BARBENTANE en novembre 1918 |
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Quelle folie la guerre ! |
Barbentane, le plus beau village de l'Univers |
Tous mes remerciements à toutes celles et ceux qui m’ont aidé dans ces tâches de reconstitution de notre patrimoine barbentanais : prêt de brochures, de photos, des Écho de Barbentane, aide, corrections et autres… Guy |
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(6) En fait quand on le désigne, le clairon Octave Delalucque est bien embêté car il ne se rappelle plus vraiment la sonnerie du cessez-le-feu. Tout penaud, il avoue à son officier "La dernière fois que je l’ai joué, c’était en 1911, au champ de tir". Ce dernier le rassure en lui disant que de toute façon tout le monde est au courant, que peu de monde connaît cette sonnerie et que les ordres seront aussi donnés oralement. |
Le 10 encore, le chalutier armé britannique Renarro saute sur une mine dans les Dardanelles, des marins sont portés disparus. Le 10 toujours, le lance-torpilles italien 36-PN saute sur une mine au large du cap Rodoni, il coule sans faire de victime. Le 11, le navire allemand Feronia qui sert d'entrepôt se saborde à Anvers, en Belgique. Le 12 à Brindisi, comme son collègue le général Armando Diaz, l'amiral Paolo Camillo Thaon de Revel, commandant en chef des forces navales italiennes, fait lui aussi son communiqué de victoire, qui se termine par "...La double dissolution a eu lieu. Comme l'armée Austro-Hongroise n'existe plus, sa flotte impériale non plus. Honorez toujours tous les honnêtes et vaillants marins d'Italie". Le 13, le contre-torpilleur français Carabinier s'échoue devant Lataquieh en Syrie, il mettra deux jours pour couler. Le 13 encore, c'est le cuirassé Diderot qui représente la France dans l'escadre qui franchit le Bosphore. A son bord c'est l'amiral Jean-François-Charles Amet, Commandant supérieur des forces navales alliées dans les Dardanelles qui dirige le navire... Le 17, les détails de la reddition de la flotte impériale allemande (Kaiserliche Marine) sont réglés entre l'amiral britannique David Beatty et son homologue allemand Franz von Hipper. Tous les navires de guerre armés ainsi que les sous-marins devront vider leurs soutes à munition et se débarrasser de leurs torpilles. Après avoir levé l'ancre, ils se dirigeront en un seul convoi le 21 novembre pour se constituer prisonniers aux larges des côtes de l'Écosse afin d'être 'internés' à Scapa Flow. Le 21, 90 navires de hauts bords suivis de 87 sous-marins quittent les ports allemands pour se diriger vers l'Écosse. L'amiral Beatty est là en personne pour les réceptionner. A cette occasion il fait envoyer le message suivant à tous les navires rassemblés "Le pavillon allemand sera baissé ce soir, jeudi, à la tombée de la nuit ; il ne sera plus hissé par la suite sans autorisation". Dans le convoi, l'U-97, se saborde pour ne pas être interné. Le 26, 27 sous-marins supplémentaires se constituent prisonniers. Le 30, une escadre britannique rentre dans la mer Baltique... Les pertes humaines officielles concernant la marine allemande sont estimées à 34 836 morts ou portés disparus. Les 345 U-Boots actifs durant tout le conflit ont coulé 6 394 navires marchands et une centaine de navires de guerre de toutes catégories. 229 sous-marins ont été perdus dont 178 en opérations essentiellement durant les deux dernières années du conflit. Sur les 13 000 officiers et matelots ayant servi dans les U-Boots 515 officiers et 4 849 marins ont trouvé la mort au combat, soit 40% des effectifs... La plus grande réussite de la guerre maritime reste la protection des convois de soldats US qui ont traversé l'Atlantique. Les seuls transports de troupes coulés l'ont été à vide, sur le chemin du retour, n'occasionnant que la mort de 113 marins. Plus de 2 millions de Sammies ont atteint l'Europe quasiment en toute quiétude malgré les communiqués allemands disant que tous étaient coulés. A la fin de la guerre, l'offre mondiale de navires était plus importante qu'au début, grâce à la croissance des flottes marchandes japonaise et étasunienne. C'est là une des grandes victoires des Alliés... Le Front Italien en Novembre. Maintenant sûrs de leur victoire, les Italiens avec les forces expéditionnaires franco-britannique-étatsuniennes poursuivent leur avance. Le 1er, les Italiens livrent bataille à l'est de la Piave, sur un front de 100 kilomètres, de concert avec des troupes franco-anglo-us. Ils prennent Sugusino, Vittorio et atteignent la route de Conegliano à Oderzo. A la fin de la journée du 2 novembre, les assaillants s'installent le long de l'Isonzo sur les anciennes positions d'avant octobre 1917. Dans une opération navale, les Bersagliers débarquent à Trieste, appelés par le comité de salut public local qui avait demandé le débarquement des troupes alliées. Le 4, la bataille cesse. Le bilan est impressionnant, en moins de 8 jours, les Alliés ont fait entre 300 000 et 500 000 prisonniers, pris plus de 5 000 pièces d’artillerie de tous calibres, on ne compte plus les fusils, les mitrailleuses, ni même les chevaux. Outre les prisonniers, les pertes austro-hongrois sont conséquentes avec près de 30 000 tués. Du côté allié, la bataille se solde par 38 000 morts, blessés ou portés disparus, essentiellement des Italiens... Après avoir repris toutes les villes italiennes d'avant la défaite de Caporetto en octobre 1917, les Italiens occupent de nouveau Gorizia sur l'Isonzo, Trente dans le Tyrol ainsi que Trieste avec une grande partie de l'Istrie et ils se dirigent vers le port de Pola à la pointe sud de la presqu'île... Front des Balkans. Les Britanniques se dirigent vers Constantinople en train à travers la Bulgarie. Les Français et les Serbes remontent le Danube vers Budapest, après avoir libéré Belgrade le 1er novembre. Le 7, une délégation hongroise conduite par Mihály Károlyi est reçue à Belgrade par le général Louis Franchet d'Espèrey pour signer un armistice sur le front balkanique. Dès le cessez-le-feu établi, les troupes alliées abandonnent la marche vers Budapest et lancent une offensive en direction de la Roumanie, toujours occupée par plusieurs divisions allemandes. Cette progression permet au gouvernement roumain de dénoncer le traité de Bucarest... Le 15, les troupes franco-serbes pénètrent en Valachie pas encore Roumaine. En 57 jours, l'armée alliée d'Orient a étendu ses opérations sur un front de 1 500 kilomètres pour atteindre la mer Adriatique à l'ouest, le Danube au nord et la mer Noire à l'est. Cette armée a successivement, malgré les fatigues et les privations de toutes sortes, écrasé la Bulgarie, délivré la Macédoine orientale, la Serbie et le Monténégro, isolé la Turquie, participé à la défaite de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie. Elle a enfin tendu la main à la Roumanie. Durant toute la guerre, aucune autre armée alliée n'a pu percer de vive force le front ennemi de cette façon. Le 17, les Alliés rentrent dans Bucarest en Roumanie... Dans la Guerre Civile Russe. En novembre, les Alliés occupent tous les ports et les grandes villes russes entre le Pacifique et le lac Baïkal. Sur la Volga, l'Armée des Volontaires prend Iouzovka (Donetsk en Ukraine). Là, le général cosaque Sviatoslav Varlaamovich Denisov fait aligner les mineurs devant leur puits et en fait pendre un sur dix. Les officiers d’Omsk considèrent que le gouvernement Socialiste Révolutionnaire de Samara, dont le vocabulaire les irrite profondément, parle beaucoup, mais ne fait rien contre les Rouges. Or, écrit le ministre des Affaires étrangères du général Alexandre Koltchak, Ivan Soukine "tous les officiers sont convaincus que l’on ne peut venir à bout du bolchévisme que par la force militaire. En conséquence, tout ce qui gêne ou même ne contribue pas suffisamment à la création d’une armée combative et forte, doit être brisé". Les armées du général Anton Dénikine ne peuvent plus sortir du Caucase septentrional, mais elles sont idéalement placées pour recevoir l'aide des Alliés par la mer Noire. Les Tchécoslovaques sont refoulés vers l'est. Le 11 à l'ouest de Kiev, l'Armée rouge commence sa progression en vue de reconquérir l'Ukraine. Une tête de pont est établie sur la rivière Teterev, et la ville de Radomishl est conquise au cours de la progression vers la grande ville de Jitomir. Mais les forces locales s'associent aux troupes allemandes toujours présentes et repoussent les Russes. Plus au nord, conformément aux nouvelles directives de Trotsky pour la reconquête de l'ouest, les soldats russes rentrent en Biélorussie et se dirigent vers la ville de Gomel. Après le 13, la flotte alliée maintenant dans la mer Noire commence ses interventions en Ukraine aux côtés de la Rada indépendantiste et apporte un soutien matériel aux Russes blancs. Le 17, une armée bolchevique commence à envahir la Finlande que les Allemands ont abandonnée. Les combats continuent au sud d'Arkhangelsk entre les Alliés et l'Armée rouge... En Afrique de l'Est. Au début du mois, le major-général allemand Paul von Lettow-Vorbeck et les soldats qui lui restent traversent rapidement l’Afrique orientale allemande, pour entrer en Rhodésie, colonie britannique. Le 13 novembre, ils s’emparèrent de Kasama au nord de la rivière Chambezi. Le lendemain ils apprennent que l'armistice est signé en Europe depuis le 11 novembre. Alors, ils se regroupent tous à Kasama et déposent les armes le 23 novembre. Au final, la guerre de l’Afrique orientale allemande a été très coûteuse pour les Alliés. Lettow-Vorbeck, à la tête de 15 000 hommes, en a perdu 2 000. Les Britanniques, quant à eux, déplorent la perte de 10 000 soldats, dont les deux tiers morts de maladies, sans compter les 300 000 civils victimes de la guérilla...
Il est temps maintenant de revenir à Barbentane. C'est l'Écho de novembre-décembre qui relate les évènements de novembre, c'est aussi le dernier Écho de l'année 1918, celui de la victoire. C'est aussi le dernier de la Grande Guerre où il y a un courrier militaire. Sa photo en Une montre les 9 prieures 'sortantes' de Sainte-Philomène. Les temps changent, aucune n'est habillée en Arlésienne... En page 2, sous le titre de "Triomphale Cérémonie" c'est la description des 10 et 11 novembre 1918 au village. Sa lecture est émouvante. Si les vivants sont contents, les morts ne sont pas oubliés. C'est dans une église archicomble que l'évènement est fêté. Tout le village est là, et c'est bien noté dans l'article : sans distinction d'âges, de partis et de conditions. Pas un seul Barbentanais ne veut manquer la cérémonie qui est loin d'être une fête... En page 3, sont citées les prieures qui font la Une. Sont relatés la Solennité du Très Saint Rosaire, la Toussaint et les morts. La Toussaint s'est déroulée sous une météo diluvienne au point d'écourter la cérémonie. Pour la première fois, l'épidémie de grippe espagnole est signalée. Au soir, la montée au cimetière s'est faite sous le soleil avec un temps très doux. Au champ du repos, là où est installé le monument aux Morts provisoire, il y a abondance de fleurs... Le tarif des écoles 'libres' augmente, mais aussi celui du traitement des enseignants. Les deux petits-fils de Madame la Marquise d'Andigné, Charles et Amédée-Léon, ont réussi les épreuves du baccalauréat. Un décompte méticuleux des dépenses faites lors des travaux dans l'église est fait, pas un centime n'est oublié. Au final, tous ces travaux ont coûté 4 748frs35, une belle somme... Au livre d'or, sont cités le sous-lieutenant Pialot, Marius Cornillon, Jean Laussel et Léon Reboul. Chez les blessés, sont cités Alphonse Moucadeau, Simon Laget, Pierre Mouret. Jean Laussel décrit avec détail les conditions de sa grave blessure qui lui coûtera son amputation. Cinq nouveaux noms sont rajoutés au Martyrologe : Pierre Linsolas, Marius Cornillon, Joseph Chauvet, Jean-Marie Mouret et Louis Baud. Les derniers jours de guerre sont grands pourvoyeurs de martyrs... Un service à la mémoire de Léon Glénat est célébré le 23 septembre, un autre pour Jean-Marie Mouret le 30 octobre et encore un autre pour Pierre Linsolas le 4 novembre... Un Poilu barbentanais est tué pour la France en novembre : Hilarion Jean Marie Alexis dit Jean-Marie GINOUX. Il est né à Barbentane le 17 juillet 1894, 24 ans, agriculteur, célibataire, soldat de 2e classe. Il est incorporé pour son service ordinaire le 5 janvier 1914 au 18e escadron du train des équipages en Afrique du Nord. Il est affecté au 11e escadron du train des équipages le 12 décembre 1915. Il décède de maladie à Sofia en Bulgarie le 29 novembre 1918. Son frère cadet Paul est lui aussi mort pour la France le 10 juin 1915. Tous les deux figurent sur un des vitraux de la chapelle Sainte-Croix qui est dans l'église. Il est inscrit, avec son prénom usuel de Jean-Marie, sur le monument aux morts et sur le nécrologe de l'église. Sa photo figure sur le tableau d'honneur de la mairie de Barbentane. Il figure sur le tableau d'honneur de l'Harmonie Gauloise de Barbentane. Au courrier militaire, souvent envoyé par les soldats en août et septembre, le ton est en général très optimiste. Chacun sent la fin de la guerre proche. Joseph Moucadeau écrit des hautes montagnes d'Albanie ; François Néray qui se sert d'une mitrailleuse autrichienne se régale d'envoyer aux aviateurs autrichiens le fruit de leurs contribuables ; Léon Reboul, qui a été cité à l'ordre de sa division pour la troisième fois, revient au front après 20 jours de repos ; Léopold Michel est heureux d'être en vie après des attaques très dures sur l'Ailette ; le blessé Simon Laget est très bien soigné dans un village de la Haute-Vienne ; Alphonse Moucadeau, blessé lui aussi, est dans l'Eure ; le sous-lieutenant Rossi s'entraîne à marcher avec des béquilles ; Henri Michel qui sort d'une bataille très éprouvante se pose la question de savoir pourquoi il s'en est tiré sans être blessé ni mort ; le caporal Jean Fontaine est déclaré admissible à l'école de Saint-Cyr ; Pierre Dayre est en Grèce après avoir traversé toute l'Italie où il a fait du tourisme ; Henri Bruyère est désolé devant les destructions de la guerre ; Louis Ayme narre l'offensive qui oblige les Bulgares à demander la paix et il écrit qu'ils courent plus vite que des lapins ; Henri Michel est dans un secteur tranquille ; depuis 3 jours l'artilleur Jean-Marie Auzépy fait son devoir par beau temps et il est plein d'espoir ; Marius Escalier pense qu'après les Bulgares, les Turcs vont demander la paix ; François Gabriel est à Bar-le-Duc qui a souffert des avions ; le sergent Léontin Gilles espère passer Noël chez 'nous' avec une permission définitive ; Henri Rouqueirol est au repos dans les Ardennes ; l'abbé Revest va être permuté en cheminot comme serre-frein ou voiturier ; Joseph Froment sort de l'hôpital de Nîmes pour rejoindre son dépôt ; le sous-lieutenant Jean Brémond espère être sur le front pour donner le dernier coup de boutoir aux boches ; Henri Combet cumule les malheur, après l'appendicite, il a eu la grippe et il souffre des gaz ; Andrien Montagné voit déjà l'Allemagne capituler ; Gaston Nazon est au repos ; Jean-Marie Ginoux résume assez bien la guerre dans les Balkans et Joseph Moucadeau note qu'il a vécu des jours de gloire quand les armées germano-bulgares se sont désorganisées et ont défilé vaincues quelques jours après, le drapeau ce jour-là lui a paru bien plus beau... Dans l'état religieux, on note 2 baptêmes, 2 mariages dont un à Saint-Etienne dans la Loire et 22 décès : 9 en septembre, 10 en octobre et 3 en décembre. La grippe espagnole fait des ravages... Guy |
Novembre 1918, suite... |
Le Dernier Combat. Le soir du 8 novembre, les Français atteignent la Meuse entre Charleville-Mézières et Sedan. Le temps devient exécrable, s'il ne pleut pas il a plu, et tous les cours d'eau sont gonflés, de plus la région n'est pas réputée pour sa douceur climatique. Le pont sur le ruisseau de Chagny a sauté, et les Allemands ont réalisé un barrage afin d’inonder la vallée. Toutefois, sur les débris du pont, les pionniers français construisent une passerelle de fortune sur laquelle les chevaux franchissent le gué avec de l’eau jusqu'au cou, elle frise les 1° centigrade. La route de Chagny à Omont est barrée tous les 50 mètres par des arbres abattus et un énorme "entonnoir" empêche le passage des véhicules et des attelages. A travers bois, les Français arrivent à Omont, où un accueil chaleureux leur est réservé par la population civile. Les gens pleurent de joie face aux troupes commandées par le colonel Charles de Menditte. L’objectif est d’atteindre la Meuse, après des journées de combats dans le froid. Le cours d’eau est infranchissable sans moyens du génie. Les soldats s’installent du mieux qu’ils peuvent et se laissent bercer par les rumeurs d'armistice colportées par les permissionnaires qui regagnent les unités. Mais à 22h30, ordre est donné de rechercher immédiatement des points pouvant permettre le franchissement de la Meuse. Le 9, dans sa tournée d'inspection matinale, le général Boichut est directement interpellé par un poilu qui lui pose la question de savoir ce qu’il en est d’un possible armistice, sa réponse est très évasive. Le 10 à 18h00, ordre est donné "de surveiller l’activité de l’ennemi, afin de profiter de toute occasion favorable pour franchir la rivière et s’établir solidement sur la rive droite". Cet ordre est complété un peu plus tard par un autre qui stipule "De se tenir prêt à passer la rivière et à occuper les hauteurs au sud-est de Lumes". Sachant la signature d’un armistice imminente, et en l'absence de moyens de franchissement adaptés, le général Boichut tente, d’obtenir des délais supplémentaires de la part de son supérieur hiérarchique, le général François Marjoulet. En réponse, ce dernier motive sa décision par "Il faut franchir la Meuse cette nuit, il le faut à tout prix. L’ennemi hésite à signer l’armistice. Il se croit à l’abri derrière la Meuse. Il faut frapper son moral par un acte d’audace. Passez comme vous pourrez, au besoin sur les voitures de vos convois, mises en travers du fleuve". En fait, il se conforme au dernier message de Foch qui indique "L’ennemi désorganisé par nos attaques répétées, cède sur tout le front. Il importe d’entretenir et de précipiter nos actions. Je fais appel à l’énergie et à l’initiative des commandants en chef et de leurs armées, pour rendre décisifs les résultats obtenus". A 20h00, les trois chefs de corps des régiments d’infanterie sont convoqués par le colonel Eugène Petitdemange "On a l’ordre de passer la Meuse coûte que coûte et sur n’importe quoi. Comme par hasard, je dois passer le premier. On me donne une compagnie du génie pour faire des radeaux avec des sacs Habert [des bouées gonflables]. Le commandant Guillaume me promet deux radeaux capables de porter chacun quatre hommes. Ils feront quatre voyages à l’heure, soit 32 hommes. Ils ne peuvent commencer qu’à minuit (…). Cela me présage un joyeux passage !". La nuit du 9 au 10, le colonel de Menditte donne l'ordre de franchir la Meuse. Les eaux sont boueuses, elles sont parsemées des débris d'un barrage dont il ne reste qu'une pile, de plus il faut le faire en silence pour ne pas éveiller les soupçons des mitrailleurs ennemis. Il fait froid, à peine un ou deux degrés au-dessus de zéro, heureusement la brume noie le fleuve d'un halo qui permet aux hommes de traverser sans se faire repérer. Toute la nuit les navettes des barges emmènent les soldats sur l'autre rive et une passerelle de fortune permet aux hommes de franchir le fleuve en file indienne. Tout le monde craint le lever du jour quand la brume viendra à se lever, mais les soldats commencent à s'infiltrer et prennent leur position de combat sur une rive encombrée de barbelés qui n'offre guère de positions à couvert. A 10h30, le brouillard se lève, à ce moment là plus rien ne peut franchir le fleuve sans être immédiatement repéré. Même les postes de départ sont rapidement vidés pour ne pas attirer le feu ennemi. A peine 700 hommes ont pu franchir le fleuve avec quelques mitrailleuses lourdes et légères. La situation est d’autant plus précaire que l’artillerie n’est pas en mesure de fournir un appui efficace, en raison de sa méconnaissance des positions des unités qui se trouvent dans la poche et aussi par le fait que des civils se trouvent dans les villages aux alentours… A contrario, les forces allemandes sont nombreuses, au moins 5 régiments sont à proximité immédiate, d'autres ne sont guère loin et toute l'artillerie qui a détruit la zone de Charleville-Mézières est prête à tirer. La tête de pont est vouée à se faire écraser rapidement. Dès que les Allemands repèrent les Français, l'artillerie tonne et à 15h00 les premières contre-attaques sont lancées. Entre-temps, les artilleurs français ont pu approcher au plus près du fleuve avec plus de 60 canons de 75 et quelques canons lourds de 155, la riposte est immédiate. A 18h00, la nuit est déjà tombée et la canonnade cesse, mais pas les mitrailleuses. Aussitôt des renforts se mettent en place pour porter secours aux soldats sur l'autre rive, mais la passerelle n'est plus et les barges sont en piteux état. Maintenant repérée, l'artillerie allemande n'a de cesse de rendre cette traversée impossible. Alors, dans la tête de pont, chacun demeure sur ses positions, l’œil aux aguets et le doigt sur la détente en récupérant les munitions des morts et des blessés, et ils sont nombreux. Seule l’artillerie française tire toute la nuit sur les positions au nord de la tête de pont pour tenter de désorganiser les Allemands. La journée du 11 novembre s’annonce très difficile pour les Poilus. C'est vers 7h15 que les PC divisionnaires reçoivent les messages qui précisent le déroulement de la matinée "Les hostilités seront arrêtées sur tout le front, à partir du 11 novembre à 11 heures. Les troupes alliées ne dépasseront pas, jusqu’à nouvel ordre, la ligne atteinte à cette date et à cette heure". Aussitôt, le général Boichut donne des consignes supplémentaires aux PC de combats "Les hommes mettront leur mouchoir au bout de leur fusil (…) et crieront en chœur et de toutes leurs forces 'Vive la France' ! Ils chanteront La Marseillaise (…). On ne fraternisera pas avec l’ennemi". Ordre est alors donné aux artilleurs français de ne pas cesser de tirer dès le lever du jour jusqu'à 11h00 pour protéger les hommes sur l'autre rive. Au petit matin, grâce à des barques réquisitionnées, enfin du ravitaillement arrive dans la poche. Les hommes peuvent manger chaud, les munitions permettront de tenir au moins la matinée. Au lever du jour, vers 8h30, tout le monde sait maintenant que les combats cesseront à 11h00, alors une seule pensée habite les hommes, ne pas se faire tuer, ce serait trop bête... Mais les Allemands ne l'entendent pas ainsi, et le canon ne cesse de tirer non pas dans la poche, mais sur la rive sud du fleuve pour faire le maximum de dégâts dans les milliers d'hommes qui y sont stationnés. Dom-le-Mesnil est constamment bombardé. C'est d'ailleurs sur cette rive que les derniers Français sont tués. Dans la poche, il revient au soldat Octave Delalucque(6) d’avoir l’honneur de sonner le cessez-le-feu. A 10h45 les mitrailleuses crépitent toujours pour dissuader les Allemands de s'approcher. A 10h57, les canons cessent de tirer et les mitrailleuses se taisent. Après les explosions du matin, un profond silence s’étend sur le champ de bataille. Il marquera encore plus les soldats qui tous parleront après d'un silence interminable et impressionnant. Tétanisés, les hommes ne bougent pas. A 11h00 précise, sur ordre, Delalucque sonne le Cessez-le-feu. Conformément aux directives, les ordres fusent "Cessez-le-feu" et "Levez-vous" puis "Au drapeau". Sur toute la ligne de front les clairons ne cessent de jouer. Des Marseillaises se font entendre, dans le lointain, mais très peu seront chantées sur le front même. Après 10 minutes les infirmiers arrivent pour assister les blessés sans distinction d'uniformes. Les derniers morts sont rangés à part. Les premiers soldats allemands qui arrivent sont désarmés, ils aimeraient bien fraterniser, mais les ordres sont formels, c'est hors de question. Alors on les rassemble et les officiers commencent à noter leurs noms. Puis à midi, tous les survivants mangent de très bon appétit... Dans les communes avoisinantes, on débarrasse les églises en ruines et on cherche des officiants ainsi que des aumôniers de toutes obédiences pour dire des services religieux. Durant toute la journée, les hommes par petits groupes vont se recueillir quelques instants... Le dernier communiqué officiel de la guerre, est diffusé le 11 novembre à 15 heures "A l’est de la forêt de Trellon, nous avons atteint la frontière belge. A la suite de durs combats, nous avons forcé les passages de la Meuse entre Vrigne et Lumes"... Officiellement les pertes subies lors du franchissement de la Meuse et de la conquête d’une tête de pont, au cours des journées des 9, 10 et 11 novembre, s’élèvent à 96 tués et 198 blessés. Il n'est pas sûr du tout que cette dernière bataille ait été utile à la guerre. Dans l’après-midi la population de Dom-le-Mesnil participe activement à la recherche des soldats disparus, ils seront regroupés dans l’église de Vrigne-Meuse. Le 12, des sapeurs sont désignés pour creuser les tombes des 33 soldats retrouvés. Ils seront inhumés après une courte cérémonie et avec les honneurs militaires dans la matinée du 13... Le 14, le général Philippe Pétain adresse un ordre du jour à ses troupes pour célébrer la victoire et leur recommande de la dignité pendant l'occupation prévue de l'Allemagne... Dans la Guerre Aérienne. Au cours de la Première Guerre mondiale, l'Allemagne a construit 38 000 avions, la Grande-Bretagne 55 100 et la France 51 700 dont la moitié pour la seule année 1918. A la fin du conflit, l'armée US qui ne comptait aucun appareil opérationnel 2 ans plus tôt, compte maintenant 2 107 avions, mais la grande majorité est de fabrication étrangère. Du côté des pilotes, les "as" de la Grande Guerre les plus fameux sont l'Allemand Manfred von Richthofen avec 80 victoires homologuées, suivi de près par le Français René Fonck avec 75 victoires homologuées et le Canadien Billy Bishop avec 72 victoires homologuées. Si le Baron Rouge a trouvé la mort au cours du conflit, Fonck et Bishop sont toujours vivants... Dans la Guerre Maritime. Les U-Botte ont reçu l'ordre de ne plus couler de navire et de rentrer à leur port d'attache, certains submersibles ne reçoivent pas et continuent leur activité. Les mines, elles, ne peuvent pas recevoir d'ordre. Elles vont encore tuer pendant des années après la guerre. Même aujourd'hui, certaines sont toujours opérationnelles... Le 1er novembre, l'U-72 se saborde dans le port de Kotor sur la côte Dalmate pour ne pas tomber aux mains des Croates. Alors qu'il est aux mains de son équipage croate dans le port de Pola, le dernier cuirassé austro-hongrois encore en état, le Viribus Unitis, est coulé par la pose de deux mines ventouses posées par des hommes-grenouilles italiens qui ignorent la situation. Il coule peu de temps après sans victime. Le 2 novembre, l'UC-74 coule le vapeur britannique Murcia au large de Port-Saïd, un marin est tué. Un peu plus tard, il coule le vapeur indien Surata sans faire de victime. A Gand en Belgique, les destroyers allemands V-47, V-67, V-69, V-77 et le S-61 se sabordent. Le 3, le cargo suédois Motala Ström disparaît en mer du Nord probablement victime d'une mine, ses 18 marins sont tous portés disparus. Le 4, le vapeur britannique War Roach est endommagé par une des mines que l'UC-74 a laissé derrière lui au large de Port-Saïd. Le 4, le patrouilleur britannique P-12 entre en collision avec un autre navire et coule dans la manche sans victime. Dans la matinée du 5, l'ancien cuirassé britannique Campania transformé en porte-avions brise son ancre par un coup de vent de force 10 dans le port d'Édimbourg en Écosse. Il entre alors en collision avec l'avant du cuirassé Royal Oak, puis le croiseur de bataille Glorious. La coque déchirée, l'eau s'engouffre dans la salle des machines ce qui interrompt toute l'alimentation électrique. Le navire met 5 heurs pour couler. Le 5 encore, le chalutier armé français Pavot saute sur une mine dans les eaux turques, 4 marins sont tués. Le 5 toujours l'UC-74 coule au canon le voilier italien Stavnos toujours dans la zone de Port-Saïd sans faire de victime. Le 6, le vapeur hollandais Bernisse saute sur une mine au nord de l'Écosse, pas de victime. Le 7, le voilier britannique Conster saute sur une mine dans la Manche, pas de victime. Le matin du 9, le cuirassé britannique Britannia est torpillé une première fois à l'ouest du détroit de Gibraltar par l'UB-50. Aussitôt le navire donne de la bande, une seconde torpille fait exploser une soute à munitions, ce qui déclenche un incendie impossible à maîtriser. Le gros navire va mettre deux heures pour couler ce qui permet le sauvetage de tous les survivants. Au total, 50 marins sont tués et 80 sont blessés par l'explosion et l'incendie. Les 712 rescapés sont rapidement secourus. Le 9 encore, le vapeur US Saetia touche une mine laissée à la dérive par l'U-117 aux larges des côtes US, il coule sans faire de victime. Le 10, le dragueur de mines britannique Ascot est torpillé dans la mer du Nord par l'UB-67, 51 marins sont tués. C'est le dernier navire coulé à la torpille de la Grande Guerre... |
Des réfugiées se préparent en rentrer dans leur village (photo autochrome) |
L'Europe en 1918 |
Les derniers blessés sur le front britannique |
Préparation d'une voie ferroviaire en vue d'alimenter le front |
Boulangerie de campagne |
Soldats australiens près d'Ypres |
Artillerie lourde française tractée par des camions Latil |
Soldats canadiens franchissant le canal de Saint-Quentin |
Automitrailleuse britannique en Samarie |
Le repos des Poilus |
Soldats US au repos dans les ruines d'un village de la Meuse |
Les derniers combats |
Troupe britannique en mouvement dans la Somme |
Britanniques dans la Somme |
Déplacement d'une pièce d'artillerie britannique sur rail |
Le Président Poincarré et le général Mangin à Laon |
Brancardiers US dans la vallée de la Meuse |
Artilleurs sud-africains dans l'Afrique de l'Est |
Char français Saint-Chamond en mauvaise posture |
Écho de Barbentane de novembre et décembre 1918 |
La carte symbole de la Grande Guerre chez les Britanniques |