BARBENTANE

en Juin 1917

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En Norvège. Le ministre des Affaires étrangères déclare au Storting (la Chambre) que des bombes et autres engins explosifs ont été importés dans le pays par le courrier impérial allemand. Une vive protestation est adressée à Berlin, elle demande une punition exemplaire à l'encontre des responsables de ce manquement aux règles diplomatiques internationales...

En Suisse. C'est le dénouement de l'affaire Grimm-Hoffmann. Après l'accord d'Arthur Hoffmann, conseiller fédéral responsable du Département politique (ministère des Affaires étrangères), le socialiste pacifiste suisse Robert Grimm se trouve en Russie pour persuader le nouveau gouvernement russe de signer la paix avec l'Allemagne. Un des télégrammes qui informe Hoffmann de l'avancée des discussions est intercepté par le ministre français Albert Thomas alors en Russie. Ce dernier transmet ce pli au gouvernement russe, mais surtout il le rend public. Bien sûr, les Alliés critiquent alors très vivement cette entorse à la neutralité suisse et c'est un scandale d'autant plus grand que jamais Hoffmann n'avait informé le gouvernement fédéral de cette démarche. Hoffmann démissionne le 19 juin, il est remplacé par le libéral Gustave Ador, président du Comité international de la Croix-Rouge. Grimm est expulsé le même jour de Russie...

En Chine. La situation se trouble de plus en plus, les seigneurs de la guerre qui occupent le pays, ne reconnaissent pas la République. Si Li Yuanhong est toujours président de la République, c'est son Premier ministre, Duan Qirui, qui en est l'homme fort. Il est favorable à l'entrée en guerre contre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. Il autorise d'ailleurs l'envoi en Europe de plusieurs dizaines de milliers de travailleurs, mais il refuse d'envoyer ses propres troupes à l'étranger, craignant de s'en trouver affaibli par rapport aux autres seigneurs de la guerre...

La Première Armée Tchèque. Depuis le début de la guerre, de nombreux nationalistes tchèques refusent de se laisser enrôler dans l'armée austro-hongroise. Une partie d'entre eux, les Sokol (Socialistes) et les Rovnost (Égalité), combattent sous l'uniforme français dans la Légion étrangère. L'autre partie, sous l'uniforme russe, combat les armées du centre sur le front de l'est. A partir de mai 1915, l'armée russe commence à recruter des prisonniers et des déserteurs slaves de l'armée austro-hongroise, ceux originaires des territoires de Bohême, Moravie, Silésie et Slovaquie. En février 1916, elle crée le "Régiment de Fusiliers tchécoslovaques", et en mai 1916 la "Brigade des Fusiliers tchécoslovaques" avec 7 300 soldats. Les dirigeants des mouvements pour l'indépendance tchèque et slovaque, Tomáš Masaryk et Milan Štefánik, viennent alors en Russie pour aider à accroître et organiser ce corps militaire. En juin 1917, ils créent la première armée tchécoslovaque indépendante...

En Argentine. Malgré l'affirmation régulièrement répétée que l'Argentine ne veut pas se mêler à la guerre, et même si aucune perte humaine n'est à déplorer, tout le pays s'émeut quand l'Oriana est coulé le 6 juin au large de Toulon par l'U-64, puis le Toro au large de l'Espagne le 22 par l'U-39. Des manifestations se déroulent à Buenos-Aires aux cris de "Nous voulons la paix, à bas la guerre !" ou bien "Mieux vaut vivre dans la patrie que mourir à l'étranger" et encore "Nous ne sommes ni germanophiles, ni "alliadophiles", nous sommes argentins". Le gouvernement accepte les excuses de Berlin et concentre ses efforts sur un nouveau projet de conférence interaméricaine à Buenos-Aires pour permettre, sous la conduite de l'Argentine, l'instauration d'une ligne neutraliste propre au continent américain malgré l'entrée en guerre des USA...

En Haïti. Le 20 juin, le gouvernement rompt ses relations diplomatiques avec l’Allemagne...

En Arménie. Le 12 juin, dans un aide-mémoire adressé au ministre français des Affaires étrangères, Boghos Nu pacha, président de la délégation nationale arménienne, revendique la création d'un nouveau Pays : l’Arménie. Ce pays libre et indépendant, outre la partie de l'Arménie russe, comprendrait la province turque de Cilicie avec les 6 vilayets d’Erzeroum, Biltis, Van, Diarbékir, Mamouret-ul, Aziz, Sivas ainsi que les ports de Mersina et d’Alexandrette sur la Méditerranée...

Dans le Monde des Sciences, des Arts, des Lettres et du Sport. L'artiste franco-suisse reconnu, tendance nabi, Félix Vallotton, s'est engagé dans la légion étrangère à 52 ans. Malgré son âge, il est accepté, plus par prestige pour ce corps d'élite, que pour ses capacités guerrières, mais il est interdit de combat. Là, frustré de ne pouvoir batailler, il tient son journal et dessine des croquis à partir desquels il peindra, à son retour à Paris, 14 toiles d'une grande force artistique...

Le 1er juin, c'est la première exposition du peintre, dessinateur et graveur français d’origine japonaise, Foujita chez Chéron à Paris. C'est aussi un triomphe, 110 aquarelles sont exposées dans un genre mi-japonais, mi-gothique que Picasso admire. Le 7, c'est la naissance dans la ville de Steubenville (Ohio, USA) de Dino Paul Crocetti, dit Dean Martin, acteur et crooner étasunien très lié à la maffia. Il décède le 25 décembre 1995 (à 78 ans) à Beverly Hills (Californie, USA). Le 14, c'est la naissance à Nesmy (Vendée) de Gilbert Prouteau. C'est un écrivain, poète, cinéaste français et aussi athlète, puisqu'il finit second aux Championnats de France d'athlétisme en 1939. Il est médaillé olympique aux Jeux de Londres en 1948 avec une médaille de bronze dans la catégorie "poèmes". Il s'éteint à Cholet (Maine-et-Loire) le 2 août 2012. Le 30, c'est la naissance à New York d'Edythe Marrenner, plus connue sous son nom d'actrice Susan Hayward. Elle décède le 14 mars 1975 à Hollywood en Californie...

En juin, c'est la sortie sur piste goudronnée de la Golden Submarine, la première voiture de course entièrement carrossée. Elle est conçue, puis construite par Fred Offenhauser et Harry Miller pour la marque Barney Oldfield...

 

Sur les Fronts des Combats.

La Bataille de Messines. La ville d'Ypres se trouve à l'extrême sud de la Belgique non occupée par les Allemands. Si la ville est sous le contrôle de l'armée britannique, les crêtes qui l'entourent sont toutes allemandes. Dans le plat pays, même des hauteurs de 80 mètres comme la crête de Messines, de 65 mètres comme le plateau de Gheluvelt, ou encore de 50 mètres comme la crête de Passchendaele, sont des points stratégiques très importants. Depuis deux ans, les Allemands les fortifient, ce qui rend leur "enlèvement" de façon classique comme des entreprises suicidaires, quasiment vouées à l'échec...

Pour les stratèges britanniques, reprendre les crêtes, c'est se donner les moyens de conquérir facilement la plaine. Alors, depuis plus d'un an, ils y travaillent méticuleusement, comme ils ont préparé la bataille d'Arras. Pour ce faire, ils creusent des tunnels sous les lignes allemandes, travail de spécialiste, car le terrain est gorgé d'eau. Il faut aussi que de nombreuses galeries soient creusées, afin de faire exploser les lignes allemandes selon un scénario préétabli. Pour les stratèges, cela doit éviter un bain de sang, tout en assurant la réussite de l'opération. Les Allemands ne sont pas dupes, du coup les Britanniques creusent deux séries de galeries. Les unes, à moyenne profondeur, que les Allemands s'ingénient à détruire en faisant exploser des contre-mines. Mais, dans le même temps, ils creusent d'autres galeries beaucoup plus profondes, situées entre 24 et 37 mètres, dont les Allemands ignoreront l'existence jusqu'au dernier moment. Au final, les soldats du génie britannique réalisent 22 galeries sur plus de 12 kilomètres dans lesquelles ils entreposent 455 tonnes d'explosifs de forte puissance. Pour les Allemands, l'enjeu est simple, il faut tenir les crêtes. D'ailleurs, un document récupéré sur un prisonnier allemand le 1er juin et qui remonte jusqu'au général Douglas Haig, le confirme...

Après un hiver et un début de printemps détestables, le temps est devenu beau. Le terrain commence à s'assécher, ce qui le rend apte à la manœuvre des chars. L'attaque est prévue le 7 juin à 3h10 et les délais sont tenus. Entre le 1er et le 7 juin, 2 230 canons et obusiers bombardent les tranchées allemandes pour couper les fils téléphoniques, détruire les points fortifiés et contrebattre l'artillerie ennemie forte de 630 canons. Dans cette préparation minutieuse, plus de 3 millions d'obus de tous calibres sont tirés avec une précision jamais égalée. L'aviation britannique, qui reprend le dessus, ne cesse de survoler le champ de bataille. Pour éviter que les précieux avions qui règlent les tirs d'artillerie ne se fassent abattre, il y a parfois jusqu'à 4 chasseurs pour protéger un seul avion de reconnaissance. Au sol, sous la protection des tirs de barrage, des tranchées sont creusées en toute hâte, et ce au dernier moment pour masquer les points d'assauts britanniques...

Le 6 au soir, un orage éclate, faisant craindre le pire. Mais la météo ne s'est pas trompée, dès minuit le temps s'éclaircit et à 2h00 tout ce qui peut voler sans risque survole le champ de bataille afin de masquer le bruit des chars qui montent se positionner pour l'assaut. A 3h10, 19 mines explosent sous les premières lignes allemandes, dans l'ordre prévu et aux endroits adéquats, créant des trous béants qui engloutissent les défenseurs(7). Le barrage roulant d'artillerie s'anime aussitôt et des tirs spécifiques sont déclenchés sur les positions connues de l'artillerie allemande avec des obus au gaz pour gêner les artilleurs. Les 200 000 soldats entraînés pour l'attaque commencent immédiatement leur progression afin de laisser vides les tranchées de départ que les Allemands s'empressent de bombarder...

Dès 5h30, la ville de Messines est prise par une brigade australienne, mais l'essentiel de la  bataille dure 4 jours. Elle est très décousue. Les tranchées tenues par les uns ou les autres sont parfois si rapprochées que souvent les artilleurs bombardent leurs propres lignes...

Au final, la deuxième bataille de Messines de juin 1917 est un indéniable succès pour les Britanniques. Bien préparée, patiemment construite, rondement menée, elle permet aux Alliés de tenir les points hauts dans le plat pays, observatoires idéals pour les futures batailles à venir...

Les Britanniques font 7 354 prisonniers, capturent 48 canons, 218 mitrailleuses et 60 mortiers de tranchées. Par contre, les pertes dans les deux camps sont équivalentes et très lourdes, plus de 50 000 tués, blessés et portés disparus, ce qui pour une bataille très localisée est un terrible bilan. D'ailleurs, dans leurs Mémoires respectifs, Éric Ludendorff écrit que la victoire britannique a coûté cher à l'armée allemande et vidé ses réserves ; au vu des pertes, Paul Hindenburg, regrette que la crête n'ait pas été évacuée avant l'attaque, et le général-historien Hermann Kuhl considère que cette bataille est l'une des pires tragédies allemandes de la guerre...

Sur le Front Franco-Belge. Avec le beau temps, les coups de main se font plus nombreux. Mais aucune attaque d'envergure n'est signalée de part et d'autre. Comme toujours, le canon tonne, tout le temps, de la mer du Nord à la Suisse. Parfois l'activité est plus intense, comme du côté de la Moselle où pendant plusieurs jours les attaques se succèdent dans chaque camp sans avoir d'effet décisif...

Le 20 juin, dans sa directive générale n°2, Philippe Pétain insiste "sur la recherche de l'effet de surprise et de l'importance de la coopération entre l'infanterie et l'artillerie"...

Depuis la bataille du Chemin des Dames au mois d'avril, de nombreuses luttes locales se poursuivent conformément aux vœux de Pétain. A Hurtebise, près de Craonne, se trouve une série de grottes et de points fortifiés toujours occupés par où les Allemands lancent de vigoureuses attaques sur les Français. La plus célèbre de ces places fortifiées est nommée la Caverne du Dragon par les Poilus. Depuis mai, les Français contrôlent ses entrées sud vers la vallée de l'Aisne, mais les Allemands sont toujours maîtres de l'essentiel de la forteresse souterraine. Du côté français, les soldats n'ont guère le moral, il arrive même que les hommes refusent de sortir des tranchées quand ils considèrent que cela ne sert à rien. Le 25, une attaque d'envergure est montée pour reprendre la fameuse Caverne aux Allemands. Déjà, on avait essayé de les gazer, mais l'attaque avait échoué, car ils l'avaient devancée. Après une courte, mais intense préparation d’artillerie, la charge est lancée à 18h05. Pour mener l’assaut, le général Léon Gaucher fait précéder les 2 000 fantassins de soldats équipés de lance-flammes. A 21h00, malgré deux contre-attaques allemandes, la Caverne du Dragon est prise ! Les Français font 300 prisonniers, dont environ la moitié à l’intérieur de la Caverne. Les pertes totales françaises s’élèvent à 329 hommes (79 tués, 238 blessés et 12 portés disparus). Les pertes allemandes ne sont pas connues, mais elles sont notoirement plus importantes. La prise de la Caverne du Dragon n'est qu'un épiphénomène dans la guerre, mais elle est en tout point conforme aux directives de Pétain. Alors, pour redonner le moral aux Français, comme le nom de la prise s'y prête ainsi que le nombre de prisonniers, on la monte en épingle. Les journaux parisiens sont invités à faire des reportages, ils sont même autorisés à questionner des soldats qui ont participé à l'assaut et plus encore, des prisonniers, ce qui est exceptionnel. La prise de la Caverne fait les gros titres dans toute la France...

Sur le terrain, la bataille dite "des observatoires" va se poursuivre sur le Chemin des Dames jusqu'à la fin juillet...

Dans la Guerre Aérienne. Dans l'aviation de chasse, avec l'entrée en service des avions britanniques Airco DH 5, Sopwith Camel, le Royal Aircraft Factory SE 5 et surtout l'efficace chasseur français Spad S XIII, les Alliés reprennent le dessus sur les forces aériennes allemandes qui les ont tant étrillés aux batailles d'Arras et du Chemin des Dames. Du côté allemand, le nouvel Albatros D V est une déception, tout comme le Pfalz D III, pire l'exotique Fokker Dr I est lui aussi affligé des mêmes problèmes structuraux que l'Albatros(8). Les ingénieurs germaniques commencent à mettre au point des avions spécifiques pour l'appui au sol avec des mitrailleuses installées sous le fuselage. Chez les Britanniques, l'accent est mis sur des hydravions capables de repérer mais aussi d'attaquer avec efficacité les sous-marins. Chez les étasuniens, on améliore l'hydravion Curtiss de base avec l'entrée en service du nouveau modèle HS-2L au long rayon d'action. Cet hydravion, avec ses améliorations successives, remportera un vif succès, y compris lors de la sconde guerre mondiale. Chez les Alliés, les escadrilles s'équipent en modèle selon leurs besoins spécifiques. Des pilotes français pilotent des Airco de la même façon que des Britanniques se retrouvent aux manches des Spad. Toutefois, les pilotes de chasse US, après avoir essayé tous les appareils possibles, utiliseront massivement le Spad S XIII, le considérant comme le meilleur avion de chasse de l'époque malgré ses quelques inconvénients. Dans l'aviation stratégique, aucun progrès notable n'est réalisé...

Bien sûr, avec le beau temps, les raids de bombardiers alliés se poursuivent. Toutes les cibles possibles à l'arrière du front : ensembles ferroviaires, cantonnements, dépôts de munitions, concentration d'artillerie, etc... sont touchés...

Le 2 juin, l'aviateur canadien William Bishop, dit Billy Bishop, effectue une mission solo derrière les lignes allemandes. Il repère un aérodrome ennemi et détruit 7 avions au sol, puis abat encore 3 autres appareils qui décollent pour le neutraliser. Malgré son appareil criblé de balles, il parvient à regagner sa base sans une égratignure. Il est aussitôt décoré de la Victoria cross, et entre dans la légende sous le nom du "Faucon solitaire". Le 13, c'est un nouveau raid de bombardiers Gotha sur Londres, les dégâts sont importants et on relève 104 morts et 439 blessés parmi les civils. Du coup, la chasse britannique se réorganise pour faire face à cette nouvelle menace. Le 24, le frêle Georges Guynemer est promu capitaine après sa 45ème victoire...

Dans la Guerre Maritime. En juin, 433 navires alliés et neutres sont touchés par les sous-marins des Empires centraux (412 coulés, 19 endommagés et 2 prises de guerre) soit 20 bâtiments de plus qu'en mai, mais 80 de moins qu'en avril. L'arme défensive qu'est le sous-marin a ses limites, la navigation en convois lui enlève une part de sa dangerosité. Néanmoins, au regard de ces pertes, l'aide que peuvent apporter les États-Unis à l'Europe est dangereusement compromise. Si les détecteurs acoustiques du professeur français Jean Perrin commencent à être utilisés pour les avions ou les sapes, ils ne sont pas faciles à employer en mer. Il faut les traîner dans une sorte de torpille reliée au bateau par un câble, et de surcroît leur portée reste faible. L'outil prometteur qu'est le sonar (acronyme de SOund NAvigation and Ranging), création du canadien Robert William Boyle, fonctionne vraiment, mais il n'est pas encore installé sur les bateaux. Il ne reste qu'une solution aux Alliés : utiliser tous les moyens de protection en même temps. D'abord on peint tous les navires possibles avec des peintures de camouflage, des fumigènes de grande puissance sont installés sur tous les bateaux afin de les masquer en cas d'attaque au canon. Pour la navigation au grand large, on organise des convois. Ils sont lents pour les navires marchands anciens, plus rapides pour ceux qui sont récents, ou pour les paquebots reconvertis en transports de troupes. Pour la navigation côtière, là où les bateaux sont les plus nombreux, ce sont des avions qui assurent la protection. Le jour, c'est le moyen le plus efficace pour détecter et attaquer les sous-marins, et en plus, il ne gêne pas les opérations maritimes...

En juin, avec 192 navires touchés, ce sont toujours les Britanniques qui ont le plus de pertes. Les Italiens arrivent loin derrière avec 52 navires, 47 sont norvégiens ; 39 français ; 20 grecs ; 20 danois ; 19 suédois ; 12 russes ; 7 néerlandais ; 6 étasuniens ; 6 portugais ; 5 tunisiens ; 3 espagnols ; 2 uruguayens ; 2 argentins ; 1 japonais ; 1 canadien et 1 égyptien. A noter dans ce tragique tableau de pertes que les convois français sont efficaces, surtout en Méditerranée là où ils sont les plus nombreux...

Le 4 juin, le premier convoi de navires commerciaux chargés de ravitailler le Royaume-Uni quitte la côte est des États-Unis, protégé par des destroyers US. Mais dès cette époque, un différend stratégique s'installe entre les USA et les Britanniques au sujet de l'utilisation des destroyers US en mission en Europe. Les Britanniques veulent que ces navires protègent les convois de marchandises à destination de la Grande-Bretagne, alors que l'amirauté US veut les utiliser essentiellement pour protéger les transports de troupes vers la France. Pris entre deux feux, l'amiral William Sims aura les plus grandes difficultés à remplir sa mission en Europe...

Le 5 juin, des navires britanniques exécutent un raid sur Ostende en Belgique occupée, des usines sont visées. Le 7, l'UC-29 qui largue des mines au sud de l'Irlande est coulé par le Q-Ship Pargust, un bateau piège britannique, il y a 23 morts et 2 survivants. Parti de Dakar en Côte d'Ivoire le 28 mai, le paquebot français Sequana emporte 665 personnes (99 marins, 166 passagers civils et 400 tirailleurs sénégalais). Le 8 juin, à 3h00 du matin, au large de l'île d'Yeu, il rencontre l'U-72 qui, d'une torpille, blesse mortellement le grand navire. Il met 30 minutes pour couler, ce qui laisse le temps à la plupart des passagers de monter dans les 12 baleinières et 2 bateaux de pêche qui viennent rapidement le secourir. Mais les Africains ne comprennent pas le français et paniquent descendant dans les entreponts au lieu de monter sur le pont. Au total, 207 personnes périssent, dont 198 Sénégalais. Le 12, l'UC-66 qui patrouille à l'entrée de la Manche est repéré puis grenadé par le Q-Ship Sea King, le submersible explose avec ses propres mines, ses 23 marins périssent. Le 19, le sous-marin français garde-côte l'Arianes est coulé par 2 torpilles de l'UC-22 devant Bizerte au nord du cap Bon, 21 marins sont tués et les 8 rescapés sont recueillis par le torpilleur Bourrasque. Le 23, à la surprise générale, le vapeur britannique au nom de légende Mongolia(9), saute sur une mine près de Bombay en Inde dans la mer d'Arabie. Cet engin explosif a été laissé à la dérive par le raider allemand Wolf qui navigue dans l'océan Indien. Le Mongolia coule rapidement emportant avec lui 24 marins et passagers sur les 668 personnes transportées. Dans son naufrage, tout le courrier à destination de l'Inde, de la Chine et de l'Australie est définitivement perdu. Le 24, le vapeur norvégien Kong Haakon qui circule en convoi est coulé par l'UC-65 dans le golfe de Gascogne, 19 marins périssent. Le 27, le croiseur-cuirassé français Kléber qui rentre de Dakar pour sa dernière mission de guerre avant son désarmement, heurte une mine posée par l'UC-61 dans l'avant-goulet de Brest. Elle explose juste sous la ligne de flottaison, à hauteur de la chaufferie située à l'arrière. Un incendie se déclare aussitôt et gagne rapidement une soute à charbon. Le bâtiment est alors condamné car ses pompes ne peuvent plus fonctionner pour enlever l'eau qui envahit ses soutes. La canonnière l'Inconstant essaye de le remorquer pour le faire échouer, mais le navire coule avant. Sur les 568 hommes d'équipage, 42 périssent dans le naufrage. Le 30, le croiseur-auxiliaire Calédonien qui assure le service postal pour les pays du Pacifique, escorté par les destroyers Lansquenet et Thyella, heurte deux mines. Le navire se coupe en deux devant Port-Saïd où il allait utiliser le canal de Suez. L'avant disparaît en quelques minutes, mais l'arrière reste à flot 25 minutes, ce qui permet une évacuation d'une partie des 429 personnes à bord, 49 personnes disparaissent...

Sur le Front Russe. Le front est très calme, ce qui n'est pas rassurant. Les Allemands qui connaissent très bien les difficultés des armées russes, attendent tranquillement que celles-ci se dissolvent de façon naturelle pour occuper le terrain laissé à l'abandon...

Du côté russe, le ministre de la Guerre Alexandre Kerensky ne cesse de visiter les états-majors des armées en vue de lancer une offensive. Les officiers supérieurs qu'il rencontre sont tous désabusés, l'armée manque de tout, plus aucun matériel n'arrive et les soldats ne pensent qu'à rentrer à la maison...

Sur le Front Italien. Après un réel succès initial, la 10ème bataille sur l'Isonzo lancée par les Italiens se retourne contre eux. Dès le 4 juin, toutes les avancées réalisées sur le Carso sont perdues, les soldats italiens refluent vers leur base de départ. Les pertes sont importantes, 155 000 soldats italiens disparaissent des effectifs, peu de tués, beaucoup de prisonniers. Sur leur frontière, les Italiens se ressaisissent, et le 16 ils s’emparent de la puissante position de Corno-Cavento, dans le Trentin, puis du col d'Agnella, mais ils perdent le sommet de l'Oritaga...

Dans les Balkans. Le général Maurice Sarrail, qui commande toutes les forces alliées dans les Balkans, est plus préoccupé par la situation intérieure en Grèce que par celle du front. De toute façon, les forces ennemies n'ont aucune envie de lancer des attaques. Progressivement, face aux offensives alliées en France, les Allemands se sont retirés et ils ont laissé aux Bulgares la défense de la partie nord qui va de la Serbie jusqu'à la Roumanie. Les Austro-Hongrois se cantonnent eux aussi à la défensive dans la partie albanaise qu'ils occupent. Les Turcs restent tout aussi statiques sur la frontière bulgare...

Les Bulgares qui n'ont pas les moyens de lancer une offensive seuls, en occupant tous les points hauts restent dans une défensive favorisée par le terrain très montagneux. En outre, Sarrail a toujours dit qu'il ne peurrait vraiment se consacrer à la reconquête de la Serbie qu'avec l'absolue certitude que les Grecs ne lui donneraient pas un coup de poignard dans le dos. Autre facteur, et non des moindres, une grande partie des troupes métropolitaines est sur le flanc. La malaria fait des ravages, et ce n'est pas la seule maladie à laquelle doit faire face un corps médical peu nombreux et mal équipé, il y aussi la dysenterie, le scorbut et les maladies vénériennes. Près de 95% des soldats présents à Salonique seront touchés, et l'été qui arrive avec ses milliards de moustiques ne rend personne optimiste...

En Afrique de l'Est. Dans ce front oublié, les choses n'ont guère évolué depuis 6 mois, à part deux changements à la direction des troupes britanniques. En début d'année, le général sud-africain Jan Smuts a laissé la place à un de ses compatriotes, le major-général Reginald Hoskins. En mai, ce dernier est remplacé par un autre Sud-Africain, le général Jacob van Deventer. Les Allemands ne tiennent plus que le sud du pays. La troupe, presque exclusivement composée de soldats indigènes, se débrouille pour vivre sur les ressources locales. De toute façon, il est impossible à l'Allemagne de ravitailler ces guerriers totalement livrés à eux mêmes. Maintenant, la majorité des soldats britanniques sont aussi des Sud-Africains, des noirs, surtout des Zoulous, et seuls les officiers sont blancs. Malgré cela, les Britanniques ne progressent pas. Après les avoir dédaigneusement repoussés en décembre 1916, Deventer est bien obligé de faire appel aux troupes congo-belges qui se trouvent à l'ouest du lac Tanganyika pour l'aider à combattre les Allemands...

Au Moyen-Orient. Avec les grosses chaleurs, tout s'arrête momentanément...

 

Il est temps maintenant de revenir à Barbentane. Il n'y pas d'Écho en août 1917, le numéro de juillet est regroupé avec celui de septembre...

Un seul Poilu meurt pour la France en juin 1917 :

Gabriel Léon Bertrand. Il est né à Barbentane, 24 ans, garçon de café. Bien que ses parents résident à Beaucaire, il est né dans les Plaines de la Montagnette chez ses grands-parents, là où sa mère avait décidé d'accoucher. Incorporé pour son service normal le 9 octobre 1913, il est nommé caporal le 14 août 1914, puis sergent le 17 septembre 1914, et adjudant le 19 juillet 1915. Il est promu sous-lieutenant temporaire le 20 juillet 1916 au 173ème régiment d'infanterie. Nous savons peu de choses sur ce Poilu, qui de garçon de café à Saint-Etienne-du-Grès est arrivé au grade de sous-lieutenant "sorti du rang", ce qui dénote un très beau parcours personnel. Il a été cité 3 fois pour bravoure. Le 18 avril 1915 "A donné à ses hommes le plus bel exemple de sang-froid et de bravoure au cours d'un bombardement violent que subissait sa Compagnie" ; le 13 juin 1916 "Par son sang-froid et son calme a maintenu sa section dans un ordre parfait sous un bombardement violent. A dirigé le feu de sa section par dessus le parapet au cours de l'attaque du 29 mai avec un mépris absolu du danger" ; le 30 avril 1917 "Jeune sous-lieutenant d'un sang-froid remarquable. Déjà titulaire de deux citations pour sa belle conduite, dans la nuit du 9 au 10 mars au cours d'une incursion ennemie dans nos lignes a rassemblé un peloton dans un ordre parfait sous un violent tir de barrage, s'est porté brillamment à la contre attaque. A réoccupé toute notre première ligne". A 1h00, le 23 juin 1917 à Louvemont (Meuse) au nord de Verdun, il est tué lors d'un combat à la grenade en dirigeant une reconnaissance. Une première inhumation a eu lieu sur place. La déclaration officielle n'a pu se faire que le 17 juillet 1917 sur déclaration des soldats Aubert Marcel de Forges-les-Eaux (Seine Inférieure, 76) et Jean Cancarel de Millau (Aveyron). Il n'est inscrit nulle part sur nos Monuments commémoratifs. Il figure sur le Monument aux Morts de Tarascon et aussi sur celui de Saint-Etienne-du-Grès(10). Il est titulaire de la Croix de guerre et de la Légion d'Honneur. Il repose maintenant à la tombe N°1 671 de la Nécropole nationale Glorieux à Verdun.

Guy

Le Baltic arrive à Liverpool le 8 juin 1917

Réception du général Pershing à Paris avec les généraux Joffre et Dubail

Plan des dépôts d'explosifs à la bataille de Messines

Le colonel russe Oiopotchine visite une escadrille française sur le front russe

Dans l'Aisne, préparation avant l'exécution du mutin Charles Vally

Enterrement des victimes de chez Renault le 18 juin

Employées du tri de courrier dans une poste britannique

John Pershing avec les autorités britanniques à sa descente du Baltic

Transport de blessés à Messines

Tranchée britannique à la bataille de Messines

Le croiseur Kléber qui coulera à cause d'une mine au large de Brest le 27 juin 1917

Pershing passe en revue des matelots français à Boulogne-sur-Mer le 18 juin

Soldats US sur un navire qui fait route vers l'Europe

Tranchée française près de Verdun

Personnel britannique de la Croix Rouge à Londres

Soigneurs et blessés allemands quelque part en France

SPAD XIII aux couleurs US (photo récente)

Soldats allemands à l'écoute du creusement de galerie près de Messines

Soldats britanniques affublés de couvre-chefs allemands après la bataille de Messines

Juin 1917 - Dans Le Monde en Guerre

La Paix en Juin 1917. Après le rejet par les autorités françaises des dernières propositions de paix austro-hongroises, Sixte de Bourbon-Parme avait sollicité le Premier ministre britannique pour intervenir auprès du gouvernement italien. Le 1er juin, Sidney Sonnino, le ministre des Affaires étrangères italien, déclare que la rencontre bilatérale projetée est peu opportune et risque d’éveiller les susceptibilités des gouvernements russe et étasunien qui n’y sont pas conviés. Le lendemain, dans sa dernière entrevue avec Sixte de Bourbon-Parme, Lloyd George indique avec regret que l’assentiment de l’Italie reste nécessaire pour ouvrir les négociations de paix. Le 18, considérant sa mission comme terminée, le prince Sixte de Bourbon-Parme rejoint son régiment belge sur le front français...

On s'active du côté de la Belgique. Depuis janvier 1917, la veuve d'un baron belge, française de naissance et exilée au Havre, Pauline Werner de Mérode, est plus ou moins mandatée par la reine de Belgique, Élisabeth en Bavière, pour une tentative de paix. En juin, elle contacte Aristide Briand pour qu'il puisse rencontrer secrètement en Suisse le baron Allemand Fritz von der Lancken qui dirige le gouvernement de la Belgique occupée. Lancken est Thionvillois de naissance et il a l'appui du chancelier allemand Théobald von Bethmann Hollweg pour mener des négociations avec Briand. Prudent, écoutant les conseils de Raymond Poincaré, Briand pose comme préalable à de telles négociations la promesse par l'Allemagne de la restitution de l'Alsace et de la Lorraine. En réponse, les Allemands se déclarent prêts à ne céder que le minuscule territoire de Thann au sud de l'Alsace qui est en juin 1917 une des rares reconquêtes françaises sur l'Allemagne depuis 1914. Pauline de Mérode est alors diligentée par le roi Albert Ier pour préparer une nouvelle rencontre entre Briand et Von Lancken en septembre...

 

 

 

Remise de décorations dans la cour des Invalides à Paris le 7 juin

La Submarine, première voiture de course entièrement fermée (photo récente)

Ramoneuse sur les toits de Paris

Partie de l'usine Renault à Boulogne-Billancourt qui s'est effondrée le 14 juin

Territoriaux du génie qui s'activent à la réparation d'un ouvrage d'art (photo autochrome)

Pas d'Écho spécifique en août, il ne sortira qu'en septembre pour relater les évènements de juin et juillet 1917...

Galerie britannique étayée sous les lignes allemandes à Messines

Entrées des galeries britanniques à Messines

Insigne de la 1ère division d'infanterie US

Chars britanniques Mark IV avant l'assaut à Messines

Hôpital militaire installé dans un grand hôtel à Nice

Aérodrome allemand à Emerchicourt dans le département du Nord

Soldats de l'US Marines corps à l'entraînement aux États-Unis

Remorque colombophile dans les Balkans

Le peintre Foujita au travail photographié par Jean Agélou

Tranchée allemande dévastée après l'explosion d'une puissante mine à Messines

Poste allemand de premiers secours à Messines

Premiers soldats US débarqués à Saint-Nazaire le 28 juin

Avion britannique Royal Aircraft Factory SE5a

Les Mutineries. Malgré l'absence de grande bataille menée par les Poilus, ou peut-être à cause de l'accalmie guerrière, les mutineries s'amplifient au sein de l'armée française !!! Le 1er juin, des soldats français rentrent en rébellion à Villers-sur-Frère dans l'Aisne et 2 000 mutins se rassemblent devant la mairie de Ville-en-Tardenois dans la Marne. Le 2, une colonne de mutins français, forte d'environ 600 hommes, refusent de monter au front et ils s'installent dans le village de Missy-sous-Bois dans l'Aisne. Immédiatement encerclés, il faudra près de 8 jours de négociations pour qu'ils se rendent. Le 3, ce sont d'autres fantassins qui refusent obstinément de monter au front au 271ème RI. Dans tous ces régiments, aucun coup de feu n'est tiré contre les officiers, il est même noté que si les refus de la troupe sont obstinés et têtus, les échanges sont toujours corrects. Finalement, le 12 juin, après beaucoup de promesses matérielles (nourriture, vêtements) et de nombreuses explications sur le déroulement des batailles à venir, les derniers mutins se rendent. En juin, près de 390 soldats sont poursuivis en justice et sur les 27 condamnés à mort, un seul est fusillé...

Le 26, les premiers soldats russes qui refusent de retourner au front français arrivent au camp de la Courtine dans la Creuse....

En Russie, dans la forteresse de Kronstadt, sur l'île de Kotline qui sert de défense avancée à Petrograd dans le golfe de Finlande, les marins de la garnison forment une communauté "libre". Elle devient très indépendante de l'autorité centrale et tous ces mutins pratiquent la démocratie directe(1)...

Installation de l'Armée Étasunienne en Europe. Dès avril 1917, les grands stratèges alliés de la guerre réfléchissent sur le lieu où la nouvelle armée US va être positionnée pour faire la guerre sur le front français. La région Nord et la Belgique non occupées grouillent de soldats franco-belges-britanniques, toutes les infrastructures de transports sont déjà saturées, il paraît impossible d'installer à cet endroit les 4 millions de soldats que les États-Unis envisagent d'amener en France. D'autant plus que la controverse franco-US est maintenant définitivement réglée. Les soldats étasuniens se battront sous leurs propres couleurs avec leurs propres états-majors et non pas noyés dans l'armée française comme le général Joseph Joffre l'espérait. Les Vosges et le sud de l'Alsace ne sont pas retenus, car ils ne mènent stratégiquement nulle part. De plus, une montagne, même ancienne comme les Vosges, favorise toujours les défenseurs. Et passé le Rhin, ce qui n'est déjà pas chose aisée, à part d'immenses espaces boisés, le Bade-Wurtemberg n'a pas de quoi offrir des conquêtes intéressantes à une armée qui vient de si loin...

Il ne reste plus qu'un vaste intervalle entre Reims et Nancy où l'on peut "loger" la future grande armée US. Le terrain, s'il est boisé, est relativement peu montagneux. Deux grands fleuves, la Moselle et la Meuse, conduisent vers les plus grands centres industriels de l'Allemagne, dans l'ample triangle que forment Dortmund, Duisbourg, Düsseldorf, Cologne et Bonn. De plus, en débarquant de la côte Atlantique où sont situés de grands ports, il sera facile d'installer des camps d'entraînement dans le centre de la France, puis d'acheminer par des infrastructures ferroviaires déjà existantes et relativement peu encombrées, les millions de soldats US et leur ravitaillement pour les amener sur la ligne de front entre l'Argonne et la vallée de la Moselle(2)...

 

Dans le Monde Politique.

En France. Après de nombreuses grèves dans les grandes villes (Paris, Marseille, Bordeaux) qui causent de sérieux troubles, la Chambre vote son accord pour la mise en place de la semaine anglaise. En général, les chambres patronales acceptent aussi de donner des indemnités de vie chère aux ouvriers et employés. Après avoir refusé aux socialistes français leur visa pour la conférence de la Paix à Stockholm, le gouvernement leur accorde le droit de participer au congrès des Soviets à Petrograd. Le 4 juin, par 467 voix contre 52, la Chambre, suivie par le Sénat deux jours après, vote la confiance au gouvernement pour les buts de guerre ainsi libellés "La guerre sera poursuivie jusqu’à la restitution de l’Alsace-Lorraine et la juste réparation des dommages subis"...

Le 13, le général étasunien John Pershing et son état-major -53 officiers(3) et 146 soldats- débarquent du vapeur britannique Invicta à Boulogne-sur-Mer. A leur descente du navire, ils sont accueillis par le colonel Jacques Aldebert de Chambrun, descendant direct du marquis de La Fayette, et qui, à ce titre, bénéficie de la nationalité américaine. Il est accompagné de René Besnard, sous-secrétaire d’État à la Guerre. Arrivé le soir même à Paris, Pershing reçoit un accueil indescriptible. La population en liesse envahit les rues de la capitale et se presse sur le parcours du cortège qui se dirige vers la place de la Concorde. Il faut que le général US se montre au balcon de l’hôtel Crillon, sous les acclamations, pour que la foule en délire consente à se disperser...

Les établissements Renault, situés à Billancourt, près de la Seine, occupent près de 23 000 ouvriers des deux sexes. Ils s’étendent sur une grande superficie et sont composés d’une série d’immeubles, parfois anciens, souvent construits à la va-vite pour les besoins de la production. L’accident du 13 juin se produit dans le bâtiment C 64, affecté à la production des pièces détachées d’automobiles. Long de 150 mètres, construit en pierres et en briques, il repose sur des planchers en fer. Dans ce bâtiment sont situés des ateliers de coupes mécaniques, avec de grosses machines-outils, dont le poids doit nécessiter le transfert à brève échéance dans des immeubles que l’on achève. Illustration des conditions difficiles dans lesquelles travaillent les ouvriers de l’époque, le mauvais état des locaux semble normal pour bon nombre d’entre eux. Vers dix heures du matin, un boulon de charpente saute. L’alarme est aussitôt donnée et les contremaîtres ordonnent d’évacuer les ateliers. Huit cents ouvriers se retirent tranquillement, sans panique. Malheureusement, plusieurs d’entre eux estiment qu’un boulon qui saute n'est pas si tragique et ils reviennent dans le bâtiment pour reprendre leurs effets personnels ainsi que leurs provisions. Cette témérité en encourage d’autres à en faire autant, ce qui occasionne un grand va-et-vient dans les étages et les sous-sols. Soudain, un craquement sec, et les étages s’effondrent en quelques secondes sur les sous-sols, ensevelissant tous les présents. Aussitôt, tout le personnel, malgré les risques, commence à déblayer les gravats pour secourir les malheureux ensevelis. Rapidement, les pompiers arrivent sur les lieux pour prêter leur concours professionnel. Le bilan officiel est de 21 morts, dont 4 non identifiés, et soixante blessés, dont trente-quatre hospitalisés et vingt-six soignés chez eux. Quelques mois après ce dramatique accident, sortiront des usines Renault les premiers modèles du char Renault FT-17...

Le 16, dans sa photo de une, l'hebdomadaire "J'ai vu" présente "l'ouvrière de la victoire", elle tient un obus dans une main et un fusil dans l'autre. Le 17, le gouvernement profite de l'ouverture de la saison de pêche pour encourager les citoyens à la pratiquer activement pour compenser les jours sans viande. Le 24, le journal L'Excelsior présente 15 photos des nouveaux métiers féminins. On peut y voir une "débardeuse sur les quais de Bordeaux". A la Chambre, René Viviani, au nom de la mission française envoyée aux États-Unis, donne le compte rendu des réceptions et des entrevues officielles. Il fait l'éloge du grand effort qu'accomplissent les USA pour compenser leur retard en matière militaire. Albert Thomas, de retour de Russie, déclare dans les couloirs de la Chambre "La Russie se débat actuellement dans des difficultés d'ordre financier et économique, mais la situation va en s'améliorant chaque jour". Le ministre des Finances fait savoir au Sénat que les souscriptions des "Bons du Trésor" donnent une moyenne d'un milliard par mois. Ce qui est, pour lui, un indice sérieux de la confiance des Français dans la victoire des Alliés. Le 28, la commission de l'armée de la Chambre des députés dénonce "l'insuffisance des sanctions" à l'endroit des généraux Robert Nivelle et Charles Mangin à la suite de la dramatique bataille du Chemin des Dames...

Le 28, dans le port de Saint-Nazaire, c'est le débarquement des premiers soldats de la 1ère division d'infanterie américaine surnommée "The Big Red One" (Le gros 1 rouge), ce qui correspond à son insigne. Le maire, Louis Brichaux, a fait placarder un avis à la population pour lui demander de pavoiser la ville et d'acclamer chaleureusement ces nouveaux arrivants. Comme on est en France, ces soldats reçoivent immédiatement leur surnom, ce sera les "Sammies" ("les petits soldats de l'oncle Sam"). Ils ne viennent pas tout seuls, ils ont aussi avec eux une musique, le jazz, qui va révolutionner l'univers artistique de la vieille Europe ; une boisson, le café, qui remplace le vin ; et un jeu, le basket, qui va émerveiller tous les jeunes qui vont les côtoyer durant leur long entraînement dans des camps installés en France avant d'aller au feu...

En Grande-Bretagne. Malgré l'avis contraire de la Royal Navy, le Premier ministre David Lloyd George impose le principe des convois protégés et fait réquisitionner la totalité de la marine marchande britannique pour servir la guerre. Pour faire comme les Français, Lloyd George accorde des visas aux socialistes britanniques qui veulent se rendre à Petrograd, mais il décline toute responsabilité si ces délégués s'arrêtent et "causent aussi" à Stockholm...

Le 8 juin, à 8h30, le paquebot britannique Baltic, escorté pendant tout son trajet par des convoyeurs de l'US Marine, arrive à Liverpool après 11 jours de navigation depuis New York. A son bord se trouve le général John Pershing et une partie de son état-major, dont l'amiral William Sims qui est le nouveau responsable de la marine US en Europe. Dès la passerelle posée, Pershing est accueilli par le général britannique William Pitcairn Campbell, le lord-maire de Liverpool avec son conseil municipal et Walter Hines Page, l'ambassadeur des USA à Londres. Après les hymnes nationaux, en uniforme kaki, il passe en revue un détachement de fusiliers gallois qui rend les honneurs. Dès la cérémonie terminée, le général prend place dans un train spécial à destination de Londres, où il arrive à 15h30. Le lendemain, à 10h, il est reçu au palais de Buckingham par le roi George V...

A la suite de l'annonce des buts de guerre français, le ministre de l'Intérieur britannique déclare aux Communes que le gouvernement est en parfait accord avec la formulation des objectifs français. Le ministre de la Guerre annonce que la nouvelle contre-visite faite sur les exemptés devrait permettre de récupérer 120 000 hommes, dont la moitié seront affectés dans un service hors du Royaume-Uni. Le ministre des Munitions confirme l'emploi, pour les projectiles britanniques, de la cordite, explosif beaucoup plus puissant et plus facile à utiliser que la poudre noire (la cordite est en fait utilisée depuis plus d'un an, mais son emploi est resté secret jusque là)...

En Espagne. Le gouvernement enregistre les excuses de l'Allemagne relatives au torpillage du Patricio et il reçoit l'assurance que les honneurs seront rendus au drapeau espagnol à la première occasion possible. Le 2 juin, à 22h00 au large de Gibraltar des croiseurs britanniques qui chassent un sous-marin allemand bombardent par erreur, mais sans faire de victimes, des champs agricoles aux abords de la ville espagnole d'Algésiras. Cet "incident" est monté en épingle par toute la presse nationaliste et, malgré des excuses britanniques, le gouvernement étudie l'opportunité de convoquer le parlement. Dans la crise économique qui s'installe, le Premier ministre conservateur, Eduardo Dato Iradier, légalise les juntes militaires pour faire face aux menaces de grèves générales des grands syndicats (UGT et CNT) et aux revendications autonomistes des Catalans...

En Allemagne. Une campagne nationale est menée par les journaux pour demander la démission du chancelier Théobald von Bethmann Hollweg afin de le remplacer par le prince Bernhard von Bülow plus apte, selon eux, à gagner la guerre. A la conférence de la paix à Stockholm, les délégués sociaux-démocrates(4) répondent aux organisateurs hollando-suédois qu'ils s'opposent à la "désannexion" de l'Alsace et de la Lorraine. Ces deux provinces sont, selon eux, "terres allemandes" depuis la nuit des temps...

Les manifestations, désordres et incendies dans les villes manufacturières se multiplient. La population civile s'élève contre la vie chère et le manque de nourriture. La baisse continuelle du mark inquiète la presse allemande. Elle est provoquée par le fait que les États-Unis vendent à vil prix les valeurs des puissances centrales qu'ils détiennent. A la fin du mois, la ration de viande est réduite de 500 à 400 grammes par semaine suite à des difficultés de ravitaillement chez les pays neutres, eux mêmes soumis au régime sec par les États-Unis...

En Autriche-Hongrie. En Hongrie, une crise ministérielle est provoquée par le renouvellement des conventions entre l'Autriche et la Hongrie. Elles font surgir des difficultés intérieures, aggravées par un commencement de famine. De graves manifestations se déroulent à Budapest où plus de 30 000 personnes conspuent les autorités. De nombreux appels à la paix ont lieu tous les soirs à la sortie des usines...

Au Brésil. A la suite du torpillage de ses navires marchands, le pays vote une loi qui révoque sa neutralité. Cela occasionne des troubles entre la majorité du pays et les nombreux ressortissants des Empires centraux. Pour l'instant, seuls les navires marchands allemands sont retenus dans les ports...

En Albanie occupée par les Italiens. Le 5 juin, le général Giancinto Ferrero, commandant des troupes italiennes en Albanie, proclame unilatéralement l’unité et l’indépendance du pays tout entier sous la protection de Victor Emmanuel III. Les Alliés protestent auprès du gouvernement italien. En réponse, le 23, dans la ville-musée de Gjirokastra, c'est le gouvernement italien qui proclame unilatéralement l'indépendance de la partie albanaise qu'il occupe (environ le tiers sud du pays). Quelques jours après, les Italiens occupent Ioannina dans la province grecque de l'Épire. Ni la Grande-Bretagne, ni la France n'ont été consultées, et jamais ils ne donneront une reconnaissance officielle à ce protectorat...

En Italie. Devant les échecs répétés sur le front, une crise ministérielle est ouverte. Toutefois, le ministre des Affaires étrangères, Sydney Sonnino ainsi que le généralissime Luigi Cardona, tous les deux des piliers du régime, restent à leur poste…

En Grèce. Depuis le début du mois la colère gronde dans la province de Thessalie, car sur ordre du gouvernement, toute la récolte d'orge est réquisitionnée pour être expédiée à Athènes. Cela amène une disette dans cette province où la population est déjà sous-alimentée. Le 5 juin, Charles Jonnart, le haut-commissaire français chargé de "réconcilier" le pays, arrive à Athènes. Il se rend ensuite à Salonique pour examiner avec le général Maurice Sarrail la question de la Thessalie et l’éventualité d’un débarquement français au Pirée pour ramener l'ordre. Sur place, il rencontre le chef du gouvernement dissident, Elefthérios Venizélos, pour lui demander de se préparer à prendre le pouvoir. En Thessalie, la population excédée par les privations, finit par demander l'intervention des Alliés. D'autres provinces suivent le mouvement car le blocus du pays est vraiment très efficace. Fort de ce soutien populaire inespéré, Sarrail envoie des troupes à la conquête de la Thessalie par le chemin de fer de Corinthe. Larissa tombe le 11 juin, les troupes d'invasion prennent le contrôle du canal de Corinthe, et la baie de Salamine passe sous le contrôle de la marine française. Le même jour, Sarrail et Jonnart rencontrent le Premier ministre Aléxandros Zaïmis à l’hôtel de Grande-Bretagne à Athènes. Ils lui remettent un ultimatum exigeant l’abdication du roi Constantin Ier. Le lendemain, sur ordre de Sarrail, des fusiliers-marins français débarquent au Pirée, principal port d'Athènes. Alors, le roi très affaibli et n'ayant plus aucun soutien des monarchies européennes dans le camp des Alliés, sans abdiquer formellement, décide de "quitter le pays". Il désigne son deuxième fils, Alexandre tout juste âgé de 23 ans, pour lui succéder. Ce dernier prend alors le nom d'Alexandre Ier, et hérite de son père le titre de "roi des Hellènes"...

Immédiatement la famille royale fuit en secret le palais d’Athènes encerclé par une foule de loyalistes qui refusent le départ du roi, et elle va se réfugier au palais de Tatoï. Le 13, Constantin Ier, son épouse et cinq de leurs enfants quittent la Grèce par le minuscule port d'Oropos sur un navire français pour un exil en Suisse. C’est la dernière fois que la famille royale grecque est en contact avec celui qui est désormais le roi Alexandre Ier. Car, dès leur retour au pouvoir, les vénizélistes interdisent tout contact entre le nouveau souverain et ses parents. Les exilés arrivent à Lugano en Italie le 21, mais conspués par la foule, ils en repartent aussitôt pour aller s'installer temporairement dans la station alpestre de Bergun dans le canton des Grisons en Suisse...

Le 12, le schisme grec se termine, et sous la pression des Alliés, Alexandre Ier nomme Vénizélos Président du Conseil. Au même moment, les troupes alliées pénètrent en Thessalie avec pour mission de "prendre le contrôle" des récoltes. Avant de quitter le pouvoir, Zaïmis rencontre Vénizélos afin d'établir les bases sur lesquelles doit s'opérer une réconciliation entre le gouvernement de Salonique et celui d'Athènes. Le 26, après la démission officielle de Zaïmis, Vénizelos forme un nouveau gouvernement et, sans demander la permission au roi, il rappelle les représentants diplomatiques de Grèce à Vienne, Berlin, Sofia et Constantinople. Aussitôt, l'épuration commence. Des mesures autoritaires sont prises pour éviter un retour des royalistes, et les partisans de Constantin Ier sont exilés ou assignés à résidence. Ces "mises à l'écart" sont dues à l'intervention modératrice de la France qui organise elle-même les déportations vers la Corse alors que les vénizélistes auraient préféré mettre sur pied des tribunaux d'exception aux sentences définitives pour éradiquer le royalisme. Les brèves révoltes des militaires loyalistes de Lamia et de Thèbes sont rapidement matées. Venizélos fait exclure de l'Université les professeurs royalistes. Il suspend l'inamovibilité des juges pour punir ceux qui avaient persécuté ses partisans et 570 d'entre eux sont révoqués, tout comme 6 500 fonctionnaires et 2 300 officiers de l'armée. L'épuration se termine avec le limogeage de 3 000 sous-officiers et hommes de troupe de la gendarmerie, et 880 officiers de la marine militaire. Pour éviter toute rébellion à venir, Venizélos place l'armée grecque sous commandement de l'Entente et c'est le général Sarrail qui en devient le commandement en chef...

En Turquie. D'après Abram Isaac Elkus, ancien ambassadeur des USA en poste à Constantinople, qui se rapatrie avec sa famille à Paris le 8 juin, le pays connait des difficultés d'approvisionnement. Selon lui, le gouvernement se comporte généreusement envers ses ennemis, et les prisonniers de guerre sont bien traités. Malgré les difficultés du temps présent, nombreux sont les Turcs qui n'ont pas perdu les sentiments d'amitié qu'ils nourrissent envers la France. Dans le pays, des cartes de restriction ont été établies pour diverses denrées. On a installé des cuisines populaires. Les rations de pain, de sucre et de farine sont un peu réduites, car d'un approvisionnement difficile et cher. Mais les autres produits, principalement les primeurs, sont relativement abondants. On ne peut pas parler de disette, au vrai sens du mot...

Aux États-Unis. Dans une partie de la presse, une ardente campagne est menée contre la conscription et contre l'Empire britannique. Des journaux demandent au président Woodrow Wilson de publier les buts de guerre du pays. Une commission interalliée est mise en place pour déterminer les besoins de chaque pays européen. Le 8 juin, au fort Meyer à Washington et sous un soleil de plomb, le Président passe en revue les officiers qui doivent prendre prochainement le commandement des troupes US sur le front français. Après, c'est une immense parade qui dure deux heures avec 35 000 vétérans de la guerre de Sécession. Dans des uniformes aussi variés que pittoresques, portant tous les vieux drapeaux de la guerre civile, ils marchent en cortège, accompagnés par des musiques militaires et des chars symboliques. La foule, massée sur tout le parcours, après avoir longuement acclamé les survivants de l'ancienne guerre, fait un triomphe aux jeunes officiers en kaki qui terminent la parade. Le Président, entouré des membres de son cabinet, salue les drapeaux et applaudit les hommes qui défilent dans un alignement parfait...

Le Conseil de Défense nationale demande au Congrès un crédit de 3 milliards de francs pour la construction de 100 000 aéroplanes. Avec cette fabuleuse commande, les USA espèrent couvrir militairement chaque kilomètre carré du front en France et ainsi empêcher qu'un seul avion ennemi ne puisse prendre son vol. Le 15 juin, dans une loi contre l'espionnage, le Congrès vote de très lourdes sanctions pour ceux qui gêneraient les actions de guerre ou aideraient l’ennemi...

Dès le 17, à New York, un convoi de 17 navires transportant 14 750 hommes de la 1ère division d'infanterie et du 5ème régiment de Marines se met en route pour l'Europe. Il est protégé par quatre flottilles, chacune composée de six destroyers, qui se relaient pour l'escorter. Et c'est sans encombre qu'ils arrivent en vue des côtes françaises le 25 juin(5). Le convoi se met alors sous la protection des avions de l'aéronavale française. Pershing décide que ce premier débarquement se fasse à Saint-Nazaire, car son port offre une grande capacité d'hébergement, un excellent équipement et possède énormément de places disponibles. En outre, il est très bien relié aux grandes lignes ferroviaires de l'ouest, mieux que Brest ou même Bordeaux. Plus tard, en plus de Saint-Nazaire, les ports de Bordeaux, La Rochelle, Brest et Le Havre serviront aussi de bases de débarquement. Tout aussi importants que les ports, il faut installer rapidement des camps où ces nouveaux venus doivent apprendre les métiers de la guerre. Pour l'instant c'est le vide complet et il ne faudra que 3 mois aux soldats du génie US, ce qui est quand même un beau tour de force, pour installer toutes les infrastructures nécessaires pour recevoir près de 2 millions d'hommes...

Le 23, le gouvernement termine avec succès la première de ses trois campagnes de financement de la guerre en faisant appel à l'épargne des citoyens. Au total, plus de 20 milliards de dollars seront ainsi récoltés entre 1917 et 1919. Par mesure de précaution, Wilson use des pouvoirs exceptionnels que le Congrès lui a conférés pour mettre un quota strict sur les exportations de vivres envers les pays neutres européens. Ils ne peuvent recevoir plus que ce dont la population a besoin, même parfois moins. Des mesures sont prises pour que 6 millions de tonnes de houille supplémentaires soient extraites en 1917 et expédiées sur la côte atlantique pour alimenter sans risque de pénurie les chaudières des bateaux à vapeur. Les compagnies de chemins de fer prennent de nouvelles dispositions. De nombreux trains de voyageurs peu remplis sont supprimés afin de libérer des locomotives et permettre aux trains de marchandises de circuler en plus grand nombre...

Au Canada. Afin de se garantir un vote favorable pour la future élection sur la conscription, le gouvernement fédéral modifie la loi électorale. Le droit de vote est refusé aux objecteurs de conscience ainsi qu'aux naturalisés depuis 1902 nés dans des pays ennemis. Mais il est accordé aux épouses de militaire, aux femmes militaires ou assimilées (infirmières en poste dans les hôpitaux militaires) et aux soldats en guerre à l'étranger. De plus, les votes des soldats à l'étranger pourront être "reportés" dans la province de leur choix. Ces changements, pour le moins antidémocratiques, font hurler tous les francophones et les anti-conscriptions…

En Russie. Le pays s'enfonce dans la crise, les agitations sont permanentes. Le ministre du Commerce, Alexandre Konovalov, démissionne sous prétexte de l'imminence d'une crise industrielle et de l'absence de discipline dans le contrôle des entreprises. Pour lui, cela va permettre la création d'un gouvernement socialiste homogène et responsable. L'ambassadeur de Russie en France, Alexandre Izvolski, un des plus chauds partisans de l'alliance franco-russe, démissionne à son tour(6). Le ministre de la Guerre, Alexander Kerensky, continue ses visites sur tous les fronts russes pour rétablir la discipline et préconiser une offensive dans les plus brefs délais, mais ses tournées ne provoquent pas l'enthousiasme espéré. A Cronstadt, le délégué du "Comité des ouvriers et soldats" tient en échec le délégué du gouvernement provisoire. Plusieurs provinces, comme la Finlande, l'Estonie, l'Ukraine, la Lituanie, s'agitent pour obtenir leur autonomie. Le général Vassili Gourko, commandant sur le front ouest, démissionne à son tour...

Le premier congrès des Soviets s'ouvre le 3 juin. Les socialistes français, britanniques et belges sont fraîchement accueillis par les socialistes russes qui adhèrent au programme de la Conférence internationale de Stockholm pour la paix immédiate. Face aux socialistes conciliateurs (socialistes-radicaux et menchéviks) qui refusent le pouvoir aux Soviets et veulent continuer de collaborer avec la bourgeoisie, Lénine proclame que les bolchéviks sont prêts à gouverner tout seuls. Les dirigeants socialistes ne le prennent pas au sérieux et éclatent de rire. A ce moment-là, les bolchéviks n’ont qu'une centaine de délégués sur les 800 participants. Par ailleurs, le congrès vote à l'unanimité (le seul vote unanime) un appel aux soviets locaux pour leur demander "la plus grande vigilance face à l'activité des agitateurs antisémites, à une action incessante, à un travail constant d'explication parmi les masses populaires les plus larges afin de combattre les campagnes antisémites". Le Conseil des ouvriers et soldats souhaite que tous les partis qui se réclament du socialisme se réunissent dans une conférence internationale pour y exposer leur point de vue. Pendant ce temps, Kerensky fait les plus grands efforts pour que l'armée reprenne l'offensive et milite pour que les déserteurs soient sévèrement punis. Il est soutenu et assisté dans cette démarche par les organisations des Cadets et des Octobristes. Ces derniers font des tournées de propagande dans les principales villes, notamment à Kharkhof, Ekaterinoslaf, Kief et Odessa, en vue d'organiser les éléments libéraux pour lutter contre l'anarchie…

Le 13, en recevant Albert Thomas, le nouveau ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Terechtchenko propose la réunion des représentants de l’Entente en vue de réviser les buts de guerre des Alliés...

A partir du 13, débutent "les journées de juin". Il s'agit d'une série de manifestations contre la participation du pays à la guerre. Le 23, à la fin du Congrès des soviets, des rumeurs laissent entendre qu'un complot aurait été découvert. Il serait le fait d'extrémistes, à la solde de l'Allemagne, qui tenteraient de renverser le gouvernement provisoire afin de le remplacer par un gouvernement anarchiste, et de rappeler les soldats au front. C'est le début d'une série de complots, le plus souvent imaginaires, qui se poursuivra jusqu'au début de la seconde guerre mondiale. Ils servent surtout à épurer le pays de bon nombre d'opposants en tous genres...

Le 23, la Rada (assemblée) ukrainienne proclame son autonomie. Le 25, la Douma et le Conseil d’Empire sont dissous après la décision du Conseil général des Soviets. Le 29, à Kiev, est annoncée par les activistes séparatistes Volodymyr Vynnytchenko et Simon Petlioura, la République autonome d’Ukraine…

Au Japon. Le gouvernement s'inquiète de la future politique des États-Unis, maintenant en guerre, au sujet des îles qu'il occupe "à titre temporaire" dans le Pacifique. Il est tout autant préoccupé par les intérêts des USA, plus ou moins concurrents aux siens, en Chine...

L'as canadien William Avery dit Billy Bishop

Migrants japonais en route pour le Brésil apprenant des rudiments de portugais

(1) En mai 1917, Léon Trotski cite les marins de Kronstadt "comme la valeur et la gloire de la Russie révolutionnaire". En mars 1921, pendant la guerre civile russe, les soldats et ouvriers de la forteresse de Kronstadt seront la dernière grande force d'opposition au communisme de guerre installé par les bolchevicks.

(2) Il est à noter que la même réflexion sur où placer les grandes armées d'invasion en France en juin 1944, conduira les stratèges de l'époque à la même réponse. Au nord, les armées britanniques par proximité avec la Grande-Bretagne, et au sud les armées US qui arrivent directement des USA. Même les plages normandes du débarquement seront attribuées avec ces critères. Les deux plages à l'ouest : Utah et Omaha pour les Étasuniens, les trois plages à l'est : Gold, Juno et Sword pour les Britanniques. D'ailleurs, en avril 1944, quand le président des USA Franklin Roosevelt est informé de cette disposition, il veut faire changer les plans. Il faudra que Winston Churchill et les généraux US George Marshall et Dwight Eisenhower se coalisent pour lui faire abandonner l'idée, car il était déjà bien trop tard pour modifier quoi que ce soit au déroulement du débarquement en Normandie...

(3) En juin 1917, seuls les délégués sociaux-démocrates allemands ont reçu leur visa pour aller en Suède à la conférence des socialistes pacifistes. Les socialistes allemands, farouchement antimilitaristes, sont soit en prison, soit assignés à résidence.

(4) Parmi tous les officiers US qui débarquent en Europe avec John Pershing, trois au moins vont avoir une brillante carrière. Le colonel Douglas Macarthur, chef d'état-major de la 42ème division d'infanterie ; le commandant George Marshall, le meilleur tacticien de l'armée US, et le capitaine George Patton qui se retrouve rapidement à la tête de l'école de chars de l'armée US en France. Malgré de nombreuses demandes, jamais le capitaine Dwight David Eisenhower (dit Ike) ne viendra en Europe durant ce conflit, il reste comme instructeur aux USA.

(5) L'organisation du transport des soldats et du matériel US vers l'Europe sera une grande réussite. Sous les ordres de l'amiral Albert Gleaves, la "Cruiser and Transport Force" est constituée. Elle comprend 24 croiseurs avec 42 transports de troupes et elle est servie par 42 000 marins et 3 000 officiers. La totalité de la flotte qui traverse l'Atlantique pour l'armée US est constituée de 143 vaisseaux dont une part non négligeable a été saisie aux Empires centraux. Elle transportera 911 000 soldats US en France (un million d’autres le sont par la Marine britannique qui a de nombreux paquebots) ainsi que 8 700 000 tonnes de matériel avant la fin du conflit. L'organisation est si efficace qu'aucun navire US et britannique chargé de troupes n'est coulé, seuls quatre seront torpillés sur le chemin de retour, ce qui cause la perte de 300 marins. Le paradoxe, c'est que le navire qui en 10 traversées aura transporté le plus de troupes, avec une moyenne de 10 860 soldats par voyage, est un ex-paquebot transatlantique allemand le Vaterland réquisitionné et renommé en mai 1917 Leviathan.

(6) L'ambassadeur russe en France, Alexandre Petrovitch Izvolski, est un provocateur de longue date. Il est accusé d'avoir largement subventionné les journaux nationalistes français mais sans que rien n'ait été formellement prouvé. Il est tout autant soupçonné d'avoir manipulé Raoul Villain, l'assassin de Jean Jaurès. Lorsque la Première Guerre mondiale est déclarée, il dit joyeusement et en public "C'est ma guerre".

(7) Comme toujours, tout ne fonctionne pas comme prévu. Fin juin, sur les 24 dépôts d'explosifs souterrains placés à Messines, 5 n'ont pas été volontairement mis à feu. Une charge a été sciemment noyée par les Britanniques car elle avait été découverte, 4 autres étaient réservées pour plus tard. Or ce "plus tard" n'est jamais arrivé. Le 17 juillet 1955, lors d’un orage, la foudre s’abat sur un pylône et provoque l’explosion de l’un de ces dépôts au chemin des Loups à Warneton, creusant un immense cratère. Les 4 autres dépôts sont toujours en place, prêts à exploser, mais plus personne n'ose y toucher...

(8) Tous les avions chasseurs, qu'ils soient britanniques, français ou allemands, mis en service au printemps 1917 ont la particularité d'être très difficiles à piloter. Idéals pour les pilotes chevronnés, ils se révèlent très "casse-gueule" pour les pilotes débutants. D'ailleurs, une blague toute british court chez les pilotes de sa Gracieuse Majesté, disant que si un nouveau pilote ne se crashe pas avec son Sopwith Camel durant sa formation, il ne peut que finir avec la Victoria Cross. Au printemps 1917, il y a eu autant d'avions perdus par accident qu'abattus par l'ennemi, c'est dire combien l'art du pilotage devient un métier de professionnel.

(9) Le Mongolia, c'est aussi le nom du bateau à vapeur qu'empruntent le gentleman anglais Phileas Fogg et son serviteur français Jean Passepartout pour faire le trajet de Suez à Bombay dans le roman de Jules Verne Le Tour du Monde en 80 jours publié en 1872.

(10) En 1917, Saint-Etienne-du-Grès fait partie de la commune de Tarascon. Il ne deviendra village autonome que le 12 avril 1935.

Quelle folie la guerre !

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Guy

Pas d'Écho spécifique en août, il ne sortira qu'en septembre

pour relater les évènements de juin et juillet 1917...

Femmes françaises aux durs travaux des champs (photo autochrome)

Le général John Pershing et son état-major sur le Baltic en route vers l'Europe

Diversité des soldats alliés faits prisonniers par les Allemands en France