 octobre 1981 au Caire durant une parade militaire par des membres de l'armée qui appartiennent à l'organisation du Jihad islamique égyptien. Dans la fusillade, sept autres personnes sont tuées. Il est enterré quasiment clandestinement tant les autorités ont peur que la foule ne vienne perturber son déroulement...

Occupation de l'Allemagne. Elle se poursuit à petite vitesse, les Alliés mettront quasiment un mois pour occuper toute la rive gauche du Rhin. Les troupes Belges et Britanniques s'installent de la Hollande jusqu'à Ratingen, avec le siège du commandement à Wesel. Les Étasuniens s'installent de Ratingen jusqu'à Coblence, avec le siège du commandement à Wipperfrierth et les Français de Coblence jusqu'à la frontière suisse, avec le siège du commandement à Westerburg. Les 3 têtes de pont : Cologne, Coblence et Mayence sont investis et les installations militaires commencent à déménager sur la bande de 50 kilomètres sur la rive droite du Rhin qui doit être démilitarisée...

Le 14 décembre, les plénipotentiaires Alliés et ceux de l'Allemagne se rencontrent à Trèves pour discuter au sujet de la prolongation de l'armistice. Le train de Foch où a été signé l'armistice à Rethondes est aussi du voyage. Le lendemain, Foch et Pershing arrivent à Trèves pour clôturer la discussion. Le 16, l'armistice est prolongé d'un mois, la prochaine échéance est fixée au 17 janvier 1919 à 5 heures. Cette prolongation d'un mois sera étendue jusqu'à la conclusion des préliminaires de paix, sous réserve de l'assentiment des gouvernements alliés. Le haut commandement allié se réserve le droit, s'il le juge bon, pour s'assurer de nouvelles garanties, d'occuper la zone neutre sur la rive droite du Rhin, au nord de la tête de pont de Cologne et jusqu'à la frontière hollandaise. Cette occupation serait annoncée par le haut commandement aux Allemands avec six jours de préavis...

Le 25, sans en faire étalage, les Alliés se mettent d'accord pour arrêter l'intervention en Russie, et rapatrier sans bruit les soldats des corps expéditionnaires...

Le massacre du camp de Langnsalza. Ce camp, situé au centre de l'Allemagne, est réputé pour être un des plus durs, avec essentiellement des 'kommando' pour les travaux pénibles. Les épidémies y sont légion, la nourriture immonde et tout juste suffisante. Il comporte essentiellement des militaires de toutes nationalités, mais aussi des civils prisonniers, le tout sous la responsabilité du capitaine Koch. Tout laisse à penser que le 27 novembre, des prisonniers heureux de savoir la guerre finie, décident d'aller chercher du bois en forêt pour reconstruire leur théâtre détruit. Les sentinelles sur ordre ou par habitude leur tirent immédiatement dessus. Au total, on relève 15 soldats tués (9 Français, 3 Belges, 2 Italiens et 1 Russe) et 13 blessés, dont 8 Français. L'affaire n'est connue qu'au début décembre avec les premiers prisonniers rapatriés. Aussitôt, le gouvernement français demande au gouvernement espagnol chargé de nos intérêts en Allemagne de faire une enquête. Le rapport des délégués sur leur visite au camp confirme en tout point les dires des prisonniers rapatriés. Comme toujours, les prisonniers tués dans ces circonstances étaient notés "mort de maladie". On ne sait pas si les coupables ont été punis...

Restitutions. Le 6 décembre, les Allemands remettent aux Alliés une somme de 300 millions en or, provenant du trésor russe. Ils restituent également des objets d'art volés dans l'Europe occupée, il y en a pour environ 6 milliards de marks. Les objets d'arts et de valeur provenant de Lille, Roubaix, Tourcoing, Valenciennes sont réintégrés dans ces villes. Vu l'état de ruine des villes de Douai, Cambrai, Caudry et Saint-Quentin, les objets d'art leur appartenant sont remis à Paris, Lille ou Valenciennes. Un train en provenance de Bruxelles rapporte à Valenciennes des coffres-forts que les Allemands déclarent n'avoir pas ouverts. Par obligation, ils rendent aux autorités franco-belges les titres, bons monétaires et valeurs monétaires pris dans le nord de la France et en Belgique. Ils restituent aussi les archives publiques, privées et les comptabilités...

Les Nouvelles Tensions Internationales. Si la Grande Guerre en Europe est considérée comme terminée, elle se poursuit quand même dans les Balkans où les Français mènent un combat contre les Bolcheviques. Ceux que Clemenceau avait appelés avec mépris "les jardiniers de Salonique", leur reprochant longtemps leur inaction, poursuivent la guerre cinq mois de plus que ceux de l'ouest européen. Ils traversent la Roumanie et combattent en Russie du sud contre les bolcheviques. Ce n'est qu'en mars 1919 que les poilus d'Orient sont rembarqués à Odessa à destination de la France avec le sentiment d'avoir injustement été les oubliés de la Grande Guerre...

En Europe. La Suède, la Norvège et les pays Baltes ne cessent de dénoncer les velléités guerrières de l'Armée rouge à leurs frontières. En Pologne, une partie des Allemands de souche ne supportent pas d'être considérés comme des étrangers, notamment dans le corridor de Dantzig. Certains commencent à s'exiler en Allemagne, ce qui arrange bien les Polonais. Il en est de même en Tchécoslovaquie pour les Allemands des Sudètes. En Pologne et en Ukraine, des combats éclatent en Volhynie. Les forces de la République populaire ukrainienne commandées par Simon Petlioura essaient d'étendre leur territoire vers l'ouest, vers la ville de Chełm...

En Amérique du Sud. Les tensions entre la Bolivie, le Pérou et le Chili à cause de l'accès à la mer de ces deux premiers pays n'ont jamais vraiment cessé depuis 1904, et elles sont toujours d'actualité...

En Afrique. L'Espagne et la France n'arrivent pas à se mettre d'accord au sujet des enclaves espagnoles au Maroc...

Forces Alliées en Russie Orientale.

Les Français. Ils s'avanceront quasiment jusqu'au lac Baïkal dans une rude campagne, mais ils se retirent tout aussi rapidement pour revenir à Vladivostok d'où ils réembarquent pour l'Indochine dès mars 1919...

Les Canadiens. A la tête de ses 4 192 hommes, le général James Elmsley se borne pour l'essentiel à faire régner l'ordre dans la ville de Vladivostok à l'ambiance très agitée. A peine une centaine de ses soldats assisteront les Russes blancs de l'amiral Alexandre Koltchak et participeront aux combats contre les Bolcheviks. Le corps expéditionnaire rentrera au pays entre avril et juin 1919...

Les Étasuniens. Venus dans l'objectif de rapatrier les Légions tchèques, ils repartiront avec ces dernières en septembre 1920...

Les Japonais. Malgré la défaite des Russes blancs, ils continuent à soutenir militairement le gouvernement provisoire du Primorie basé à Vladivostok contre la république d'Extrême-Orient soutenue par Moscou. La présence continue des Japonais pose problème aux États-Unis qui les suspectent de vouloir annexer la Sibérie et l'Extrême-Orient russe. Soumis à une intense pression diplomatique anglophone, et face à une opposition publique intérieure qui s'alarme du coût humain et économique de cette occupation, le gouvernement de Katō Tomosaburō retire les troupes japonaises de Vladivostok en octobre 1922. Mais ils restent en Corée malgré une rébellion matée dans le sang en mars 1919 et le Japon exerce une influence très importante sur la Chine du nord jusqu'à la reprise de la guerre en 1937...

La Fin de la Guerre Civile Russe. Le 20 janvier 1920, à Irkoutsk en Sibérie centrale, les socialistes abandonnent le pouvoir à un comité révolutionnaire bolchevik alors que la 5e armée rouge approche de la ville. L'amiral Alexandre Koltchak est alors immédiatement arrêté. Apprenant la nouvelle, l'ataman Grigori Semenov envoie un commando sous les ordres du général Skipetrov sur Irkoutsk. A Krasnoïarsk et Kansk les restes de l'Armée blanche sous les ordres du général Vladimir Kappel marchent aussi sur Irkoutsk pour délivrer leur chef. Le 7 février les avant-gardes, sous les ordres du général Sergueï Wojciechowski, sont à Inokentjevsk à quelques kilomètres au nord-ouest d'Irkoutsk. Mais il reçoit un message de la Légion tchécoslovaque qui lui intime l'ordre de ne plus avancer sinon les légionnaires se battront aux cotés des Rouges. A l'est les Tchécoslovaques ont arrêté le général Skipetrov et désarmé ses hommes. Dans les premières heures de ce 7 février 1920, Koltchak est fusillé par les Bolcheviques qui ne s'embarrassent même pas d'un procès bidon. Le même jour les Tchécoslovaques trouvent un accord avec les Rouges pour évacuer leurs troupes vers Vladivostok, évacuation qui commence le lendemain ne laissant sur place qu'une petite arrière-garde. Pour les Tchécoslovaques le dernier obstacle au rapatriement est levé. Fin février, la majeure partie de la Légion quitte Irkoutsk. Les légionnaires traversent la Mandchourie, font halte à Kharbine (maintenant Harbin en Chine du nord) et arrivent en mars à Vladivostok où les attendent 29 navires alliés chargés de les ramener en Europe. Plus de 67 000 légionnaires sont évacués, dont 53 000 soldats et 3 000 officiers. Une petite force italienne de 4 200 hommes, anciens prisonniers de guerre des Austro-Hongrois les accompagne. Une partie passe par l'océan Indien, Suez, Trieste et l'Autriche et une autre traverse le Pacifique puis les États-Unis. Ils arrivent en Tchécoslovaquie auréolés, fêtés comme des héros, tandis que le dernier légionnaire quitte la Russie le 2 septembre 1920...

Près de 4 000 légionnaires sont morts en Russie. L'odyssée de la légion tchécoslovaque s'inscrit d'abord dans l'histoire de la Tchécoslovaquie et plus particulièrement de son accession à l'indépendance. Les combats que les légionnaires ont menés en Russie ont en effet servi les efforts de Masaryk et du Conseil national tchécoslovaque dans leurs négociations avec les Alliés qui aboutissent à la création de la République tchécoslovaque fin 1918.

Dans l'évolution de la guerre civile russe, le rôle des Tchécoslovaques est également essentiel. Leur révolte en mai 1918 coûte aux bolcheviks le contrôle des régions à l'est de l'Oural tandis que leurs succès militaires permettent aux forces antibolcheviques de Sibérie de s'organiser et de former un nouveau front de la guerre civile sous les ordres de l'amiral Koltchak. Pourtant à la fin de la guerre civile, certains Russes blancs accusent les Tchécoslovaques de trahison, notamment pour avoir livré Koltchak à ses adversaires. Mais c'est oublier que les légionnaires ne furent en Russie que les instruments de la politique des Alliés, une politique timorée, contradictoire et ambiguë qui au final a été un immense fiasco...

 

Il est temps maintenant de revenir à Barbentane. Ce sont deux Écho qui commencent l'année 1919, mais aussi terminent cette série de publication. Ceux de janvier-Février et de Mars-Avril. La guerre est finie, du moins en Europe occidentale, elle continue dans les Balkans où encore beaucoup de Barbentanais sont engagés, mais l'Écho n'en dit plus un mot. Le courrier des soldats a disparu. Après l'enthousiasme de la victoire, une vie bien triste recommence avec ses blessés et ses deuils qu'il faut assumer...

Écho de janvier-Février 1919. Dès sa Une, il se prétend de "Nouvelle Manière", en fait, il essaye de serrer son budget au plus près de ses finances. Il se réduit à 8 pages, comme à ses débuts. Il pense pouvoir ainsi survivre, mais c'est son déclin qui s'amorce. L'abonnement passe à 1fr50 (ce qui correspond à 3,50€ environ)...

Au livre d'or, l'aviateur Marcel Tourniaire, déjà décoré de la Légion d'honneur fait l'objet d'une nouvelle citation. Le caporal Charles Mouïren est cité à l'ordre de son régiment et le maréchal-des-logis (sergent) François Jullien reçoit l'Ouissam Alaouite, une décoration marocaine. Trois nouveaux noms sont inscrits au Martyrologe : Ernest Fages, Jean-Marie Ginoux et Jean-Marie Amiel...

Dans une Croisade Eucharistique, les fidèles de Barbentane offrent une 'obole royale' de 21 vases sacrés en faveur des églises ruinées. Le Révérendissime G. Madelaine envoie une lettre de Dinant au sujet des 13 pères de Frigolet morts pendant la Grande Guerre...

Dans l'état religieux, on note 4 naissances, 3 mariages et 14 décès, de tous âges, la grippe espagnole sévit encore...

Il est suivi d'articles sur Notre-Dame de Lourdes, un autre sur Le Dimanche par Mgr du Vauroux, un autre très à droite sur le "Lendemain de Guerre" par l'académicien René Bazin et un dernier la "Bonté et Miséricorde" signé par une inconnue, Mme de Banchecotte. Dans sa dernière page, un article plein de banalités sur Une fille à marier...

Écho de mars-avril 1919. Dans sa Une, on signale que le curé Aimé Guigues, le rédacteur de l'Écho, est affecté d’une forte bronchite qui exige de longs soins. Par ces temps où sévit la grippe espagnole, l'affaire paraît sérieuse. Ce sont les curés de Rognonas, ainsi que le père Hilaire qui assurent son remplacement. A partir du début février, après la Purification, c'est le père Jacques Mison de l'ordre des Prémontrés qui va officier jusqu'à Pâques où on espère le retour d'un vicaire démobilisé...

L'Écho fustige le comportement des 'jeunes' ainsi que certains anciens soldats qui, au Carnaval de 1919, se sont jetés dans des réjouissances que 'l'Église réprouve'. Le renouvellement des 5 prieures du Saint-Sacrement s'est fait à sa date. On espère toujours que les 30 dossiers préparés avec soin seront acceptés comme pupilles de la nation par le tribunal de Tarascon. L'Écho regrette sincèrement la disparition du courrier militaire, il espère reprendre cette rubrique prochainement...

Etienne Achard, décède le 28 janvier à l'hôpital militaire de Mayenne en Allemagne des suites de la grippe espagnole. C'est le 74e inscrit au Martyrologe et un service à sa mémoire est célébré le 24 février dans l'église du village. A noter qu'Albert Barthélémy sera le dernier Poilu à être inscrit sur nos monuments. Il décède de maladie imputable au service le 18 octobre 1920 à Versailles, il avait 21 ans. Son décès tardif fait qu'il n'est pas inscrit au nécrologe de l'église, il est aussi possible qu'il n'y ait pas eu de service religieux à sa mémoire...

Dans l'état religieux, 2 baptêmes, dont celui de ma mère, 3 mariages et 4 décès, il semblerait que le pic de la grippe espagnole soit passé...

Un article de deux pages sur la Résurrection et un autre de deux pages aussi, nommé "Car l'abîme est immense", traite dans une parabole de la différence entre les nombreuses destructions opérées en France par l'armée germanique et la relative quiétude dont jouissent les villes et les campagnes allemandes pas du tout impactées par la Grande Guerre. Ce petit Écho de 8 pages se termine par un article nommé "De la prière pour nos soldats"...

L'Écho de mars et avril 1919 est le 152e et dernier numéro de l'Écho de Barbentane, du moins de cette première série commencée en octobre 1905. Ils ont été réalisés dans des conditions difficiles, parfois avec des numéros doubles. Mais, malgré la censure et les difficultés matérielles, ils n'ont pas cessé de paraître durant toute la Grande Guerre. Ce sont de formidables recueils de mémoire de tous nos Poilus épistoliers, loin de leur sol natal, confrontés au pire des dangers, quasiment tous blessés ou gazés, parfois plusieurs fois. Tous ont vécu la terrible peur des combats, tous l'ont surmontée, mais tous en reviendront avec des cauchemars qui ne les quitteront jamais...

L'Écho de Barbentane est aussi un outil historiquement incomparable. Je ne connais pas d'autres villages en France, sinon dans le monde, qui a réussi l'exploit de donner des nouvelles collectives de tous ses combattants durant ces 52 mois de conflit. Pas de nouvelles intimes, il n'était pas fait pour ça, mais juste quelques mots pour les copains qui combattaient ailleurs, souvent sur d'autres fronts et à leurs amis barbentanais restés au village. Je reste persuadé que la lecture de ce journal a donné du courage à tous nos Poilus dans les tranchées, aux territoriaux à l'arrière, à ceux sur les terrains d'aviation, à ceux qui ont participé aux ravitaillements, à tous les mobilisés. Déjà en 1913, un correspondant de l'Écho écrivait "En nous envoyant l'Écho, vous savez M. le curé que vous nous faites plaisir, mais vous ne soupçonnerez jamais à quel degré". Alors, pendant le conflit, tout laisse à penser que ce petit livret au poids insignifiant, au format conçu exprès pour être porté sur soi, représentait pour nos Poilus, leur village. Ils y trouvaient dedans la tour, le clocher tronqué, la splendide Maison des Chevaliers, les ruelles intra-muros, la Montagnette, les voisins, les copains, les parents, la bonne amie ou l'épouse, le bruit des fêtes, la farandole, le mas, les taureaux, les cigales et notre accent. Avec lui, nos soldats ne pouvaient jamais être seuls puisque Barbentane les accompagnait...

Que ses concepteurs, que ceux qui ont participé, de près ou de loin à sa réalisation pendant tous ces longs mois de guerre, en soient à jamais remerciés...

Guy

Une usine de montage char Renault abandonnée

Le nouveau gouvernement social démocrate allemand

A Berlin, devant une fontaine publique

Cosaques et soldats canadiens à Vladivostok

Dactylo étasunienne avec un masque pour se protéger de la grippe

Le partage de la Caucasie en 1920

Émeutes sanglantes à Berlin en décembre 1918

Soldats au repos

Défilé de la victoire à Londres le 19 juillet 1920

(1) A ce sujet, si quelqu'un veut des photos de la Grande Guerre, sachez que j'en possède près de 20 000. Elles sont de qualité inégale, mais la plus grande partie est utilisable sans problème. Il n'y qu'à sonner, et je vous en donne autant que vous voulez pour faire des expos ou autre.

(2) A la conférence de la paix de Paris, c'est le marquis Saionji Kinmochi, francophile de longue date, qui représente le Japon.

(3) Sur le choix de la dépouille inconnue qui sera inhumée sous l'Arc de triomphe, le film "La vie et rien d'autre" de Bertrand Tavernier relate avec énormément de justesse les péripéties qui ont amené à cette désignation.

(4) Guillaume II a la passion des uniformes, au point d'en changer plusieurs fois par jour. Tous sont des pièces uniques valant plusieurs milliers de marks.

(5) Assassinés par les Corps-francs sur ordre de Gustav Noske alors ministre de l'Intérieur le 15 janvier 1919, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg ne seront retrouvés qu'une dizaine de jours plus tard dans un des canaux de Berlin. Leurs deux assassins sont mollement arrêtés et le principal parvient à s'échapper quelques jours plus tard avec la complicité de Noske et de l'armée.

(6) L'État turc refuse toujours d'endosser la responsabilité de tous les massacres que le pays a perpétrés durant ces deux siècles passés. Encore actuellement, les Kurdes et les Druzes sont toujours massacrés du fait de leur appartenance ethnique affichée.

Révolutionnaires hongrois sur Deák Ferenc tér.

Soldats partageant un pot dans le secteur britannique (photo colorisée)

La plus célèbre des affiches dénonçant le coup de poignard dans le dos

A Pompey, artilleurs US partageant un repas avec de jeunes français

Parisienne offrant des fleurs à des soldats sikhs le 14 juillet 1919

Les groupes ethniques en Autriche-Hongrie en 1910

Madame Wilson dans sa calèche couverte de fleurs à Paris

Partition de la Turquie après le traité de Sèvres en 1920

Par manque de place, j’ai mis en entier les Écho de janvier et février

ainsi que mars et avril 1919 sur une feuille à part : cliquez-ici pour les consulter

Servants portugais d'un canon britannique (photo colorisée)

Travailleuses à la pause repas quelque part en France

Défilé du 14juillet 1919 à Paris

Le cercueil du Soldat Inconnu sous l'Arc de Triomphe à Paris

Transport du Soldat Inconnu vers Paris

Les Présidents Wilson et Clemenceau à Paris en décembre 1918

Tank Mark IV avant une parade à New York