BARBENTANE

en Décembre 1917

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Dans la Guerre Aérienne. Plus rien ne bouge du côté des concepteurs, les projets en cours, et ils sont nombreux, accaparent toutes les énergies. Chez les Alliés, les pilotes US ne sont pas encore opérationnels, de toute façon on n'a pas assez d'avions à leur donner et les nouveaux terrains ne sont pas encore prêts malgré le travail acharné de nombreux ouvriers immigrés. Dans le camp des Empires Centraux, les pénuries de matière première commencent à se faire sentir. Tous les avions alliés abattus sont rapidement désossés et tous les matériaux sont réutilisés, y compris l'essence et l'huile...

Le 6, un raid de 25 Gotha tentent d'arriver sur Londres sans y parvenir, alors ils bombardent la côte, tuent 7 personnes et en blessent 22. Le 8, un aviateur allemand fait prisonnier révèle qu'une importante offensive se prépare sur le front britannique de la Somme pour le printemps. On néglige ses dires. Dès que le temps le permet, les bombardiers s'activent. Le 18, un raid de nuit avec des Gotha sur Londres fait 10 morts et 85 blessés pour des dégâts quasi nuls. Un appareil est abattu par la chasse avant de franchir la Manche. Le 20, des avions allemands lancent plus de 50 bombes dans la région de Dunkerque et des Gothas bombardent Londres. On compte 80 victimes dont 10 morts, un des Gothas est abattu. Le 21, dans un nouveau raid sur Dunkerque et Boulogne, 4 personnes sont tuées, 10 autres blessées. Les 25, les pilotes britanniques bombardent de grosses pièces d'artilleries installées près de Lille. Le lendemain, une autre escadrille britannique va bombarder Mannheim sur le Rhin. Une tonne d'explosif est lâchée sur la gare et ses alentours ce qui provoque des incendies. Comme toujours, tous les arrières allemands sont régulièrement bombardés...

Dans la Guerre Maritime. En décembre on note une légère progression des navires touchés par les U-Boote, 213 au lieu de 173 pour le mois de novembre, soit 40 de plus. Sur ces 213 navires, 183 sont coulés et 30 sont endommagés. C'est toujours la Grande-Bretagne qui paye le plus cher avec 116 navires touchés, puis 25 italiens, 23 norvégiens, 13 français, 8 grecs, 8 portugais, 5 étasuniens, 3 danois, 3 russes, 3 espagnols, 2 hollandais, 2 suédois et 1 canadien. Sur l'année, le bilan est terrible puisque 3 723 navires ont été touchés par les U-Boote, contre 1 516 pour l'année 1916 (15 en 1914 et 756 en 1915). Les sous-marins sont devenus des armes aussi létales que les autres. Eux aussi profitent des combats pour se perfectionner et, au moins pour les Allemands, c'est une arme très efficace dans son rapport coût/destruction. Pour les Alliés, c'est beaucoup moins évident. Par manque de navires à couler, leurs sous-marins ne servent quasiment à rien. Par contre, la navigation en convoi et les moyens de lutte anti sous-marine ne cessent de progresser. Si au printemps 1917, les approvisionnements alliés étaient en grand danger, ce n'est plus le cas à la fin de l'année. Dans ces conditions, la guerre peut-être gagnée...

Le 1er décembre, en soutien des Britannique en Palestine, le garde-côte Requin bombarde Wadi-el-Basi près de Gaza. Le 1er encore, le patrouilleur auxiliaire Phoebus, qui traîne un ballon captif pour mieux surveiller la mer, saute sur une mine posée par l'UC-67 au large de Toulon. Sur les 12 marins à bord, 11 sont portés disparus, les 4 aérostiers sont secourus ainsi que le seul survivant du Phoebus par le patrouilleur Travailleur qui l'accompagne. Le 2, c'est le lancement de l'Argus, le premier navire initialement conçu pour faire décoller et atterrir des avions. Il est long de 172 mètres, large de 20, capable d'atteindre une vitesse de 20 nœuds et d'un poids total en charge de 16 000 tonnes. Il possède un pont plat qui fait toute la longueur du navire et il est capable d'emporter jusqu'à 18 avions. Il n'est pas équipé d'îlot de commandement ce qui pénalise sa manœuvrabilité. Il ne sera mis en service opérationnel que le 6 septembre 1918. En raison de ses ascenseurs larges et de la hauteur de plafond de son hangar, il est le seul porte-avions britannique de la Seconde Guerre mondiale capable d'embarquer des avions sans ailes repliables. Le même jour à 10h35, cinq heures après avoir quitté Marseille pour Alger, le cargo français La Rance est torpillé par l'UC-67. Le sous-marin fait surface pour canonner le navire, mais le patrouilleur Gabriella accourt, le canonne, puis comme le sous-marin disparaît, le grenade sous les applaudissements de tous les marins à bord des chaloupes qui récupèrent les naufragés. La Rance coule quelques heures après, tous les survivants sont recueillis, et 4 personnes, dont le capitaine, sont portées disparues. Dans la nuit du 2 au 3 dans la Manche, l'UB-81 qui touche une mine est très sérieusement avarié, il reste à flot mais 29 marins sont tués. Les 6 survivants sont recueillis par une patrouille britannique dans la journée. Le 5, l'ancien chalutier Tubéreuse, reconverti en patrouilleur auxiliaire, saute sur une mine laissée par l'UC-38 devant Corfou dans le golfe de Patras, ses 23 membres d'équipage sont tous portés disparus...

Le 6 à 7h30, le cargo français Mont-Blanc en provenance de New York arrive devant le port d'Halifax au Canada. Il est chargé de 2 300 t de mélinite (un explosif), 200 t de TNT, 35 t de benzène et 10 t de coton et il doit se joindre à un convoi en partance pour l'Europe. Dans le chenal, malgré ses nombreux coups de sirène, il est mis en danger par le cargo norvégien Imo en partance pour New York qui ne circule pas sur le bon côté. A 8h45, la collision est inévitable. Sous le choc, les fûts de benzène placés sur le pont s'éventrent et s'enflamment. Le liquide en feu commence à s'infiltrer vers les cales ce qui rend l'explosion inévitable. L'équipage évacue précipitamment le navire, tandis que des remorqueurs convergent pour essayer de pousser le navire vers la haute-mer en ignorant sa cargaison. Des marins du croiseur britannique Hihgflier tentent de monter à bord pour passer un câble de remorque. A 9h05, le Mont-Blanc explose dans une déflagration gigantesque. Les navires à quai sont soufflés ainsi que 1 630 bâtiments en ville, 12 000 autres sont fortement endommagés. On relève plus de 3 000 morts et portés disparus, ainsi que plus de 8 000 blessés. Sur les 10 matelots du Hihgflier qui tentaient de l'approcher à bord d'une baleinière, 9 hommes sont volatilisés et tous les autres présents sur les ponts des navires dans le port sont, au mieux, blessés, aux pires tués. Le capitaine de l'Imo, Haakon From, le pilote William Hayes et 5 hommes d'équipage sont tués alors que l'équipage du Mont Blanc survit à l'exception du matelot canonnier qui décède de ses blessures le jour même(2)...

Le 6 encore, dans le brouillard en mer d'Irlande, l'U-69 rentre en collision avec l'U-96. L'U-69 est irrécupérable, trop endommagé avec 11 morts à bord, il se saborde, les survivants rentrent en Allemagne avec l'U-96. Le 6 en soirée, le destroyer US Jacob Jones quitte Brest pour rejoindre Cork en Irlande, à mi-chemin il est torpillé par l'U-53 et il coule en 8 minutes emportant avec lui 66 membres de son équipage. Deux survivants sont emmenés par le sous-marin qui signale aux Irlandais la perte du navire avec sa localisation pour envoyer des secours. Une partie des 33 survivants est secourue par le voilier britannique Camellia et les autres trouvent refuge sur le vapeur US Catalina. C'est le premier destroyer de la marine US détruit par un sous-marin. Le 9, l'UB-18 est éperonné et détruit par le patrouilleur britannique Ben Lawer dans la Manche, ses 24 membres d'équipage sont tous portés disparus. Le 9 encore, le garde-côte Requin bombarde Askalon en Palestine. Le 10, l'UB-75 est victime d'une mine en mer du Nord, ses 34 membres d'équipages sont tous portés disparus. Le 10, le garde-côte cuirassé austro-hongrois Wien est torpillé et coulé par une simple vedette lance-torpille italienne MAS9 qui a réussi l'exploit de se glisser et de ressortir indemne du port militaire de Trieste. Le 12 dans la nuit, les destroyers britanniques Partridge et Pelliw avec 4 chalutiers armés, escortent un convoi de six navires marchands entre les îles Shetland et Bergen en Norvège. Le convoi est repéré par une flottille de destroyers rapides allemands, les G-101, G-103, G-104 et V-100, qui s'empressent de l'attaquer. Le Partridge est touché par plusieurs torpilles et obus, il coule rapidement. Le Pelliw est lui aussi touché mais il parvient péniblement à regagner les îles britanniques. Les destroyers ne font qu'une bouchée des chalutiers armés et le convoi est anéanti. Seuls 24 marins sont secourus, plus d'une centaine sont portés disparus. Le même jour à 4h30, trois autres destroyers allemands attaquent deux chalutiers britanniques Ranta et Smart ainsi que 2 vapeurs neutres à l'embouchure de la Tyne sur la côte est de la Grande-Bretagne. Les chalutiers et les navires neutres sont coulés. Après celle du 17 octobre, ces deux nouvelles attaques quasi impunies font beaucoup de bruit en Grande-Bretagne. L'amiral John Jellicoe, responsable la flotte britannique, est accusé de laxisme, il démissionnera avant la fin du mois. Le 12 encore, le destroyer léger britannique Wolverine coule après sa collision avec le voilier britannique Rosemary au nord de l'Irlande. Le 13, l'U-75 est victime d'une mine en mer du Nord, 23 marins sont tués, les 9 survivants sont recueillis par un patrouilleur britannique. Le 14 vers 9h00, le Châteaurenault, un ancien croiseur qui est utilisé comme un transport de troupes rapide entre Tarente et Itea dans la mer Ionienne, est frappé par deux torpilles de l'UC-38. Il coule rapidement à l'entrée du canal de Corinthe. Mais les destroyers d'escorte le Mameluk, le Lansquenet et le Spahi, tout en repêchant les rescapés lancent des grenades sous-marine. Touché sérieusement, l'UC-38 est obligé de faire surface, il est alors rapidement canonné par les destroyers et il coule avec 9 membres d'équipage. Les 25 survivants du sous-marin, dont le commandant Hans Hermann Wendlandt, sont faits prisonniers. Ils vont rejoindre les 1 162 survivants du Châteaurenault à bord des destroyers et du paquebot Rouen qui naviguent de concert. Dix-sept passagers du Châteaurenault sont morts ou portés disparus. Le 15, l'escorteur Baron Léopold-Davilliers surveille une flottille de pêche de 41 navires au large de Lorient lorsqu'il est attaqué au canon par l'U-86. Il riposte aussitôt, mais un coup au but lui tue un homme et en blesse trois autres. Bien encadré par les canonniers de l'escorteur, l'U-86 disparaît. Le Baron Léopold-Davilliers reste sur place jusqu'au lendemain afin que l'escorteur Bouvreuil vienne le relever. Le 17, l'ancien chalutier Paris II transformé en patrouilleur auxiliaire est touché à mort par une batterie côtière dans le golfe d'Antalya au sud de la Turquie. Sur les 46 membres d'équipage, 4 sont tués, 16 sont blessés et 15 sont portés disparus. Les blessés et les 11 valides sont tous faits prisonniers...

Le 17, le comte Félix von Luckner avec 5 matelots rescapés du naufrage du voilier pirate allemand Seeadler réussirent à s'évader de leur prison de Nouvelle-Zélande. Ils s'emparent d'un canot et 4 jours plus tard prennent un voilier à l'abordage. Mais ils sont bombardés par le croiseur auxiliaire britannique Iris et doivent se rendre. Incarcérés de nouveau, mais en Australie, mieux surveillés ils ne pourront rejoindre l'Allemagne qu'en juillet 1919(3)...

Le 19, l'UB-56 disparaît dans la zone de Douvres, probablement victime d'une mine, ses 37 hommes d'équipage sont tous portés disparus. Le 23, les destroyers britanniques Surprise, Tornado, Torrent et Radiant qui se rendent à la rencontre d'un convoi en provenance de Hollande rentrent dans un champ de mines posées très récemment par les Allemands. Le Surprise est le premier touché, il coule rapidement. En lui portant secours, le Torrent est lui aussi touché à mort par 2 mines, le Tornado explose lui aussi. Seul, le Radiant parvient péniblement à récupérer les quelques survivants. Deux cents quarante marins sont portés disparus. Le 25, l'U-87 est grenadé et coulé par le patrouilleur P56 entre l'Irlande et le Pays de Galles, ses 34 hommes d'équipage sont tous portés disparus. Le 30, le destroyer britannique Attack et le transport de troupes britanniques Aragon chargé de 1 000 hommes pour la campagne de Palestine se positionnent à l'entrée du port d'Alexandrie en Égypte. Mais ce port refuse de les recevoir car il est encombré de navires. Ancrés à l'extérieur, ils deviennent alors des proies faciles pour l'UC-34 qui rode dans le coin. A 11h00, une torpille du l'UC-34 frappe l'Aragon à bâbord arrière, le navire est condamné. Aussitôt, des câbles sont tirés avec l'Attack pour transvaser les hommes pendant que des navires de secours viennent repêcher les survivants qui sont à la mer. Vers 11h20, l'Aragon coule et ses chaudières explosent. A 11h30, une nouvelle torpille de l'UC-34 coupe l'Attack en deux alors que son pont est encombré de 400 survivants de l'Aragon. De plus, elle brise ses réservoirs de fuel lourd qui s'épanche dans une mer encore couverte d'hommes qui essayent de surnager. En 7 minutes l'Attack disparaît à son tour. Au final, 610 marins et soldats de l'Aragon sont portés disparus, auxquels il faut ajouter 10 marins de l'Attack...

Sur le Front Italien. Au début décembre le front italien ne s'est toujours pas stabilisé. Par rapport aux années passées, la nature des combats s'est totalement inversée. Jusqu'en novembre c'était les Italiens qui tentaient de franchir l'Isonzo et les Austro-Hongrois qui subissaient. Maintenant c'est l'inverse, et c'est nettement plus mobilisateur pour la nation italienne tout entière. Elle combat pour se défendre, pour sauver sa terre et sa patrie...

Au centre du nouveau front, bien retranché derrière le Piave, les Italiens arrivent à contenir toutes les actions des Germanos-Austro-Hongrois, pourtant les combats sont féroces. Près de l'embouchure du Piave, les quelques éléments qui ont réussi à traverser le fleuve sont constamment malmenés. Mais sur le Haut-Piave, c'est tout différent. Tout le mois, les Germano-Austro-Hongrois vont lancer attaque sur attaque pour tenter de déborder le front par les Alpes. Le plateau de l'Asiago et les cols de la région sont défendus pied à pied par les Italiens que des fantassins franco-britanniques viennent épauler à partir du 10 décembre. Comme à Verdun, chaque pouce de terrain est disputé avec l'énergie du désespoir, on se bat dans la neige et le froid...

Les Italiens sont obligés de reculer, ils abandonnent des cols, des vallées escarpées, mais sans vraiment céder. Toute la montagne située entre la vallée de la Brenta et le Haut-Piave qui entourent le massif de la Grappa, devient un enjeu majeur pour les Italiens comme pour les assaillants. Le 4, les Austro-Hongrois s'emparent du massif de Meletta. Le 6, ils prennent le mont Sisemol, puis la position de Forza sur le plateau des sept-communes. Ils tentent, mais en vain, de pénétrer dans le val Frenzela en direction de Benta. Le 11, ils enlèvent le col de Beretta, puis le 14 les cols Caprile et Asolone. Le 18, une contre-attaque des Italiens permet une reprise partielle du col d'Asolone. Le 23, nouvelle attaque germano-austro-hongroise sur le plateau de l'Asiago, le front avance du mont Valbella au val Frenzela. Toutes ces victoires sont chèrement payées, les pertes sont nombreuses chez les assaillants qui laissent beaucoup d'énergie pour ces conquêtes qui ne sont pas vraiment stratégiques...

Le 25, la lutte s'inverse, les Alliés reprennent une partie du terrain perdu les jours précédents dont le mont Melago. Les combats perdent en intensité, tandis que les conditions atmosphériques s'aggravent. A la fin du mois, les Italiens sont toujours maîtres d'une partie du plateau de l'Asiago et de la vallée du Haut-Piave. Durant tout le mois, les villes de Venise, Trévise et Padoue sont bombardées plusieurs fois. Les bombardiers Caprani italiens bombardent régulièrement les troupes ennemies et, même s'ils sont peu nombreux, les chasseurs ne cessent de mitrailler les positions à terre. Le 31, une violente contre-attaque italienne oblige les quelques éléments qui avaient franchi le Piave près de son embouchure à Zenson, à repasser sur la rive gauche du fleuve...

Au Moyen Orient.

En Mésopotamie. Le général William Marshall poursuit la progression vers le nord, en direction de Mossoul. Le 3 décembre, ses troupes délogent les Turcs de la rive droite de la rivière Diyala au nord Deli-Abbas, puis les chassent des crêtes. A la fin du mois, les Britanniques sont solidement implantés à plus de 50 kilomètres de Tikrīt. Mossoul n'est plus très loin. A noter qu'un détachement russe loyaliste participe au combat aux côtés des Britanniques...

En Palestine. Les pluies violentes et le mauvais état des routes retardent la marche des Britanniques. Il leur faut plusieurs jours pour relever les unités fatiguées et réorganiser les transports. Entre temps, de violentes contre-attaques turques sur le flanc est, ralentissent la progression vers le nord. Le général allemand Friedrich Kress von Kressenstein, qui commande les Germano-Turcs, rassemble 4 divisions devant Jaffa et 6 autres devant Jérusalem. Le 6 au matin, les Britanniques reprennent l’attaque. L’aile droite toute entière marche sur Hébron, qu’elle occupe rapidement et sans trop de problèmes. Le lendemain, une colonne de cavalerie atteint les lisières de Bethléem, et attend qu'une autre colonne arrive des crêtes situées à l'est de la ville pour prendre la cité. Le 8, toute la ligne de front s’ébranle. Une partie de la cavalerie australienne, par un large détour, coupe la route de Jérusalem à Jéricho, tandis que d'autres cavaliers coupent la route de Naplouse. Jérusalem est maintenant encerclé. Comme la défense de la ville est aménagée avec soin avec des canons sur le Mont des Oliviers et d'autres devant l'enceinte fortifiée, tous bien protégés par des barbelés, le général Edmund Allenby est devant un dilemme. Soit il fait bombarder ces défenses et forcément la ville sera touchée, soit il emploie une méthode moins destructrice mais plus coûteuse en vie humaine. Après réflexion, c'est à l'arme blanche que les Gurkhas, ces soldats indiens spécialement entraînés, devront déloger les artilleurs. Dans une attaque sauvage au couteau et à la baïonnette ils exécutent les artilleurs turcs postés au Mont des Oliviers, ce qui précipite le départ des artilleurs de devant la ville. Von Kressenstein envoie des renforts de Jéricho, mais ils ne peuvent pas franchir les barrages des cavaliers australiens. Le sort de la place est scellé. Le 9 à 8h00, le maire et le chef de la police de Jérusalem arborent le drapeau blanc. Mais les combats se poursuivent pour débarrasser le Mont des Olivier des derniers nids de mitrailleuses et les Britanniques doivent encore charger à la baïonnette les derniers défenseurs installés dans les faubourgs. Les derniers combats cessent vers 10h et les premiers soldats britanniques commencent à investir les monuments publics...

Devant la solennité de l'évènement, Edmund Allenby prépare avec un grand soin sa rentrée dans la ville. Un détachement composé de presque toutes les nations alliées en arme présentes en Palestine est rapidement préparé. Il y a des Anglais, des Gallois, des Irlandais, des Écossais, des Australiens, des Néozélandais, des Indiens, mais aussi 50 Français et 50 Italiens. Le 9 décembre, à midi, Allenby avec à sa droite le diplomate français François Georges-Picot ainsi que le colonel français Jean Philpin de Piépape et à sa gauche le major italien des Bersaglieri Francesco d'Agostino rentre dans Jérusalem à pied par la porte de Jaffa(4). Ils passent entre une garde d'honneur sans arme. Ils sont suivis de tous les officiers. Allenby fait cela de façon modeste par respect pour la nature sainte de la ville envers le judaïsme, le christianisme et l'islam. Ils sont reçus par Borton Pacha, haut fonctionnaire égyptien et nouveau gouverneur militaire de la ville. Les Britanniques éditent et font lire en plusieurs langues une proclamation qui recommande le calme et le respect des Lieux Saints sous peine de sanctions sévères. Des soldats alliés renforcent les gardes habituelles. En quelques heures, tout est terminé...

Dans l'après-midi, Allenby se rend à la citadelle, contemporaine des croisades, et y reçoit les diverses communautés religieuses. A ses interlocuteurs, il évoque la mémoire du roi d'Angleterre Richard Cœur de Lion qui a pu, à la fin du XIIème siècle, reprendre la ville sainte aux musulmans. Après 8 siècles de domination turque, Jérusalem est maintenant sous mandat britannique. C'est la plus symbolique des victoires de l'année 1917. Son retentissement est mondial même si aucun coup de feu n'a été tiré intra-muros. Elle symbolise la reconquête des Alliés dans une marche, certes lente, mais sûre et sans recul possible. A la fin du mois, les Germano-Turcs qui ont abandonné tout le sud de la Palestine, se ressaisissent. Plus proches de leur base arrière, ils établissent une nouvelle ligne de défense au sud de Naplouse...

En Turquie. Après la prise de Jérusalem, la Turquie voit se réduire son immense empire comme peau de chagrin. En moins de 80 ans (abandon de l'Algérie en 1830) toutes ses possessions de l'ouest sont perdues. Sur le papier, c'est toujours un Empire considérable, mais dans le détail, la Turquie ne maîtrise plus grand chose. Toutes ses armées reculent, y compris sur l'ancien front russe du Caucase où pourtant l'armée tsariste s'est évaporée, remplacée par des troupes georgio-arméniennes aux moyens très limités. Un seul espoir, celui de récupérer les troupes allemandes libérées par l'armistice avec la Roumanie. Il sera de courte durée, si les Allemands veulent bien prêter le général Erich von Falkenhayn l'ex-vaincu de Verdun aux Turcs, les soldats seront rapatriés à l'ouest. Alors, c'est quasiment seule que la Turquie doit se battre sur 5 fronts. Celui du Caucase avec le général Mehmet Vehib Kaçı, celui de Mésopotamie avec le général Halil Kut, celui de l'Europe de l'ouest avec le général Ahmed Izzet Pacha, celui de la péninsule arabique au commandement mal défini, et celui de Palestine où se trouvent le plus gros de ses troupes avec le général allemand von Kressenstein qui mène la guerre depuis Naplouse. Seul le front d'Europe de l'ouest est calme, tous les autres sont en replis. Pire, l'armée ottomane est encore plus réduite que son territoire. En 3 ans de guerre elle a perdu plus des trois quarts de ses soldats. Toutes ses troupes bédouines se sont volatilisées depuis le début de la reconquête arabe, et sur les autres fronts, le bilan humain est catastrophique entre les tués, les blessés qu'elle n'arrive pas à soigner, les désertions et les prisonniers. Même en Palestine, sans les troupes allemandes, la Turquie ne pourrait plus faire face. Son sort paraît scellé...

Dans les Balkans. L'hiver s'est déjà installé et les opérations militaires qui n'étaient pas flamboyantes en novembre ne vont pas mieux s'étoffer en décembre. Bien sûr, il y a les inévitables duels d'artillerie et Monastir continue d'être bombardée. Les Bulgares mènent aussi des actions coup de point sur l'ensemble du front, plus efficacement sur les positions britanniques. Les raids aériens alliés se poursuivent sur les campements ennemis, sans faire de trop gros dégâts, quelques bombes par-ci par-là. Sur place, la brigade russe reste loyale, elle continue la lutte sans déposer les armes. En fait, le seul fait notable c'est le remplacement du général Maurice Sarrail par le général Adolphe Guillaumat le 22 décembre. Guillaumat est un Charentais de 56 ans, il est considéré comme plus énergique que Sarrail par le grand état-major allié et il a pour mission de monter une grande offensive pour le Printemps. On lui promet des moyens supplémentaires, mais ils seront très longs à arriver. Fin décembre, les armées alliées comptent 650 000 soldats (Français, Britanniques, Italiens, Russes, Grecs, Serbes et Monténégrins) avec 200 avions, contre 600 000 soldats des Empires centraux (550 000 Bulgares, 25 000 Turcs et 25 000 Germano-Austro-Hongrois) avec 30 avions, mais ils ont l'avantage du terrain. A noter encore que le Japon, par ses 17 destroyers déployés en mer Méditerranée sous les ordres de l'amiral Kozo Sato, fournissent un soutien logistique aux Alliés...

En Afrique de l'Est. Maintenant dans le Mozambique-Portugais, le major-général allemand Paul von Lettow-Vorbeck divise sa petite troupe en plusieurs groupes. Durant 6 mois, ils vont s'attaquer à tous les comptoirs portugais afin de se ravitailler. Cela permet à ses soldats de vivre sur le pays mais sans livrer de réelle bataille pour éviter les pertes. Par contre, son ambition de recruter de nouveaux soldats est un échec total...

 

Il est temps maintenant de revenir à Barbentane. C'est l'Écho de janvier et février 1918 qui donne des nouvelles de décembre 1917. En Une, la photographie des 6 prieures de la Congrégation du Saint-Sacrement pour l'exercice 1916-1917. Elles sont toutes nommément citées à la page 2. En tant qu'anciennes prieures de la Vierge, elles sont maintenant chargées de la décoration du Maître-Autel. Cinq d'entre-elles sont encore habillées en provençale, la dernière est en tenue du "dimanche". L'Écho entre dans sa quatorzième année de parution et il coûte 1fr50 à l'année aux abonnés "fidèles" et seulement 1fr20 aux Barbentanais. Il est toujours donné gratuitement aux soldats, charge à leur famille de leur faire parvenir...

Le curé Aimé Guigues a été obligé de se faire opérer une nouvelle fois. Après une convalescence dans une famille à Marseille, il est revenu au village le 15 janvier. Pendant son absence, le père Hilaire a assuré l'intérim pour la fête de l'Immaculée Conception et le vicaire Courbier a assuré les fêtes de Noël. A 74 ans, l'abbé Jean-Baptiste Lunain décède le 19 décembre. Originaire de Barbentane, il avait cessé son apostolat depuis juillet 1914 pour des raisons de santé, mais il dépannait parfois la paroisse en l'absence du curé...

Le livre d'or s'étoffe de 3 nouvelles citations. Jean-Marie Sérignan reçoit la Médaille militaire et la Croix de guerre avec palme pour fait de bravoure le 20 mai 1917, jour où il a été gravement blessé. Louis Laget est cité à l'ordre de son régiment pour fait de grand courage le 15 novembre 1917. Henri Combet est cité à l'ordre de sa brigade pour fait de courage le 22 novembre 1917. Hélas, le martyrologe ne cesse de progresser lui aussi avec 5 nouveaux tués pour la France. Claude Bertaud est tué le 18 octobre à la bataille d'Aizy dans l'Aisne ; Eugène-Marius Raousset décède à Barbentane le 15 novembre des suites d'une maladie contractée après 40 jours de tranchées à Verdun, un service funèbre en sa mémoire est célébré en l'église de Barbentane le 27 novembre ; Louis Courdon est tué le 18 novembre près de Sillery dans la Marne et Jean-Marie Ollier décède le 25 novembre à Jonchery dans la Marne à la suite d'un accident routier. Un service funèbre en sa mémoire est célébré en l'église de Barbentane le 17 décembre...

La mutuelle de Saint-Joseph perd son président, Jean Bruyère. Il décède le 13 décembre à l'âge de 76 ans et il est enterré le lendemain. C'était une figure locale, mais après la disparition de son fils mort pour la France en novembre 1915, puis de son épouse peu après, sa santé et son moral s'étaient dégradés. D'autres personnes sont rajoutées comme souscripteurs à l'Union des Femmes de France. Comme toujours quand une liste de nom est publiée dans l'Écho, est associée soit le métier, soit la résidence de la personne citée. C'est aussi un avis pour la date de la communion solennelle qui sera célébrée le 5 mai et celle de la confirmation qui aura lieu le 8 mai...

Pas un seul Poilu barbentanais n'est tué en décembre 1917...

Dans le courrier militaire, Claudius Raoulx est en première ligne dans le secteur le plus dangereux, mais il croit en la victoire du droit ; nouveau dans l'armée d'Orient, Jean Bruyère est évacué à cause de son ancienne blessure au genou ; Paul Crouzet est très bien soigné dans un hôpital de sœurs à Nice ; Henri Sérignan est à Paris, même si la ville "est bien belle" écrit-il, il préfère encore le beau soleil de Provence ; le caporal Louis Petit envoie un bonjour de Lorraine ; Jean-Marie Auzépy est sur le grand plateau d'Amance [près de Nancy] ; Louis Laget est bombardé par les boches depuis quelques jours et il a été décoré de la Croix de guerre ; Louis Ayme a quitté les hautes cimes [près de Monastir ?] pour venir passer l'hiver dans la plaine plus abritée ; Léopold Michel, qui a eu sa permission supprimée, est très affecté par la mort de son très cher camarade Louis Courdon ; Jean-Marie Pitras est en Alsace et si le front est calme, l'hiver commence à se faire sentir ; François Veray est toujours en correspondance avec l'abbé Bard ; Jean Vernet a rencontré Louis Ayme et ils ont causé de leur cher Barbentane ; Gaston Nazon pense que le repos hivernal va être court ; Etienne Maurin a trouvé "joli" le rapport de M. Cabassol sur la renaissance provençale ; Raoul Saint-Michel a quitté la direction pour être "redescendu" à l'escadrille où il se sent bien ; l'adjudant Jean Brémond pense que pour jouir d'une paix durable il faut la victoire ; Louis Fontaine est en Italie, de partout où ils sont passés, ils ont été bien accueillis avec des cris de "Vive la France" ; Paul Bonnet se considère comme un miraculé car son appareil [avion ? ballon ?] a prit feu juste au moment de partir ; Achille Deurrieu [au Maroc] considère qu'il aura un grand plaisir à revoir la Provence ; Jean-Marie Joubert se guérit d'une blessure au bras droit ; durement bombardé Fernand Barral se croit à Verdun ; Henri Combet, dans une première ligne malmenée par les boches, joint sa dernière citation à son courrier ; Jean Fontaine est dans un trou d'obus en guise de tranchée ; l'abbé Mascle croit que 1918 sera l'année de la paix victorieuse à laquelle tous aspirent ardemment ; Lucien Chancel se plaint de la pluie après avoir subit une vague de froid ; Etienne Bernard, en repos dans les Vosges, constate que l'année 1918 commence en guerre, mais il espère qu'elle finira en paix et en gloire pour notre chère patrie ; le caporal Jean Fontaine constate que la guerre ne paraît pas devoir finir encore ce qui le fait passer par toutes les alternatives d'espérance puis d'inquiétude et c'est le commandant Jean-Marie Barthélémy qui termine son petit mot par "Qui connaîtra jamais les souffrances de nos populations envahies, témoins impuissants depuis de long mois, de cette haine contre tout ce qui vit"...

Dans l'état religieux : 5 naissances, 2 mariages, mais aussi 8 enterrements dont celui de Joseph Michel, mobilisé, décédé le 26 janvier d'une méningite tuberculeuse à l'hôpital de Saint-Didier dans le Vaucluse...

Cet Écho se termine par un article sur le respect, puis "Faites vos Pâques" et "Les Béatitudes", un court poème de Jules Imbert...

Guy

Cyclistes japonais en Chine

Carte du front italien en décembre 1917

Artillerie de montagne austro-hongroise sur le front roumain

Patrouille de soldats de la Garde rouge dans Moscou

C'est l'Écho du mois de janvier-février 1918 qui relate les événements décembre 1917...

Le garde-côte français Requin en soutien des troupes britanniques en Palestine

Des rampants de l'escadrille F-399 basée dans les Balkans

Empilement de voitures ferroviaires dans l'accident de Saint-Michel-de-Maurienne

Soldats austro-hongrois dans une ferme occupée en Italie (photo recolorée)

Abri d'officiers dans l'Argonne enneigée

Déclaration du général Allenby devant la tour de David à Jérusalem

Convoi sanitaire britannique en Mésopotamie

Visite d'une infirmière ce qui remplit de joie ces officiers italiens

Soldats amérindiens du Choctaw Telephone Squad

Dans le Monde en Guerre en Décembre 1917

La Paix à L'Ouest. Les 18 et 19 décembre à Genève en Suisse, le général sud-africain Jan Smuts rencontre le comte Albert von Mensdorff, envoyé de l’empereur Charles Ier, mais aussi de l'ancien Président du conseil allemand, Théobald von Bethmann Hollweg. Ces discussions traînent depuis la mi-mars, sans aucun résultat. Les Britanniques caressaient l'espoir de briser le couple Allemand/Austro-Hongrois. La défaite italienne à Caporetto compromet ce rêve, d'autant plus que Charles Ier est maintenant devenu l'otage de ses militaires. Le même jour Smuts s'entretient aussi avec le docteur H. Parodi. Ce dernier est le chef de la mission scolaire Égyptienne, mais par ses contacts avec la Croix Rouge Turque, il est très au fait de la situation interne du pays. Il ne peut guère en dire plus au sujet d'éventuelles possibilités de paix avec cette puissance en guerre...

Ce sont les dernières rencontres de paix pour 1917 sur le front ouest. Il faudra attendre la fin de la guerre pour que de nouvelles négociations reprennent...

La Paix en Russie. Le 2, pour la première fois les délégués germano-austro-hongrois et russes se rencontrent à Dvinsk (maintenant appelé Daugavpils, ville située en Lettonie) pour étudier les conditions de la paix. Face aux militaires allemands, les Russes sont représentés par Lev Kamenev et Adolf Joffé, assistés de quelques militaires ralliés au nouveau régime. Mais déjà chez les délégués des Empires centraux, la discorde règne. Avec cette paix dont ils se sentent les vainqueurs, les Allemands veulent créer des pays-tampons entre la Russie et l'Allemagne. Ils sont pour une Pologne, une Finlande, des pays Baltes, une Ukraine et une Biélorussie promus États indépendants, mais sous tutelle allemande. Les Austro-Hongrois sont beaucoup moins politiques. Leur pays est miné par les émeutes et la disette, ils sont prêts à faire d'énormes concessions territoriales avec l'Ukraine et la Roumanie pour recevoir en échange de quoi nourrir leur population. Conformément à leurs directives politiques, les Russes sont pour des États indépendants, mais pas des États ennemis. De plus, s'ils sont pour une Finlande affranchie, d'ailleurs elle l'est déjà, ils sont contre la séparation de l'Ukraine et de la Biélorussie qu'ils considèrent comme totalement Russes…

Convoi de ravitaillement dans la plaine italienne

Le cuirassé allemand Posen qui règne maintenant en maître dans la mer Baltique (photo recolorée)

Un des grands boulevards de Paris sous la neige

Hell fighter band en représentation sur une place à Nantes

Tombes musulmanes et chrétiennes quelque part en France

A Brest-Litovsk, signature de l'armistice du 15 décembre

Des Sammies enterrent leurs premiers morts en Meurthe-et-Moselle

Gurkhas en Palestine

Tranchée allemande dans les Vosges (photo recolorée)

Fusiliers-Marins au lac Ohrid en Macédoine

Toutes les discussions à venir achopperont sur ces différences. Le 5, les négociations de paix, un temps interrompues, reprennent au siège du commandement allemand, mais dans la citadelle de Brest-Litovsk à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Elles ne sont pas faciles. Néanmoins, un cessez-le-feu global est décidé, il doit prendre effet dix jours tard, pour une durée de deux mois. S'ouvrent alors des pourparlers de paix entre les puissances centrales, représentées par leur ministre respectif des affaires étrangères, et le pouvoir bolchevique, représenté maintenant par Lev Kamenev et Léon Trotski. Tous les belligérants en présence ont besoin de la Paix le plus rapidement possible. Les Russes afin de faire face aux troubles intérieurs qui débutent, les Allemands afin de pouvoir battre les Français et les Britanniques à l'ouest, les Austro-Hongrois afin de pourvoir alimenter le pays, les Turcs afin de reprendre l'offensive en Palestine et en Mésopotamie, et les Bulgares afin de garder leurs conquêtes serbes et roumaines menacées. Le 8, les pourparlers d'armistice en cours à Brest-Litovsk sont momentanément suspendus pour que les délégués puissent en référer à leur gouvernement respectif. Le 13, les négociations reprennent et le 15 l'armistice est accepté. Il est fixé au 17 pour toutes les forces terrestres, navales et aériennes des pays concernés. Les déplacements de vastes unités sont interdits de part et d'autre du front. Les unités peuvent entrer en contact les unes avec les autres. C'est un vœu des négociateurs russes afin de permettre une forme de contagion révolutionnaire dans les rangs des puissances centrales. Mais les Empires centraux, s'ils en acceptent le principe, limitent ces contacts sur des points bien déterminés du front et surveillent étroitement ces échanges entre soldats. Les belligérants s'accordent deux mois pour signer la paix. Le 22, reprise à Brest-Litovsk des discussions en vue de la signature d'un traité de paix. Elles seront très âpres, tatillonnes et vont durer près de deux mois...

Dans ces discussions, la Rada ukrainienne, d'abord observatrice, décide finalement de participer aux pourparlers de paix le 28 décembre 1917. En désaccord, le secrétaire aux affaires militaires, Simon Petlioura, démissionne le 31 du gouvernement et part organiser un bataillon d'indépendantistes haïdamaks (du nom d'une ancienne milice locale)...

D'après l'article 5, du traité d'armistice russo-empires-centraux qui concerne la guerre navale, la fin des hostilités couvre la mer Baltique à l'Est (sauf la zone près de Petrograd), toute la mer Blanche, les côtes russes de l'océan Arctique et toute la mer Noire. Il n'est pas question du littoral russe du Pacifique, mais l'accord contient des prescriptions destinées à empêcher, dans la mesure du possible, que les forces navales des parties contractantes se combattent sur les autres mers. Le gouvernement russe fournit la garantie que les forces navales des Alliés qui se trouvent dans les eaux indiquées par le traité ou s'y trouveront ultérieurement, se comporteront comme des forces neutres. Sur ce dernier point, les Russes prennent leurs désirs pour des réalités, car jamais les marines alliées ne cesseront de combattre les Empires centraux dans les ports de Mourmansk et d'Arkhangelsk. Par contre, les Britanniques reconnaissent avoir deux bâtiments de surface maintenant "coincés" dans la mer Baltique et au moins un sous-marin...

La Paix en Roumanie. Le 3 décembre, le général russe Dimitri Tcherbatchev qui commande les forces russes en Roumanie adresse une demande d'armistice aux Empires centraux. Si la lointaine France est contre ces pourparlers de paix, sur place le général français Henri Berthelot est pour. Il sait très bien que, malgré leur vaillance, les Roumains sans les Russes ne sont plus en possibilité de faire la guerre. Le 7, dans les négociations de paix qui débutent, les Austro-Hongrois font savoir que le roi Ferdinand Ier ne sera pas obligé d'abdiquer, si les Roumains acceptent de leur livrer toutes les denrées alimentaires qu'ils réclament. Le gouvernement roumain accepte les conditions de paix et le 9 l'armistice est accepté à Focșani entre les forces russo-roumaines et les Empires centraux. Il rentre en vigueur le jour même à 23h30. Comme en Russie, on se donne deux mois avant de signer une paix définitive. Les Français qui sont sur place s'organisent pour rejoindre rapidement l'Ukraine afin de pouvoir revenir en France avant d'être faits prisonniers...

 

Dans le Monde Politique.

Le cas Russe. Les Alliés, plus précisément les Français et les Britanniques, sont très inquiets de la tournure des évènements en Russie. Ils ne veulent surtout pas que les énormes stocks militaires accumulés dans les ports de Mourmansk, Arkhangelsk et Vladivostok tombent aux mains des Allemands ni des bolcheviques. Le cas de la légion Tchèque forte de 50 000 hommes, mais aussi des légions françaises et belges aux effectifs bien moindres, pris au piège sur le front de l'est est aussi source d'inquiétude. Ordre est donné à tous de rester neutres dans le conflit entre Blancs et Rouges, de saboter le matériel intransportable et d'essayer de se sauver par les 3 ports que les Alliés contrôlent. Les États-Unis sont d'accord pour prendre Vladivostok sous leur contrôle et le 27 décembre ils demandent officiellement au Japon de s'y associer. Les Britanniques, mieux placés, prennent le contrôle des ports de Mourmansk et d'Arkhangelsk. Les Français plus solidement implantés dans les Balkans, optent pour le sud, si l'offensive de printemps en orient les amène près de la frontière russe. Pour l'instant, la Russie est couverte de son manteau blanc hivernal, rien ne va bouger jusqu'au dégel...

En France. Le 1er décembre à Versailles se tient une conférence interalliée sous la présidence de Georges Clémenceau. Sont aussi présents le Britannique David Lloyd Georges, l'Étasunien Edward Mandell House (dit le colonel House, conseiller spécial du président Wilson), l'Italien Vittorio Orlando ainsi que les généraux Ferdinand Foch, Henry Wilson, Luigi Cadorna et l'amiral Tasker Bliss. Une nouvelle fois le problème d'un commandement suprême sur les fronts de l'ouest est évoqué, mais sans trouver un nom acceptable à tous pour occuper le poste. Par contre, les Alliés parviennent à s'entendre sur la répartition de l'aide US qu'il faut bien fractionner. Le diplomate français Jean Monnet préconise de diviser les besoins d'importations en plusieurs spécifications : ravitaillement, munitions, matières premières et troupes US. Il recommande un bureau permanent pour centraliser toutes les demandes, et chaque pays doit faire, selon sa situation, des besoins de guerre ne pouvant excéder au total le tonnage transportable. Ces demandes sont révisables tous les mois. C'est ce qui va se passer dans l'année à venir. Le 6, le Cabinet de guerre et Clémenceau décident de remplacer le général Maurice Sarrail par le général Adolphe Guillaumat à la tête de l’armée d’Orient. Bien que Sarrail n'ait pas démérité, les stratèges le considèrent plus comme un diplomate que comme un guerrier. Guillaumat est envoyé dans les Balkans pour réorganiser le corps expéditionnaire allié et préparer une grande offensive pour le printemps. Le 11, le gouverneur militaire de Paris demande à la Chambre la levée de l'immunité parlementaire des députés radicaux Joseph Caillaux et Gustave Loustalot. En fait, on leur reproche surtout des écrits pacifistes depuis 1914, ce qui déplaît fortement à Clémenceau qui préconise la guerre à outrance. Leur immunité parlementaire sera levée, mais seul Caillaux sera jugé, condamné, puis amnistié en 1925...

Le 12 après 23h00, par manque de freinage, un train chargé de 1 200 permissionnaires français qui reviennent d'Italie dévale à la vitesse de 150 kilomètres/heure la descente très prononcée de la vallée de la Maurienne en direction de Chambéry. Il est composé de 17 voitures italiennes en bois, encadrées de 2 fourgons. Seules la locomotive et les trois premières voitures ont un frein à air automatique, les autres sont équipées d'un frein manœuvrable à la main. A 1 300 mètres de la gare de Saint-Michel-de-Maurienne la locomotive et son tender s'arrachent du train alors que le reste du convoi va s'écraser contre un mur de soutènement à la hauteur du hameau de Sainte-Anne, juste avant un pont qui franchit l'Arc. Aussitôt les freins en feu propagent l'incendie au convoi. Fort heureusement, le chef de gare de La Praz qui a vu passer le convoi en dérive fait arrêter toutes les circulations sur la ligne, car un autre train avec des soldats écossais attendait son départ pour l'Italie en gare de Saint-Michel-de-Maurienne. Aussitôt les secours s'organisent, on sonne le tocsin dans toute la vallée et les soldats présents se portent sur le lieu de l'accident. Il faut 5 jours de travail en continu pour relever le tas de décombres calcinés qui fait plus de 5 mètres de haut. Officiellement, à la fin des recherches on dénombre 675 morts et blessés, dont 2 cheminots (277 sont non-identifiés) et 350 rescapés. Censure oblige, les faits sont quasiment passés sous silence à l'époque. Malgré des enquêtes poussées, mais encore gardées secrètes, les causes exactes de l'accident sont toujours méconnues. Après la guerre, un tribunal se réunit en conseil de guerre pour juger les 6 cheminots du PLM (Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée), dont le mécanicien, mais tous sont finalement acquittés. Le capitaine Fayolle, commandant du trafic à Modane, qui imposa le départ du convoi malgré les avertissements du conducteur du train qui réclamait plus de sécurité, n'a jamais été inquiété. Même maintenant, cet accident demeure la plus grande catastrophe ferroviaire survenue en France...

Le 16, la souscription à l'emprunt national est close, elle est tout juste correcte, elle n'a pas vraiment eu un grand succès malgré une campagne publicitaire hors-norme pour l'époque. Le 18, le Sénat prononce la levée de l'immunité parlementaire de Charles Humbert, sénateur de la Meuse et aussi directeur de la publication Journal. En fait, par besoin de financement pour son journal, il a accepté de l'argent des financiers véreux Bollo Pacha et Pierre Lenoir. Mais ces financiers sont manipulés par les allemands qui aimeraient avoir des publications françaises hostiles à la guerre. Humbert sera jugé et innocenté, ses coaccusés Bollo Pacha et Pierre Lenoir seront condamnés à mort et exécutés en 1919. Les 16 et 17, une tempête de neige paralyse les régions du nord et de l’est. On mesure 13 cm de neige à Paris, avec un -11°, cette neige va rester près d'un mois dans la capitale. Dans la nuit du 19 au 20, il tombe 255 mm d'eau dans les Pyrénées-Orientales, soit l'équivalent de deux mois de pluie. On relève 1,15 m de neige à Maury, à quelques kilomètres de la grotte de Tautavel. De nombreuses inondations mais aussi des avalanches vont endeuiller ce département pendant un mois. Le 23, face à la paix qui ne fait plus de doute en Russie, la France et la Grande-Bretagne se partagent des zones d’intervention pour ce pays. Le 26, le gouvernement français ne reconnaît pas le nouveau régime des bolcheviques. Le 27, le ministre des Affaires étrangères, Stephen Pichon, expose à la Chambre la politique extérieure du gouvernement, et repousse les appels de Léon Trotsky à cesser les combats. Le 28, les députés français décident de devancer l'appel sous les drapeaux de la classe 1919. Elle sera incorporée un an plus tôt que prévu, c'est-à-dire au printemps 1918. Le 31, jugeant que le contact avec les bolcheviques n'est pas sans inconvénients, le président du Conseil refuse aux socialistes français des passeports pour Petrograd...

Corps Expéditionnaire US. Le 3 décembre, commence à débarquer en France les premiers éléments de la 42ème division US dite Rainbow (arc-en-ciel), ainsi surnommée car elle rassemble des soldats de la milice originaires de 26 États. Le chef d'état-major de la division, qui deviendra plus tard son commandant, est le colonel Douglas MacArthur...

L'armée US a maintenant un grave problème, son code de communication très basique est rapidement déchiffré par les Allemands. Alors, un officier trouve la solution en demandant à des Amérindiens d'utiliser leur langue propre, le Choctaw, pour transmettre les ordres. Cela ne représente que des avantages, c'est une langue très peu parlée, quasi incompréhensible au vocabulaire étendu, qui s'emploie sans machine à coder et utilise le téléphone le plus ordinaire. Autre avantage, les Amérindiens sont relativement nombreux, près de 12 000, donc après une rapide recherche et une formation adéquate, on installe le Choctaw Telephone Squad que les militaires US baptiseront le Code talkers (qui parle le code) et près de 33 dialectes amérindiens seront utilisés(1)...

Au 31 décembre, 250 000 soldats étasuniens sont en terre de France. Près de 100 000 sont déjà en contact avec les Allemands entre la Champagne et les Vosges. Les camps de formation sont maintenant tous opérationnels et près de 30 000 nouveaux soldats débarquent chaque mois. Après une période de formation et d'adaptation de deux mois, ils montent au front au contact avec l'ennemi...

Jazz à l’ouest. Le 27 décembre, le lieutenant noir James Reese Europe, débarque sur les quais de Brest d'un ex-paquebot allemand réquisitionné en avril par les USA et rebaptisé Pocahontas. Il fait parti du 369ème régiment d’infanterie, majoritairement composé d’Afro-Américains, qui se surnommeront plus tard les Harlem Hellfighters (les combattants de l’enfer d'Harlem). Il dirige un ensemble musical, un brassband, une sorte de fanfare qui, aussitôt à terre, commence à jouer une musique étonnante, extraordinaire qui résonne dans toute la ville et stupéfait les Brestois. Ces derniers sont parmi les premiers Européens continentaux à découvrir le jazz ! L'orchestre se lance même dans une Marseillaise pleine de swing qui laisse les passants pantois. James Reese Europe n’est pas n’importe qui, mais l’un des meilleurs chefs d’orchestre de New York et on lui doit, en partie, l’invention du fox-trot. En 1913, il avait été l’un des premiers noirs à enregistrer en studio. Engagé en 1915 dans l’armée, il va constituer un ensemble incomparable d’une soixantaine de musiciens, les plus talentueux d'Harlem et de Porto Rico. C’est cette formation qui arrive à Brest pour remonter le moral des troupes et qui va introduire le jazz sur le vieux continent. Son orchestre va populariser le ragtime dans toute l'Europe. Comme la discrimination est en vigueur dans l’armée US, ces Afro-Américains vont être intégrés à l’armée française où l’on surnomme l’orchestre le "Hell fighter band". Ils rembarqueront couverts de médailles en janvier 1919, toujours à Brest, et seront accueillis triomphalement à New York, du moins à Harlem...

En Grande-Bretagne. Le 3 décembre, un communiqué du gouvernement annonce que tout l'Est-Africain est maintenant sous la domination des troupes britanniques et que les troupes allemandes défaites se sont enfuies au Mozambique-Portugais. Le 11, le ministre des Affaires étrangères, lord Arthur Balfour, déclare que le pays vient de recevoir des propositions de paix de l'Allemagne. Elles ne sont pas nouvelles et ne diffèrent guère des précédentes, l'Allemagne ne voulant toujours pas rendre les provinces d'Alsace et de Lorraine tout en maintenant son désir de récupérer ses anciennes colonies. Le 19 décembre, dans une note interne au gouvernement, Balfour refuse que soit dépecée l'Allemagne au profit de la France. En cela, il désapprouve le vieux projet des militaires français qui veulent qu'un morceau de l'Allemagne soit arraché à ce pays pour être constitué en un État indépendant sur la rive droite du Rhin de manière à faire tampon entre l'Allemagne et la France. Le 24, mis en accusation après la perte de plusieurs convois en mer du Nord, l'amiral John Jellicoe démissionne de son poste d'Amiral de la flotte. Il est remplacé le 26 par l'amiral Rosslyn Wemyss qui était responsable de la flotte alliée dans la Méditerranée...

En Allemagne. Le 1er décembre, le Chancelier Georg von Hertling fait une déclaration au Reichstag sur les conditions de paix proposées par les Russes et la position de l'Allemagne. Le 18, dans un but propagande intérieure et extérieure, la compagnie cinématographique Universum-Film AG (UFA) est constituée à Berlin avec un capital de 25 millions de marks. Les principaux actionnaires de cette société à capitaux mixtes sont l’État allemand et la Deutsche Bank. Le 19, dans la station thermale de Kreuznach (Rhénanie-Palatinat) qui est aussi le siège du Grand Quartier Général allemand, le turc Mustafa Kemal Atatürk rencontre Guillaume II, Paul von Hindenburg et Erich Ludendorff au grand hôtel Kurhaus. Le 22, Guillaume II prononce un belliqueux discours sur le front occidental, devant la deuxième armée allemande. Le 27, le maréchal Paul von Hindenburg approuve les plans des offensives allemandes prévues sur le front français pour le printemps 1918. Les stratèges pensent pouvoir rapatrier en deux mois 50 divisions du front de l'est vers l'ouest, soit plus d'un million d'hommes. L'attaque est programmée pour fin mars, et elle se fera sur la partie de front tenue par les Britanniques. Les Allemands pensent que ces troupes sont épuisées et démoralisées après les 4 offensives meurtrières et infructueuses qu’elles ont menées au cours de l’année 1917 : Arras, Messines, Passchendaele et Cambrai. Signe des temps, pour ces attaques, l'Allemagne va déployer ses premiers tanks A7V dont le premier exemplaire vient de faire ses premiers tours de chenilles. C'est une simple boîte blindée, peu maniable, lourde de 33 tonnes avec un équipage pléthorique de 16 personnes. Ce tank est armé d'un canon de 57 à l'avant et de 5 mitrailleuses MG08, deux sur chaque côté et une à l'arrière. De toute façon, les Allemands ne croient pas à l'efficacité de l'arme blindée. Cela ne les empêche pas de récupérer de nombreux chars britanniques Mark IV tombés quasi intact entre leurs mains, et de les rafistoler avec un bon coup de peinture pour les réemployer contre les Britanniques lors de la future offensive...

En Autriche-Hongrie. Comme son homologue allemand, le comte Ernst Seidler von Feuchtenegg, ministre-président d'Autriche, fait une déclaration au Reichsrat sur les pourparlers de paix en cours avec les Russes et les Roumains. Il promet une amélioration du ravitaillement...

En Russie. Fin novembre, début décembre, les généraux Mikhail Alekseïev et Lavr Kornilov créent à Novotcherkassk, une ville du sud de la Russie, ancienne capitale des Cosaques, l'Armée des Volontaires. C'est la première armée dite Blanche, elle est soutenu par le parti KD et les Socialistes Révolutionnaires de Gauche. Forte de 4 000 hommes, elle est composée d’officiers, de cadets, d’étudiants, de cosaques et de simples soldats, tous volontaires. Alekséïev occupe le poste de commandant suprême, Kornilov est le commandant en chef, le général Ivan Romanovski chef d’État-major, le général Anton Dénikine commande la 1ère division et le général Sergueï Markov commande le 1er régiment d’officiers. Un conseil spécial est créé au quartier-général, il est principalement constitué de personnalités politiques comme Pierre Struve, Pavel Milioukov, Mikhaïl Rodzianko, Sergueï Sazonov ou Boris Savinkov. Le 1er décembre, des Gardes rouges se préparent à partir pour le sud du pays où commence à se masser des forces contre-révolutionnaires. Le 4, les bolcheviques font parvenir un ultimatum de dissolution pour la Rada (assemblée) ukrainienne et sans réponse favorable, ils installent un Soviet de gouvernement concurrent à Kharkov dans l'est de la province. Le 5, tandis que la Finlande proclame son indépendance, le Département d'État US demande à ses diplomates en poste en Russie de ne pas se compromettre avec les bolchéviques. A partir du 6 à Tobolsk dans la Sibérie occidentale, l'ex-tsar Nicolas II et sa famille sont maintenant considérés comme des prisonniers ordinaires. Des Gardes rouges remplacent les gardes militaires, les conditions de détention deviennent plus dures, les promenades en ville sont supprimées et les approvisionnements se réduisent considérablement. Le 8, face aux menaces de levées de troupes contre-révolutionnaires par des militaires dans le sud du pays, des mandats d'arrêt sont émis contre les généraux Alexeï Kaledine et Lavr Kornilov. Le 9, le gouvernement finlandais exige l’évacuation totale des troupes russes du pays. Le 9 toujours, Trotski publie un arrêté qui relève de leurs fonctions tous les représentants alliés qui refusent de reconnaître la gouvernance des Soviets...

Le 10, c'est la proclamation des résultats des élections du 25 novembre pour désigner l'Assemblée Constituante. Elles sont très défavorables aux bolcheviks qui n'obtiennent que 168 sièges sur 703. Les socialistes en remportent 299 ; les socialistes de gauche, les seuls alliés des bolchéviks 39 ; les mencheviks 18 et le parti constitutionnel démocratique (KD) 17. Différents groupes nationaux sont représentés par 158 élus. Ce résultat est un défi face au pouvoir bolchévik. Du coup, Lénine interdit le parti KD qui a pris la tête de la résistance armée au gouvernement, et ses dirigeants sont déclarés en état d'arrestation. Le lendemain, Lénine interdit la première réunion de l'Assemblée Constituante tant que 400 députés au moins ne seront pas présents. Le 12, il publie dans la Pravda ses thèses sur l'Assemblée Constituante où il expose qu'elle est constituée de partis bourgeois ; accepter sa domination serait un recul pour la révolution sociale...

Le 11, la Lituanie se déclare indépendante et demande la protection de l'Allemagne. Le 12, c'est le début des premiers combats entre l'Armée des Volontaires et une armée composée de travailleurs et de paysans à Rostov-sur-le-Don dans le sud de la Russie près de la mer Noire. Le lendemain les Volontaires tiennent la ville. C'est le début de la guerre civile. Le 12, le général russe, Grigori Semenov, crée la première unité de milice blanche en Mandchourie. Elle est composée de 9 officiers, 35 Cosaques et 40 Bouriates. Mais Semenov est plus un bandit de grand chemin à la solde des Japonais qu'un soldat du Tsar. De plus, ses troupes se rendent coupables de nombreuses atrocités. Le 13, le général Alexandre Doutov, ataman (chef politique et militaire) des Cosaques à Orenbourg, une ville située dans le sud sibérien près des steppes du Kazakhstan, crée un comité de salut public avec des officiers et des cadets. Il est républicain et démocrate. Ils deviennent maîtres de toute la région, mais avec de faibles effectifs, la majorité des Cosaques veulent rester neutres dans le conflit civil qui commence. Le 14, complètement oubliées lors des grandes nationalisations de novembre, toutes les banques sont maintenant sous la tutelle du gouvernement. De plus, ce dernier refuse de reconnaître les emprunts internationaux souscrits par le gouvernement du tsar ce qui met en émoi toutes les bourses du monde. Le même jour, un décret aboli les grades militaires et les décorations. Le 15, la Rada proclame la république d'Ukraine et le désarmement des Soviets locaux, mais dans le grand port militaire d'Odessa les Soviets chassent les représentant ukrainiens de la ville. Le 17, Lénine lance un ultimatum exigeant la soumission de la Rada au Soviet de Kharkov. Le 18, Trotski lance un appel solennel à la libération de tous les peuples opprimés d'Europe. Le même jour, la Rada rejette l'ultimatum de Lénine. Dans le sud, les armées Blanches et Rouges ne cessent de se harceler dans une lutte sans merci. Elles sont tour à tour défaites et victorieuses. Le 31, le Soviet de Petrograd reconnaît l'indépendance de la Finlande...

Dans le Caucase. Dès 18 décembre, jour de l'armistice russo-turc conclu à Erzinghian, les troupes arméniennes et azerbaïdjanaises aidées de volontaires russes, reforment le front oriental. Plus tard, de nombreux soldats d'origine géorgienne viendront se joindre à cette armée de coalition pour essayer de contenir l'avancée turque qui ne va pas tarder à se manifester...

En Belgique occupée. Depuis le 21 mars 1917, la Belgique occupée est coupée en deux. D'un côté la Flandre qui englobe aussi Bruxelles qui lui sert de capitale et de l'autre la Wallonie avec Namur pour capitale. Mais la Flandre est elle aussi divisée. D'un côté les "passivistes" ou "loyalistes" qui refusent toute forme de collaboration et de l'autre les "activistes" qui profitent des circonstances de la "Flamenpolitik" pour faire aboutir leurs revendications. Le 22 décembre, le Conseil de Flandre se déclare indépendant, toutefois cette décision ne sera rendue publique que le 20 janvier 1918 et mettra l'Allemagne dans l'embarras car elle va devoir traiter en égal avec ce nouvel État...

Au Canada. Après bien des tripatouillages électoraux pour empêcher les réfractaires à la conscription de voter, le parti conservateur remporte les élections fédérales le 17 décembre. Il obtient 153 sièges au Parlement contre seulement 82 aux Libéraux. Le Premier ministre, Robert Laird Borden, est réélu et son premier geste est d'exclure les francophones de son cabinet. La conscription des hommes pour le service militaire est prévue pour le 1er janvier 1918. Seulement 125 000 Canadiens sont enrôlés, de nombreux réfractaires, surtout francophones, s'enfuient dans les forêts et n'en sortiront que des années après. L'ambition de Borden de créer une armée canadienne indépendante de la Grande-Bretagne, reste un rêve, il n'y arrivera jamais. Par contre, le pays est plus divisé que jamais...

Au Portugal. Le 5 décembre, les militaires, soutenus par la bourgeoisie, ainsi que par l'église catholique affolée par l'athéisme de la République, mènent une campagne armée contre le pouvoir à Lisbonne. Les troubles durent 3 jours. Pour éviter un bain de sang, les forces loyalistes cessent le combat. C'est l'ancien ambassadeur du pays en Allemagne, Sidonio Pais, qui en prend la présidence, avec les portefeuilles de la Guerre et des Affaires étrangères. Il est accompagné du colonel Recadas et d'un ancien ministre royaliste Suarez Branco. Le président de la République, Bernardino Machado, est banni ainsi que Joao Chagas, ambassadeur du Portugal à Paris. Malgré une déclaration officielle sur la poursuite de politique de coalition avec les Alliés, le nouveau régime devient quasi dictatorial et très pro-allemand. Le contingent portugais qui se bat en France va petit à petit être abandonné, sans pour autant être rapatrié. Le suffrage universel est instauré, les relations avec le Vatican sont renouées. Mais le pays va s'isoler et, du fait de la guerre, il va s'enfoncer dans la crise. Le ravitaillement va devenir rare, le rationnement va amener des famines et déclencher des épidémies. Les défaites coloniales, la répression féroce, la torture vont provoquer des émeutes...

Aux États-Unis. Le 4 décembre, le président Woodrow Wilson ouvre la session du Sénat et de la Chambre des Députés réunis en Congrès par un message sur les buts de guerre du pays. Il déclare que, lorsque l'Allemagne aura accepté un règlement fondé sur la justice et la réparation des torts causés, la paix sera faite. Il demande au Congrès de déclarer la guerre à l'Autriche-Hongrie, toutefois il se prononce sur son sort avec modération. Il envisage l’après la guerre : "Nous ne désirons pas affaiblir, ni transformer la monarchie austro-hongroise… Nous souhaitons seulement que les affaires des peuples d'Autriche-Hongrie, grandes ou petites, soient remises entre leurs propres mains". Il affirme sa volonté de venir en aide aux Alliés par tous les moyens possibles. Le 7, le pays déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie. Cuba, l'Équateur et le Panama, trois pays maintenant sous le contrôle politique et économique des USA, déclarent eux aussi la guerre à l'Autriche-Hongrie...

En Australie. Le 20 décembre, et pour la deuxième fois en deux ans, les Australiens doivent voter pour ou contre le service militaire obligatoire. Le Pays est profondément divisé. Les protestants plus traditionnels et souvent d'origine britannique sont pour, tous les autres contre. Pour faire pencher la balance, le Premier ministre Billy Hughes annonce qu'il démissionnera en cas de refus…

 

Sur le Front des Combats.

En France.

A Cambrai. Depuis une percée éclair en 24h le 20 novembre en engageant quasiment tous leurs chars opérationnels, les Britanniques ne cessent de reculer. Les contre-attaques allemandes sont très efficaces grâce à l'emploi de soldats d'assauts très entraînés et à une aviation qui les soutient de façon très rapprochée. Les Britanniques, qui manquent de réserve, reculent, mais ils le font de façon méthodique sans laisser beaucoup de prisonniers. Le 3 décembre, le général Douglas Haig donne un ordre de retrait général vers les lignes initiales et le 7, tout le terrain conquis par les Britanniques est abandonné à l'exception d'une partie de la ligne Hindenburg autour d'Havrincourt, de Ribécourt et de Flesquières. Si les débuts de la bataille de Cambrai ont permis à Douglas Haig de sauver son commandement, pour le Premier ministre britannique David Lloyd Georges cela démontre une fois de plus l'incapacité de ce général à assumer le commandement du BEF, mais il ne peut le changer. Au final, cette bataille se solde par les pertes de 45 000 soldats, britanniques comme allemands, avec 11 000 Allemands faits prisonniers pour 9 000 Britanniques. Elle laisse au moins un enseignement concret. Bien menés, utilisés en masse sur un terrain approprié, les chars peuvent s'affranchir des tranchées et des fortifications. Philippe Pétain et Ferdinand Foch vont retenir la leçon…

Sur le reste du Front en France. C'est l'hiver, en plus un rude hiver, qui commence, le pire de ces 3 années de guerre. Toutes les grandes offensives sont arrêtées car tout le monde à froid, les hommes, les bêtes et même le matériel. Les culasses des canons comme celles des armes individuelles sont moins efficaces, mais les coups de main restent nombreux. Ils se font à la grenade, au couteau et au casse-tête. La ville de Reims est toujours bombardée. Après les démoralisantes pluies d'automne, un sale hiver dans les tranchées vient de commencer...

Vedette rapide lance-torpille italienne

(1) En fait, les Amérindiens du Choctaw Telephone Squad vivent un paradoxe. Aux USA, ils ne sont même pas considérés comme des citoyens car ils n'obtiendront la nationalité US qu'en 1924. De plus, parler une langue amérindienne est interdit dans les écoles où ils sont admis. Pendant la deuxième guerre mondiale, le Code Talkers sera reconduit surtout dans la guerre du Pacifique avec des Amérindiens des tribus Navajos et Comanches.

(2) L'explosion du Mont-Blanc dans la baie d'Halifax est considérée comme la plus importante jamais provoquée par l'homme avant la bombe atomique. D'ailleurs, le responsable de la bombe nucléaire US, le scientifique Robert Oppenheimer, va venir en étudier les effets lors de la préparation des bombardements des villes japonaises en 1945. La longue enquête sur la responsabilité de la catastrophe se termine en rendant les deux capitaines des navires concernés, ainsi que les deux pilotes du port, coupables de négligence. Une commission de secours est créée le 22 janvier 1918 pour venir en aide aux victimes, elle ne sera abolie qu'en juin 1976.

(3) Félix von Luckner rentre dans sa ville natale de Halle en Allemagne. En 1933, il s’oppose ouvertement par des conférences publiques, au national socialisme. Sa tête est mise à prix. La gestapo le considère comme un traître et sa condamnation à mort est proclamée par le führer en 1939. Il s’installe alors aux États-Unis puis, en 1950 il rejoint définitivement Malmö, en Suède où il décède le 13 Avril 1966.

(4) Si Edmund Allenby et les délégations alliées rentrent à pied dans Jérusalem, c'est pour éviter d'avoir la même attitude arrogante que Guillaume II quand il était entré dans Jérusalem à cheval en 1898.

Le destroyer US Jacob Jones coulé le 6 décembre par l'UC-17

Soldats britanniques et allemands partageant une cigarette dans la boue de la Somme

Pilotes et navigants d'une escadrille britannique en France

Fantassins britanniques en Palestine

Funérailles de soldats britanniques en Italie

Magasin US pour apprentis pilotes à Issoudun

Britanniques sur les débris d'une ferme dans la Somme (photo recolorée)

Soldats allemands sur le front de la Somme

Artilleurs US en formation sur un canon de 75 français

Officiers britanniques donnant leurs vêtements à nettoyer à des lavandières italiennes

Cavaliers australiens en Palestine

L'U-155 et ses deux redoutables canons de 155 dans un port allemand (photo recolorée)

Usine de fabrication de chars Mark IV en Grande-Bretagne

Confectionneuses françaises de lunettes pour aviateurs et masques à gaz

Soldat britannique avec du gui porte-bonheur

Prisonniers français en Bulgarie (photo recolorée)

Soldats australiens du Camel corps dans le Hedjaz

Mécaniciennes d'entoilage dans une usine d'aviation (photo recolorée)

L’Écho de Barbentane de janvier et février 1918

L'Argus, le premier navire conçu spécifiquement pour être un porte-avions

Artilleurs britanniques dans la Somme (photo recolorée)

Soldats britanniques et Bédouins dans le Hedjaz

La ville canadienne d'Halifax détruite après la terrible explosion du cargo Mont-Blanc

Par manque de place sur cette page, j’ai mis en entier l’Écho de Barbentane

de janvier et février 1918 sur une feuille à part : cliquez-ici pour le consulter

Quelle folie la guerre !

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Guy