BARBENTANE

en novembre 1916

Documents annexes

à télécharger

au format PDF

Dans la journée du 3, tous les régiments à l'ouest de Vaux se précipitent pour investir le fort, reprendre le village et les grandes tranchées alentour. C'est presque une victoire facile...

Le 4 au matin, la bataille de Verdun change. Maintenant, sur toute la partie sud du front de la rive droite, les Français surplombent les positions allemandes. Acculés pendant plus de six mois dans des emplacements inférieurs, ils sont maintenant les maîtres des sommets. Pire, en moins de 10 jours, les Allemands ont perdu la presque totalité de l'espace acquis depuis plus de 6 mois au prix de milliers de vies humaines...

Dans l'immense champ de bataille de Verdun, sur toutes les lignes du front, hormis le secteur de Vaux et de Douaumont, les sonneries de la victoire n'ont pas soufflé. Les soldats français et allemands s'entretuent toujours avec beaucoup de vigueur pour des résultats insignifiants. En plus, comme dans la Somme, les conditions météo se dégradent. La boue, la neige, le froid s'installent. Malgré la reprise des grands forts de la rive droite, Verdun c'est toujours l'enfer...

Mais le commandement Français veut poursuivre ses conquêtes et reprendre absolument toute la partie nord de la rive droite. Pour lui, l'idéal serait que la nouvelle ligne de front parte de Vacherauville sur la Meuse pour aboutir à Bezonvaux en passant par la Côte-du-poivre, Louvremont, le bois des Caurettes et celui de La Vauche. Instruit par l'expérience, Charles Mangin sait qu'il ne faut pas se presser. Comme en septembre, il prend son temps en organisant minutieusement le prochain assaut, d'autant plus que les conditions météo ne sont pas favorables. Alors, il retire du front toutes les troupes en surnombre pour les porter au repos à l'arrière. Cependant, l'état du terrain déjà pitoyable en septembre, est loin de s'être amélioré en raison des pluies abondantes d'octobre et de début novembre. C'est toujours dans des conditions de travail exécrables, dans une boue gorgée de cadavres, que les sapeurs empierrent 30 kilomètres de routes et de chemins. Ils construisent 10 kilomètres de voies étroites, réaménagent des positions de batterie près des nouvelles lignes de combat puis acheminent les batteries avec leurs munitions. Les boyaux et tranchées sont approfondis et fortifiés. De nouveaux postes de commandement sont installés, tous reliés téléphoniquement par plusieurs lignes. Les forts de Douaumont et de Vaux, malgré leur délabrement, redeviennent des lieux de stockage pour les munitions et, pour éviter les malheurs de juin, ils sont copieusement réapprovisionnés en eau et en vivres. Les services sanitaires reprennent possession des meilleures casemates pour les futurs blessés. L'attaque finale est prévue pour début décembre...

Sur les autres Fronts en France. Le mauvais temps qui s'accentue fige tout le monde dans les Vosges. Pour de longs mois, plus rien n'est envisageable de Pont-à-Mousson, au nord de Nancy, jusqu'à Mulhouse. Dans la Marne, comme dans l'Artois, les activités d'artillerie se poursuivent en dépit des conditions météo, mais elles n'aboutissent à rien si ce n'est à gaspiller de la poudre et de l'acier...

Dans la Guerre Aérienne. Malgré les bombardements de nuit, l'automne avec ses jours courts n'est pas propice à l'utilisation de l'arme aérienne. En plus, les conditions météo détestables du mois n'arrangent rien. Un autre facteur joue en sa défaveur, le vent sur des avions encore fragiles est redoutable, il est donc très redouté. A part les reconnaissances aériennes, les missions de bombardements alliées se raréfient. Le 14, une escadrille austro-hongroise bombarde Padoue et fait 60 victimes. Le 17, le capitaine Louis-Robert de Beauchamp décolle de Mulhouse à 8h00 du matin, vers 12h00 il bombarde la gare de Munich en représailles des bombardements allemands sur la ville d'Amiens. Il se pose ensuite en Italie, à 20 kilomètres au nord de Venise, après avoir franchi les Alpes dans la région d'Innsbruck. Il est cité à l’ordre de l’armée pour cet exploit. Le 19, par une rare journée de beau temps, les aviateurs français lancent des missions de bombardements sur des terrains d'aviation allemands. Golancourt dans l'Oise et Grisolles dans l'Aisne sont sévèrement touchés. Le même jour, 22 hydravions britanniques bombardent les usines électriques et les ateliers de la marine à Ostende. Un autre bombardement est effectué par des hydravions sur le môle de Zeebrugge. Le 22, c'est l'aviation belge qui se lance dans la bataille, elle bombarde le champ d'aviation de Gistelles et tous les cantonnements à proximité des pistes. Le 23, au-dessus Ligny-Thilloy dans le Pas-de-Calais, l'as britannique de 26 ans, le major Lanoe Hawker, celui qui abattait les avions ennemis avec un fusil de chasse accroché à son fuselage au début de la guerre, est descendu par Manfred von Richthofen qui n'est pas encore célèbre. Les 23 et 24, les Britanniques attaquent une nouvelle fois la base maritime de Zeebrugge d'où partent les U-boote. Le 27, pour la première fois, un raid d'hydravions allemands est mené sur Londres, les dégâts sont minimes, mais il y a des morts et des blessés. Le 29, plusieurs zeppelins attaquent Londres, deux sont abattus...

Le 15, en France, le volontaire américain Eugène Bullard est le premier homme de couleur à être admis dans l'aviation française. A lui tout seul, c'est déjà une légende, car à 8 ans, en butte aux préjugés raciaux en vigueur aux USA, il rêvait de venir en France vu que son père lui avait dit "En France, un homme est jugé par son mérite et non pas par la couleur de sa peau". Après bien des péripéties, il s'engage dans la Légion étrangère à l'âge de 19 ans en trichant sur son âge. C'est un compagnon d'armes du peintre polonais Moïse Kisling et de l'écrivain suisse Blaise Cendrars. Il fait toutes les campagnes de France jusqu'à sa grave blessure à la cuisse à Verdun le 5 mars 1916. Inapte pour l'infanterie, il demande à servir dans l'aviation. Après un stage de mitrailleur à Cazaux en Gironde, il obtient d'être nommé élève-pilote en novembre 1916(4)...

Le 21, c'est premier vol du Breguet XIV. C'est un biplan français, presque entièrement métallique qui se présente sous deux versions : reconnaissance et bombardier moyen. Très rapide avec ses 185 km/h, il peut emporter 300 kg de bombes sous les ailes dans sa version bombardier. Il est armé de trois mitrailleuses, une vers l'avant actionnée par le pilote et qui tire à travers l'hélice, les deux autres sont montées sur un affût pivotant à l'arrière et elles sont actionnées par un mitrailleur faisant office d'opérateur de bombardement ou de photographe selon la version. L'armée française va en commander 250 qui commenceront leur carrière militaire au printemps 1917. Décliné sous différentes versions, il est resté surtout célèbre pour avoir participé à l'épopée de l'Aéropostale aux mains de pilotes comme Jean Mermoz, Didier Daurat, Antoine de Saint-Exupéry et Henry Guillaumet...

Dans la Guerre Maritime. Les tempêtes d'automne ralentissent tous les trafics, mais cela n'empêche pas les sous-marins allemands de poursuivre leur travail de destruction sur les flottes marchandes. De 37 navires coulés en janvier 1916, on est passé à 204 en octobre, puis 214 en novembre. Et ce chiffre sera encore doublé quelques mois plus tard, c'est dire la puissance militaire que viennent d'acquérir ces 'petits' bateaux de guerre par rapport aux grandes unités de haut bord qui, pour l'instant, ne servent plus à rien, même pas à défendre la flotte marchande des sous-marins. Certes, la majorité des navires coulés sont de petites unités, des steamers qui fonctionnent toujours à la vapeur et qui sont toujours munis de grandes voiles. Il n'empêche, ils font eux aussi un énorme travail, surtout dans la Méditerranée où les armées alliées ne peuvent absolument pas compter sur les possibilités industrielles des pays où elles sont installées vu qu'il n'y en a pas. Il faut donc tout transporter, y compris la nourriture et même parfois l'eau...

En novembre et décembre 1916, les chantiers navals allemands mettent à l'eau près de 30 sous-marins, des modernes, capables de 'travailler' dans l'Atlantique, là où, pour l'instant, la navigation est plus ou moins épargnée par ces dangereux submersibles. Bien que les chiffres réels soient presque impossibles à trouver, tout laisse à penser qu'en novembre une cinquantaine d'unités sont actives en même temps pour l'ensemble des mers européennes, dont près de 20 pour la seule Méditerranée. Dans moins de 5 mois, les effectifs de submersibles auront doublé et les pertes maritimes alliées vont prendre des proportions très inquiétantes…

Le 4, le célèbre sous-marin U-20 qui est responsable du torpillage du Lusitania s'échoue sur les côtes danoises. Son équipage le fait exploser quelques temps après. Durant son service actif, il a coulé 36 bateaux. Le kiosque ainsi qu'une partie de la coque est visible aujourd'hui au musée d'histoire militaire de Vienne, en Autriche. Le 8, le paquebot postal britannique Arabia avec 437 passagers à bord dont 169 femmes et enfants, est torpillé sans sommation au large de la Sicile par l'UB-43. Par chance aucun des passagers ne se noie, mais deux marins sont tués dans l'explosion. Le 10, dans la mer Baltique, deux torpilleurs allemands, le V75 et le S57, qui poursuivent des navires russes, sont attirés dans un champ de mine où ils explosent. Le 14, le paquebot français de 12 000 tonnes Burdigala saute sur une mine déposée par l'U-73 au large de la Grèce, naufrage qui ne fera qu'une seule victime. Le 15, le croiseur britannique Newcastle heurte une mine en mer du Nord, elle cause peu de dégâts et il peut continuer sa route. Le même jour, dans la mer Blanche à Bakaritza, près d’Arkhangel, le vapeur russe Baron-Driesen explose à quai. L'explosion met à mal de nombreux autres navires qui le jouxtent et cause de sérieux dégâts dans les baraquements du port qui grouillent de dockers. Le bilan s'élève à 314 morts, le nombre des blessés est de 49 officiers et fonctionnaires, 437 soldats, 131 habitants dont 25 femmes. Parmi les équipages des navires marchands britanniques 27 hommes sont tués, 25 autres blessés...

Au matin du 21, aux alentours de 8h12, le navire-hôpital britannique Britannic se dirige sans blessés vers Salonique. C'est le frère jumeau du Titanic, et il est victime de l'explosion d'une mine déposée par l'U-73 entre l'île de Kéa et l'îlot de Makronissos dans la mer Égée. Au moment du choc, une grande partie du personnel se trouve dans les salles à manger pour le petit-déjeuner. A l'inverse du Titanic, la prise de conscience de la situation est immédiate, toutefois le commandant pense pouvoir sauver son grand bateau en le faisant échouer sur l'île de Kéa. Mais la situation empire et, finalement, l'ordre d'abandonner le navire est donné. De nombreux navires croisent dans les parages et entendent le SOS du Britannic, les rescapés sont vite secourus, d'autant plus que les eaux grecques sont moins glaciales que celles de l'Atlantique nord. Sur les 1 125 personnes présentes à bord, 30 périssent et 45 sont blessées. Le commandant sera le dernier à quitter le navire qui sombre aux alentours de 9h10(5). Le 23, un autre navire-hôpital britannique, le Braemar-Castle, qui va de Salonique à Malte avec à son bord de nombreux blessés, explose lui aussi sur une mine laissée par l'U-73. A part 4 soutiers qui périssent dans l'explosion, blessés, personnel sanitaire et équipage sont sauvés. Ces deux naufrages, dont les causes ne sont pas bien établies en novembre 1916 -on pense plus à des torpillages qu'à des mines- mettent la presse britannique en grand émoi. Les Allemands sont une nouvelle fois accusés de barbarie, car ils visent sciemment les navires-hôpitaux pourtant très largement et abondamment signalés comme tels. De leur côté, les forces des Empires centraux répliquent en accusant ces navires de transporter, en sus des blessés, du matériel de guerre ou des troupes fraîches, donc ils ne sont plus "tout à fait neutres" dans le sens des lois de la guerre. Il n'empêche, l'amirauté française s'émeut de ces naufrages et décide de ne plus faire voyager seuls ses navires hôpitaux mais toujours accompagnés par des unités de combat. La possibilité de naviguer en convois pour se protéger commence à germer, mais personne n'y est favorable. Les armateurs sont farouchement contre, car un convoi est obligé de naviguer à faible vitesse pour que tous les navires soient protégés, ce qui restreint leurs rotations. Et les marins militaires, le sont tout autant car, dans leurs unités forcément plus légères puisque taillées pour la vitesse, ils sont ballotés comme des fétus de paille à faible vitesse quand la mer se déchaîne...

Gravement touché aux Dardanelles le 18 mars 1915, réparé sommairement à Malte, le cuirassé français Suffren fait route tout seul, et à vitesse très réduite, vers Lorient pour y poursuivre ses réparations. Le 26, il est attaqué par l'U-52, une torpille atteint les moteurs et il coule en quelques secondes avec tous les 648 membres de son équipage. Le 27, le paquebot français Karnak de 6 800 tonnes est torpillé par l'U-32 au large de Malte, l'équipage est récupéré par le vapeur Letitia qui s’est porté à son secours mais 15 marins périssent. Le 26, le vapeur US Chemung qui vient de New York et se dirige vers Gênes est coulé par l'U-38 dans la Méditerranée au large de l'Espagne à l'est de Gibraltar, tout son équipage est récupéré puis débarqué deux jours plus tard à Valence par le navire espagnol Le Giner...

Durant tout le mois, la Hollande, la Norvège, le Danemark et la Suède ne cessent d'envoyer des notes à Berlin sur la tenue des U-Boote dans leurs eaux territoriales. On a même vu un U-Boot arraisonner un chalutier hollandais pour l'obliger à aller vendre ses prises de pêche sur le port allemand de Cuxhaven...

Le 30, dans l'amirauté britannique, l'amiral David Beatty est promu commandant en chef de la Grand Fleet en remplacement de l'amiral John Jellicoe. Ce dernier est alors promu First Sea Lord, avec pour tâche l'organisation des transports maritimes alliés par convois...

Sur le Front Italien. Depuis le 31 octobre, une nouvelle bataille, la neuvième, se déroule sur le front de l'Isonzo. Comme toujours, les Italiens choisissent d'attaquer autour de Gorizia. Le général Luigi Cardona, aussi optimiste que Joffre, pense que le renouvellement des assauts va lui permettre de déboucher tôt ou tard. De toute façon, il ne peut rien faire d'autre, les Alpes austro-italiennes sont devenues un front glacé impropre à toute bataille, à part les sempiternels duels d'artillerie qui ne servent strictement à rien. Mais ce n'est pas pour autant qu'il met plus de moyens, ou de nouveauté tactique, dans cette nouvelle bataille. Les Austro-Hongrois dans leurs bunkers bétonnés qui dominent toute la plaine du fleuve, sont quasi indélogeables. Là, comme dans la Somme, le mauvais temps, le brouillard et le froid viennent en plus rendre cette offensive totalement inefficace. Les pertes sont quand même conséquentes, 28 000 morts du côté italien pour quelques milliers de prisonniers austro-hongrois, 6 canons lourds et 1 000 mètres de terrain conquis. Le 4, Cardona arrête les combats, on enterre les morts et tout le monde se terre du mieux qu'il peut pour essayer de survivre pendant l'hiver qui s'annonce très rigoureux, même au bord de la mer Adriatique...

Sur le Front Russe. C'est la pleine saison de la boue, la raspoutitsa où tout se fige et s'enlise. Comme en Europe occidentale, le climat se dégrade très rapidement, et l'hiver s'installe encore plus tôt qu'habituellement dans l'immense Empire tsariste qui se couvre rapidement d'un manteau blanc immaculé. Mais plus encore que sur les champs de bataille, la guerre se mène dans les têtes. Sur les deux mille kilomètres de front qui séparent Riga sur la mer Baltique à Constantza sur la mer Noire, tous les soldats russes qui n'ont d'autre chose à faire qu'à se protéger pour survivre au froid, lisent ou plutôt se font lire, les pamphlets des progressistes qui circulent presque ouvertement. Malgré l'abolition de l'esclavage depuis 50 ans, le peuple russe est toujours composé de près de 80%, de moujiks. Ce sont des serfs, à peine moins inféodés que leurs homologues européens du Moyen Âge. On meurt toujours de faim et de froid dans les campagnes et les cités ouvrières, alors que des millions s'évaporent dans une guerre qui ne promet même pas des lendemains qui chantent. Bien au contraire, l'avenir sera encore pire que le passé, tout le peuple le pressent et il sait d'instinct que c'est lui qui va payer. Alors, une immense prise de conscience de la situation, favorisée par les conditions de regroupement qu'impose la guerre, est en train de naître chez les travailleurs, mais aussi chez les moujiks, elle aura des conséquences incalculables...

Sur les Fronts Roumains. Les troupes roumaines, pourtant renforcées progressivement par des soldats russes, cèdent de toutes parts. Au nord-ouest, le nouveau général austro-hongrois, Arthur Arz von Straußenburg se fait remarquer, car malgré de maigres troupes face à des Russo-Roumains qui lui sont bien supérieurs en nombre, il parvient à franchir les Carpates pour se diriger vers la grande ville de Suceava. Dans l'antinomie germano-austro-hongroise, ce succès lui vaut l'estime des officiers allemands, ce qui est exceptionnel, et le nouvel empereur, Charles Ier d'Autriche, le fait venir en son palais pour s'entretenir avec lui. Au sud-ouest, le général allemand Erich von Falkenhayn avec ses troupes germano-austro-hongroises franchit assez facilement les Alpes Transylvaniennes par les vallées de l'Olt et du Jiu. La grande ville industrielle de Craiova, où se concentre la moitié des industries roumaines, est conquise le 21. Maintenant, par un vaste mouvement en pince, ces deux généraux entrevoient la possibilité de capturer dans leur totalité toutes les troupes russo-roumaines qui sont dans l'ouest du pays. Le 16, pour éviter ce sort funeste, ordre est donné à toutes les armées roumaines de se replier vers un réduit national au nord du pays...

Au sud, le maréchal allemand August von Mackensen à la tête de troupes germano-bulgares, franchit le large Danube sur 4 ponts de campagne et envahit toute la Valachie. Le 26, les envahisseurs venus de l'ouest et ceux venus du sud se rejoignent. Le sort du pays et de sa capitale, Bucarest, paraît scellé...

Contre toute attente, la situation militaire des russo-roumains se rétablit dans le Dobroudja où le nouveau général russe, Vladimir Sakharov, vient de reprendre en main le fort contingent de soldats du tsar. Le 10, avec l'aide d'une flottille russo-roumaine, il reprend la ville d'Hirsova sur le Danube aux turco-bulgares, et ces derniers l'incendient avant de s'enfuir. Le 12, il reprend le village de Topol mais ne peut poursuivre du fait de l'effondrement général de l'armée roumaine sur son flanc ouest et il est obligé de reculer derrière le delta du grand fleuve...

Dans les Balkans. En ce mois de novembre, l'essentiel des combats va se dérouler à la pointe nord-ouest du front, sur le territoire serbe. Après un premier recul dans la boucle de la Cerna avec une perte de 3 000 prisonniers, les troupes germano-bulgares se replient précipitamment. Le 2, les troupes franco-russo-serbes atteignent Iaratok, près de la ville serbe de Monastir. Petit à petit elles grignotent du terrain dans des conditions climatiques pas faciles. Enfin, le 19, cavalerie en tête, suivie par l'infanterie, elles entrent sans combattre dans la ville de Monastir abandonnée par les germano-bulgares, mais c'est une victoire inutile. Dominée par l'artillerie ennemie installée dans le massif du Pelister à l'ouest et celle installée sur la cote 1248 au nord, la ville est quotidiennement bombardée. A la fin de la guerre ce ne sera plus qu'un champ de ruines. Malgré des combats qui se poursuivent et l'arrivée de troupes italiennes, on ne note plus aucune avancée significative dans les austères montagnes serbes...

Le 17, le colonel Henri Descoins, avec de maigres troupes françaises, s'installe à Koritza (maintenant Korçë en Albanie). C'est un morceau de territoire albanais au sud-est du pays, très isolé par une ceinture de montagnes, sur lequel l'administration royale grecque a autorité depuis 1913. C'est aussi une région très instable, fortement albanophone et anti-grecque, dans laquelle circulent tous les trafics et où pullulent de nombreux espions à la solde des Empires centraux. Il faut impérativement la 'pacifier' pour sécuriser les troupes qui viennent de pénétrer en territoire serbe. Cette occupation irrite au plus haut point les Grecs qui y voient une ingérence supplémentaire des Vénizélistes, et les Italiens qui considèrent l'ensemble de l'Albanie comme leur nouvelle colonie...

A part des escarmouches sans lendemain entre les Germano-Bulgares et des troupes russo-britanniques près du lac Doiran et dans la vallée de la Strouma avec parfois des duels d'artillerie, tout le reste du front est calme. En novembre les troupes alliées du corps expéditionnaire n'ont pas les moyens de mener plusieurs attaques simultanément...

En Afrique Orientale, dans le Sinaï et en Mésopotamie. Tout est relativement calme, sauf dans la Mésopotamie où les travaux vont bon train en vue de reprendre l'offensive jusqu'à Bagdad...

Mais il temps de revenir à Barbentane. Hélas, en ces périodes difficiles, l'Écho ne paraît pas en janvier, il faut donc attendre fin février, dans un Écho bimestriel pour avoir des nouvelles de novembre au village...

En Novembre 1916, un seul poilu barbentanais meurt pour la France :

Louis Bon. Il est né à Barbentane, 22 ans, cultivateur, il était soldat de 2ème classe au 4ème régiment de chasseurs d'Afrique. Il est incorporé le 9 septembre 1914. Il est tué le 3 novembre 1916 à Zivonia, prés de Monastir en Serbie par une bombe lâchée d'un avion. Un service funèbre est célébré en sa mémoire en l'église de Barbentane le 9 décembre 1916. Il est inscrit sur notre Monument aux Morts et sur le nécrologe qui est dans l'église. Il repose maintenant dans l'ossuaire du vieux cimetière de Barbentane. Sa photo figure sur le Tableau d'Honneur en mairie de Barbentane. Son frère Jean-Marie Richard est lui aussi mort pour la France le 27 août 1914.

Guy

Cadavres allemands dans la neige à Verdun

Le célèbre U-20 échoué sur les côtes danoises avant son explosion

Poilus dans une tranchée de la Somme (photo autochrome)

Fantassins sénégalais en gare de Bar-le-Duc

Carte des Balkans

Les 15 et 16, au PC du général Joffre à Chantilly dans l'Oise, se tient une réunion à l'initiative du général français. Il s'agit d'une nouvelle conférence militaire interalliée en présence des chefs militaires étrangers, ou de leurs représentants, afin d'arrêter le plan des opérations pour l'année à venir. Depuis le mois d'août, Joffre fait travailler son état-major sur une nouvelle offensive pour le printemps suivant. Comme il lui faut masquer le demi-échec de l'offensive en cours dans la Somme, il annonce que cette offensive était prévue pour "ébranler" l'Allemagne, mais que l'offensive de 1917 "en scellera sa ruine". Eternel optimiste, Joffre considère que terminer la guerre en 1917 par une victoire complète est chose envisageable. D'ailleurs, le Président de la République Raymond Poincaré en est lui aussi convaincu, et il demande à Joffre de préparer les conditions d'un armistice. Les Italiens font savoir que tant qu'ils n'auront pas conquis Trieste, ils poursuivront leur offensive pour cet objectif. Les Britanniques ne sont enthousiastes sur rien et les Russes restent très silencieux...

En Grande-Bretagne. Le 3 novembre, un an après avoir reconnu le Cheik Abdulah bin Jassin Al Thani comme dirigeant du Qatar, le pouvoir britannique signe un traité de protectorat avec les Qataris. Il est identique à ceux que l'empire colonial a négociés avec les autres pays du golfe Persique. Les Britanniques offrent ainsi leur protection au Qatar. En échange, les Qataris renoncent à céder des territoires ou à entamer des négociations sans le consentement des Britanniques...

Le même jour, le comité de guerre se réunit. En l'absence du chef d'état-major des armées britanniques, William Robertson, les langues se délient. David Lloyd George, le secrétaire d'État à la Guerre, considère que dans la Somme, les Alliés n'ont pas atteint le succès escompté. Pour lui, les Allemands n'ont cédé ni dans la Somme, ni en Russie du sud, et le sort de la Roumanie paraît scellé à leur avantage. Pire, l'armée allemande, avec l'incorporation de nouvelles tranches d'âges, grossit de 30 divisions supplémentaires et elle a encore 4 millions d'hommes en réserve. En regard de ces données, sans progrès techniques décisifs, une nouvelle offensive en France serait encore un échec. Pour Lloyd George, il faut donc examiner avec soin toutes les autres possibilités d'offensive sur les théâtres extérieurs à l'Europe, là où l'Empire britannique pourrait encore s'étendre sans que cela lui coûte trop cher en vies humaines. A au moins deux endroits les éléments lui sont favorables : la Palestine et la Mésopotamie. Avec son potentiel colossal de pétrole, la possession du Moyen-Orient serait un gain substantiel pour l'Empire. C'est donc vers ces objectifs que le cabinet de Lloyd George va progressivement orienter sa stratégie pour l'année 1917. Toutefois, il est décidé que le constat et les orientations du comité ne seraient pas imprimés, encore moins publiés...

De son côté, le chef d'état-major des armées britanniques, William Robertson, souhaite et obtient que la conscription soit développée. Le service national est mis en place pour les hommes jusqu'à l'âge de 55 ans (comme en Allemagne), créant ainsi 900 000 nouvelles recrues. Mais il est préoccupé par l'absence d'un leader dans la coalition du premier ministre Herbert Henry Asquith. Il compare le Conseil des ministres à "un comité de fous". Comme il n'est dans aucun parti politique, il préconise la création d'un Comité de guerre restreint. Il craint que des ministres, par des actions personnelles, puissent participer à des tentatives de paix ou de réduire l'effort britannique sur le front de l'Ouest...

En Belgique et en France occupées. La vague d'indignation contre la déportation de force des travailleurs s'amplifie. Tous les pays neutres européens, Norvège, Finlande, Suède, Espagne et Hollande, protestent énergiquement, les USA aussi...

En Italie. C'est le rétablissement de la "décimation". Ce châtiment était appliqué dans l'armée romaine lors de mutineries ou de désertions massives. Il consistait à exécuter un soldat sur dix impliqué, d'où son nom. Dans une note en date du 11 novembre, le général en chef Luigi Cardona autorise ses généraux à recourir à cette peine barbare dans les unités qui font preuve d'insubordination collective "Les commandants ont le droit et le devoir de tirer au sort parmi les suspects et de les punir par la peine de mort"...

En Allemagne-Autriche-Hongrie. Le 6 novembre, dans une déclaration solennelle dite "Des Deux Empereurs", l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne créent un État polonais monarchique, héréditaire et constitutionnel. Tout au long du XIXème siècle, exception faite de la fin de la période napoléonienne avec le duché de Varsovie, la Pologne est niée comme entité nationale par ses puissants voisins. Elle est écartelée, partagée entre la Russie, la Prusse (puis l'Allemagne), et l'Autriche (puis l'Autriche-Hongrie). Sur les 3,4 millions de Polonais mobilisés, 1,4 million le sont dans l'armée austro-hongroise ; 1,2 dans l'armée russe et 800 000 dans l'armée allemande. En novembre 1916, la presque totalité du territoire polonais russe est conquis par les Germano-Austro-Hongrois. Il devient donc important pour les Empires du centre de définir un nouveau statut pour les Polonais afin de s'en faire des alliés. Le nouvel État ainsi créé porte désormais le nom de Royaume de Pologne. Il est doté d'une constitution calquée sur celle du royaume de Prusse (à l'exception notable du droit électoral). Ce nouveau royaume s'agrandit en plus de la Lituanie et de la partie ouest de la Lettonie qui est occupée par les Allemands. Dans la réalité, le contrôle du gouvernement est aux mains des conservateurs, et les attributions du monarque sont confiées à un conseil d'État. Bien sûr, tous les Alliés protestent contre cette annexion de fait, mais ce sont les Russes qui crient le plus fort car ils savent que l'émancipation polonaise, même si elle est relativement minime, ne pourra être que difficilement remise en cause...

Devant l'avalanche de protestations au sujet de la déportation de force des travailleurs en Europe, le ministre des Affaires étrangères d'Allemagne, Gottlieb von Jagow(1), démissionne le 22. Il est aussitôt remplacé par Arthur Zimmermann, sous-secrétaire d'État au même office...

En Autriche-Hongrie. Malgré une santé robuste, depuis le début du mois l'Empereur François Joseph Charles de Habsbourg-Lorraine, dit François Ier d'Autriche, est frappé par deux fois de congestion pulmonaire. La deuxième lui est fatale et il s'éteint à 86 ans au château de Schönbrunn près de Vienne à 8h30 le 21 novembre. Il est aussitôt remplacé sur le trône par son petit-neveu de 29 ans, Charles-François-Joseph de Habsbourg-Lorraine, dit Charles Ier d'Autriche. François Ier est directement responsable de la guerre de 14-18 puisqu'il a déclaré la guerre à la Serbie après l'assassinat de son neveu, et héritier présomptif, l'archiduc François-Ferdinand, à Sarajevo le 28 juin 1914(2). Par la suite, avec l'application de tout un jeu d'alliances plus ou moins secrètes, l'Europe entière va entrer en conflit. Le 30, devant des milliers de personnes, se déroulent à Vienne ses obsèques officielles. Son cercueil repose maintenant dans la crypte des Capucins située dans la capitale autrichienne, il surplombe d'environ un mètre le sarcophage de sa femme Élisabeth, dite Sissi (assassinée à Genève le 10 septembre 1898) et d'un mètre cinquante celui de son fils Rodolphe (qui s'est suicidé à Mayerling le 30 janvier 1889 après avoir tué sa maîtresse). La presse française raille cette passation de pouvoir, sur de gros titres on peut lire "François-Joseph lègue à son petit-neveu un patrimoine de 450 millions de francs, à son peuple, juste quelques mots d'adieu"...

Il est vrai que le peuple autrichien a faim, même les Hongrois refusent de lui fournir de l'aide alimentaire au motif que le peuple magyar se doit de faire des réserves pour des lendemains qui ne s'annoncent pas joyeux...

En Pologne. C'est le général Józef Piłsudski qui accepte de présider aux destinés du nouveau Royaume. C'est un fin stratège, son objectif premier est de débarrasser la partie est du pays du joug de l'Empire tsariste, d'où son alliance de circonstance avec les Empires du Centre. Toutefois, la tutelle des Germano-Austro-Hongrois ne convient pas à tous les Polonais qui aspirent à un réel état indépendant. D'ailleurs, depuis 1914, le Comité National Polonais organise les bases de cet État autonome en s'alliant aux forces de l'Entente notamment en France. Après la paix de Brest-Litovsk le 3 mars 1918, n'ayant plus aucune crainte d'une éventuelle attaque par l'Empire tsariste, Piłsudski va anticiper la défaite des Empires du centre. Il change de camp et il demandera à tous les soldats polonais de rejoindre les armées alliées partout où cela est possible...

En Russie. A l'ouverture de la session de la Douma le 3 novembre, c'est le discours solennel de Pavel Milioukov qui représente l'aile progressiste russe, dite des "octobristes". Il ponctue chaque paragraphe de son exposé, qui est une critique généralisée de l'action du gouvernement et de l’entourage impérial, par sa fameuse phrase "Qu’il y a-t-il là ? Stupidité ou trahison ?". Elle va devenir célèbre et fera le tour du monde. La séance est houleuse, d'autres députés haussent aussi le ton. Comme le gouvernement ne sait pas quoi répondre tellement les accusations sont justes et étayées, il interdit la publication des discours. En conséquence, ces pamphlets sont tirés à des millions d'exemplaires et ils circulent encore plus vite que le transsibérien dans l'Empire. Au front, où la situation le permet, des milliers de copistes les additionnent d'appendices séditieux. Le retentissement des débats est tel, que les accusateurs eux-mêmes en frissonnent. La réalité veut qu'à ce moment-là, la famille impériale soit complètement sous la coupe d'un faux moine, mais vrai gourou, le dénommé Grigori Raspoutine. Le tsar Nicolas II est lui même sous la totale emprise de sa femme l'impératrice Alexandra Fedorovna, petite-fille de la reine Victoria, mais allemande de naissance. Ce sont Raspoutine et Fedorovna qui font et défont les généraux avec les ministres. Même le premier d'entre eux, Boris Stürmer, n'est qu'un pantin soumis à leur volonté, d'où la célèbre tirade de Milioukov. En s'opposant à toute évolution libérale, le coupe infernal Raspoutine-Federovna s'attire toutes les haines, tant chez les nobles, même ceux de la famille impériale, que chez les bourgeois-libéraux ainsi que dans le peuple qui crie famine tous les jours. Le 4, des troubles éclatent dans tout le pays. D'importantes grèves sont déclenchées, notamment dans la région de Petrograd. Elles ont pour cause le mauvais ravitaillement de la population des villes. Devant la grogne grandissante, le tsar démissionne le ministre de l'Agriculture, le paléontologue Alexeï Bobrinski, puis le premier Ministre Stürmer et il le remplace par Alexandre Trepov le 23 novembre. Malgré ses réelles compétences, Trepov n'arrive pas à être crédible à la Douma auprès de ses pairs. Très peu d'élus croient possible d'en finir avec le couple infernal tout en maintenant la monarchie. La situation du pays rend les Alliés très inquiets. En cette fin de 1916, par la guerre qu'elle mène à l'est, la Russie est l'élément qui permet aux autres fronts de tenir, face à la puissance des Empires du Centre. Pour les Britanniques, comme pour les Français, Nicolas II n'est plus en mesure de gouverner le bateau Russie dans la violente tempête qui s'annonce. Ils savent très bien que de nombreux complots se trament, et pas seulement ceux ourdis par les communistes. La famille impériale conspire même ouvertement contre le tsar. Ces nobles envisagent d'assassiner Raspoutine, puis de faire abdiquer le tsar et d'enfermer la tsarine dans un couvent. Ils donneraient alors le sceptre impérial au tsarévitch Alexis Nikolaïevitch de Russie qui n'a que 12 ans, sous la régence du grand-duc Dimitri Pavlovitch de Russie...

La nouvelle ligne de chemin de fer qui relie la ville de Romanov-sur-Mourman (l'actuelle ville de Mourmansk à l'extrême nord-est de la Russie) à la capitale russe Saint-Pétersbourg est inaugurée le 21 novembre. Cela va énormément faciliter le ravitaillement de la Russie par les Alliés...

En Grèce. La situation politique déjà très complexe avec deux gouvernements et une partition de fait du pays, ne s'arrange pas en novembre. Le 2, le général Maurice Sarrail donne son accord aux scissionnistes vénizélistes pour qu'ils occupent le Katerini, un territoire au sud de Salonique. Le 3, l'amiral Louis Dartige du Fournet prend prétexte de la destruction de deux navires marchands hellènes par un sous-marin allemand pour demander la reddition des vaisseaux de guerre grecs et l’occupation de l’arsenal de Salamine par les troupes françaises. Le gouvernement légitime proteste mais le 7, le désarmement partiel de la plupart des navires de guerre grecs commence, tandis que les Alliés s’emparent de 30 vaisseaux légers. Le 9, des marins franco-britanniques occupent les îles grecques de Leros, Kyra et Salamine. C'est dans cette dernière que sont entreposées une grande partie des réserves de munitions de la flotte hellénique. Tous ces évènements enveniment les rapports entre les Alliés et le gouvernement légitime. Malgré ça, le 16, Dartige du Fournet fait une nouvelle demande. Il veut la remise de 16 batteries de canons de campagne et autant en artillerie de montagne avec 1 000 obus par canon ; 40 000 fusils avec 220 cartouches par fusil ; 140 mitrailleuses ainsi que 50 voitures de transport. Les Grecs refusent fermement. Alors, le 23, Dartige du Fournet sous prétexte d'espionnage, ce qui n'est pas faux, expulse d'Athènes les représentations diplomatiques des puissances centrales. Il les fait embarquer sur un vapeur grec en direction de Kavala maintenant occupée par les Bulgares, puis il lance un ultimatum au gouvernement légitime pour le 1er décembre. Il appuie cette sommation par la menace d'occuper Athènes en cas de réponse défavorable. Mais là, il outrepasse les ordres reçus. Le 26, le roi Constantin Ier lui répond que son peuple et son armée le pressent de ne pas accepter le désarmement demandé et refuse de prendre de nouveaux engagements. Pour se placer en position de force, les Français prennent possession de la base navale de Salamine qui est le verrou maritime d'Athènes, et commencent à utiliser les navires grecs pour leurs besoins de guerre. Alors, une résistance armée se met en place dans la capitale. Elle est principalement constituée de membres d’une milice royaliste, les "epistratoi", qui sont des anciens soldats démobilisés de force. Ils sont dirigés par des personnalités légitimistes comme Ioannis Metaxas et Sofoklis Dousmanis. Au total, 20 000 hommes s'auto-mobilisent pour défendre la capitale. Ils se déploient dans tous les lieux stratégiques avec l’ordre absolu de ne pas tirer les premiers. L'amiral français est convaincu que le gouvernement grec est en train de bluffer et qu’il est disposé à rendre les armes. Maintenant, tous les éléments d'une tragédie, forcément grecque, sont présents sur la scène. Elle se déroulera en décembre et aura des conséquences européennes...

Pour éviter que les nombreux soldats grecs, officiers comme hommes de troupe, qui se battent maintenant aux côtés des Alliés dans les Balkans ne soient immédiatement fusillés comme terroristes par les troupes germano-turco-albano-austro-hongroises, le 11 novembre le gouvernement provisoire de Venizélos déclare la guerre à l'Allemagne. Il en fera de même plus tard avec tous les belligérants qui sont dans les Balkans. Mais comme ce gouvernement illégitime n'est reconnu par personne, même pas par les Alliés, c'est une déclaration de pure forme qui ne protège en rien les soldats grecs de terribles représailles...

Aux États-Unis. Le 7 novembre, le président démocrate des USA, Woodrow Wilson, est réélu comme président des États-Unis avec 52% des voix des grands électeurs, mais avec seulement 49% du vote populaire. Il a fait toute sa campagne avec comme unique slogan "Nous ne sommes pas en guerre, grâce à moi". Cette belle harangue coulera aussi rapidement que les bateaux étasuniens seront envoyés par le fond par les sous-marins allemands qui vont faire des eaux territoriales du pays un nouveau cimetière marin...

Au Mexique. Depuis septembre, le révolutionnaire Pancho Villa remporte victoire sur victoire sur les troupes gouvernementales dans l'État du Chihuahua. C'est l'état mexicain qui borde le Nouveau-Mexique et le Texas au sud. Comme dans toutes les guerres civiles, les combats sont de plus en plus impitoyables, chaque camp exécute sans pitié les prisonniers adverses. A la mi-novembre Villa occupe presque tout le Chihuahua, à l'exception des grandes villes. Le secrétaire de la Guerre et de la Marine du Mexique, Álvaro Obregón, tient le général Jacinto Trevino pour responsable et il le remplace par un général particulièrement cruel, Francisco Murguia. Cela n'empêche pas Villa de prendre la ville de Ciudad Chihuahua le 23 après plusieurs jours de combats...

Depuis octobre, les troupes étasuniennes de l'expédition punitive se cantonnent prudemment dans la défensive et s'activent très peu, car Villa est devenu trop fort pour être pris comme un vulgaire bandit. D'ailleurs, le 24 novembre 1916, un traité est conclu entre le Mexique et les États-Unis, dans lequel il est stipulé que l'expédition punitive contre Villa va quitter le pays...

En Suède. Le 7 novembre à Stockholm, de nombreuses féministes des pays scandinaves : Suède, Norvège et Finlande se réunissent. Elles décident de coordonner leurs actions afin d'avoir une lutte féministe revendicative plus efficace dans chaque pays...

Dans le Monde des Sciences, des Arts, des Lettres et du Sport. Le 16 novembre à Santa-Monica (Californie, USA), c'est le Britannique d'origine italienne Dario Resta(3), qui remporte la Coupe Vanderbilt sur une Peugeot EX5. Deux jours plus tard, sur le même circuit, se déroule le Grand Prix automobile des États-Unis. Ce sont les pilotes étasuniens Howdy Wilcox et Johnny Aitken qui remportent la course, eux aussi avec une Peugeot EX5...

Le 22, à Glen Ellen (Californie, USA) c'est le décès de Jack London, 40 ans, né John Griffith Chaney. C'est probablement le romancier le plus célèbre des États-Unis, tant ses livres comme L'Appel de la forêt (1903) et Croc-blanc (1906) restent des classiques de la littérature pour la jeunesse. C'était aussi un militant socialiste, aux nombreux ouvrages sur la misère ouvrière. Il meurt des suites d'un empoisonnement du sang causé par une urémie, maladie dont il souffrait depuis un voyage dans le Pacifique. Au moment de sa mort, il était également atteint de dysenterie, et rongé par l'alcoolisme...

Sur le Front des Combats.

En France, dans la Somme. Depuis le début du mois le front est plus ou moins en sommeil, seules des offensives locales se déroulent pour des rectifications de tracés. Les conditions météo, déjà exécrables en octobre, ne vont pas s'arranger en novembre. Le 5, les Français attaquent à Sailly-Saillisel, localité située au nord de la Somme entre Bapaume et Péronne, mais sans grand succès, car ils ne parviennent pas à enlever le bois de Saint-Pierre-de-Vaast. Le soir, dans une violente contre-attaque, les Allemands reprennent une partie des conquêtes françaises du matin. Plus au sud, les Français prennent Ablaincourt-Pressoir et s'y retranchent. C'est la plus grosse conquête de la journée. Sur tout le reste du front français, les Allemands ne reculent plus. Le 13, les Britanniques prennent Beaumont-Hamel, Saint-Pierre-Divion et Beaucourt-sur-l'Ancre. Ils contrôlent maintenant toute la vallée de l'Ancre. Mais, comme chez les Français, les Allemands ne reculent plus. A partir du 18, les conditions climatiques se dégradent encore. La pluie devient glaciale, puis c'est la neige et le blizzard. Il est impossible de poursuive une quelconque opération d'envergure dans ces conditions. Le 21, le général britannique Douglas Haig informe les Français qu'il arrête l'offensive et qu'il va se consacrer à renforcer ses conquêtes pour éviter un retour des Allemands. En apprenant cela, le général Joseph Joffre qui avait beaucoup misé sur cette offensive, est dépité. Toutefois il pense que les Français, même seuls, peuvent encore progresser. Alors, il programme une nouvelle offensive pour début décembre avec comme objectif d'arriver au moins sur les rives du canal de la Somme entre Eterpigny et Pargny…

En France, à Verdun. Comme les jours précédents dans le secteur de Vaux, les actions d'artillerie se poursuivent avec beaucoup d'intensité. Se rendant compte que le fort de Vaux est intenable, les Allemands se résignent à l'évacuer. Cela se fait dans un grand silence pendant la nuit du 1er au 2 novembre. Mais ils sont trahis par une conversation radio signalant la fin de leur départ et elle est interceptée par des écoutes françaises vers 17h00. Sceptique et pensant à une ruse, le général Charles Mangin demande à deux compagnies d'infanterie de se préparer pour aller en vérifier l'exactitude. Elles s'élancent, l'une par le sud, l'autre par l'ouest, le 3 à 1h00 du matin. Les hommes ne sont pas enthousiastes car on leur demande de faire beaucoup de bruit pour obliger l'ennemi à se découvrir. Mais rien ne se produit et, à 2h30, les Français rentrent dans le fort de Vaux sans avoir tiré un seul coup de fusil...

Vision d'enfer à Verdun

Soldats roumains dans les Carpates

Résultats des élection présidentielles aux États-Unis le 7 novembre 1916

Il n'y a pas d'Écho en janvier 1917, c'est celui de janvier et février 1917 qui relatera les événements de novembre et décembre 1916...

Abri dans la Somme

Convois de mulets sur la Cerna dans les Balkans

Entraînement de jeunes soldats allemands dans leur pays

Reconquêtes françaises à Verdun en novembre

Soldats allemands dans la Somme

Carte postale française éditée au profit du deuxième emprunt de guerre

Le navire-hôpital Britannic, frère du Titanic, qui saute sur une mine le 21 novembre

Les fronts roumains

Officiers français et dignitaires albanais à Koritza

Poste de téléphonie allemand dans la zone de Verdun

Canon lourd français dans la Somme

Champ pétrolifère roumain dans la région de Ploiești

Route sur rondins en Pologne pour circuler malgré la boue

Dépôt de munitions allemandes dans les Vosges

Camion démocrate dans la campagne pour les présidentielles aux USA

Novembre 1916 - Dans le Monde en Guerre

Les deux grandes offensives menées en France ne sont pas totalement arrêtées. Dans la Somme, le 21 novembre, les Britanniques font savoir qu'ils arrêtent les combats. A Verdun, le commandement français qui vient de reconquérir ses deux forts très emblématiques, pense toujours avoir une victoire encore plus complète. En Russie, l'Empire tsariste commence à trembler, ce ne sont pour l'instant que des frémissements, mais les forces qui le sapent ne feront que s'amplifier. Les temps deviennent durs et l'Écho de Barbentane de janvier ne paraîtra pas, ce sera un Écho bimestriel qui sortira pour janvier et février 1917…

 

Sur le front Politique.

En France. Après la reprise par les Poilus du fort de Douaumont en octobre, puis la reprise du fort de Vaux les premiers jours de novembre remonte le moral de tout le pays. Du coup, le deuxième emprunt de guerre va atteindre des sommets. Maintenant c'est certain, les Allemands ne passeront pas !!! Ces victoires permettent aussi de masquer le demi-échec, très couteux, de l'offensive de la Somme...

Le 7, en vue de la réunion interalliée qui doit se tenir à Chantilly, le général français Joseph Joffre et son homologue italien, le général Luigi Cardona, se rencontrent en gare de Saint-Jean-Maurienne. Ils sont tous les deux dans une situation militaire difficile, car leurs dernières offensives ont plus ou moins échouée. Cardona fait vertement savoir à Joffre que le comportement des Français dans les Balkans, par leur soutien à un gouvernement grec sécessionniste, est insupportable pour le Royaume d'Italie. Ils s'entendent au moins sur un point : rien d'important ne va se passer chez tous les belligérants pendant l'hiver…

Le 8 novembre 1916, l’État français décide de missionner des artistes volontaires, dégagés de leur obligation militaire, c'est-à-dire réformés ou âgés de plus de 45 ans. D’une durée d’un mois, ces missions doivent permettre de documenter la vie au front tout en constituant pour l’État une collection de tableaux d’histoire...

Prisonniers bulgares participants à la reconstruction d'une route près de Florina

Britanniques dans la Somme

Publicité pour la firme Peugeot aux USA

(1) En 1914, Gottlieb von Jagow organise une Commission en Allemagne pour déterminer les responsabilités dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Il dédouane la Triplice pour tenter de convaincre les pays neutres de se ranger derrière son pays. Il publie en 1919 un ouvrage pour justifier ses prises de position durant l'été 1914 Origines et déclenchement de la guerre mondiale. Il est aussi le principal artisan d'un plan destiné à provoquer une guerre entre les États-Unis et le Mexique. Depuis des années il existe de nombreuses tensions entre ces deux pays et il était persuadé qu'un conflit armé dissuaderait les États-Unis d'intervenir en Europe.

(2) Un hommage très inattendu sera rendu plus tard à François-Joseph Ier d'Autriche par le président de la république Raymond Poincaré "C'était un souverain riche en bonnes intentions... Il n'a pas voulu le mal, il n'a pas voulu la guerre mais il s'est entouré de gens qui l'ont faite."

(3) En 1916, seuls les États-Unis peuvent organiser des courses automobiles. C'est aussi Dario Resta qui a remporté les 500 miles d'Indianapolis le 30 mai toujours sur une Peugeot.

(4) Eugène Bullard, surnommé The Black Swallow of Death (L'Hirondelle Noire de la Mort), poursuivra sa brillante carrière militaire dans laquelle il sera cité à l'ordre de son régiment le 3 juillet 1917, et se verra décerner la croix de guerre. Il réussit à abattre deux appareils ennemis et son avion porte comme devise sur le fuselage all blood runs red (tout sang coule rouge). Mais il est irrémédiablement rejeté par l'armée US à cause de la couleur de sa peau et il finira la guerre dans l'infanterie française. Après la guerre il aura une vie chaotique, il participe à la seconde guerre mondiale dans l'armée française où il sera de nouveau grièvement blessé. Il sera tabassé parce que noir près de New York en 1949. En 1954, le gouvernement français l'invite à Paris pour ranimer la flamme de la tombe du Soldat inconnu sous l'Arc de triomphe de l'Étoile. En 1959, il est fait Chevalier de la Légion d'honneur par le général Charles de Gaulle qui le qualifie de "véritable héros français". Malgré cela, il passe les dernières années de sa vie dans un relatif anonymat et dans la pauvreté à New York où il meurt d'un cancer de l'estomac, le 12 octobre 1961. Il est enterré avec tous les honneurs militaires, dans son uniforme de légionnaire avec ses quinze médailles françaises, par des officiers français dans la section des vétérans de la guerre française du cimetière de Flushing, dans le Queens à New York. Ce n'est que le 15 septembre 1991, soit trente ans après sa mort, et soixante-quatorze ans après son rejet par l'armée US, qu'Eugene Bullard est promu à titre posthume au grade de sous-lieutenant de l'US Air Force grâce à l'intervention de Colin Powell, alors chef d'état-major des armées étasuniennes.

(5) Deux des survivants du naufrage du Britannic ont pour point commun un destin étonnant, puisqu'ils ont servi sur les trois navires de la classe Olympic lors de leurs trois accidents. Il s'agit de l'infirmière Violet Jessop et du soutier Arthur John Priest. Tous deux ont en effet servi sur l’Olympic quand celui-ci a percuté le Hawke en 1911 (seul accident qui ne se soit pas soldé par un naufrage) puis sur le Titanic lors de son unique voyage. Arthur John Priest, quant à lui, sert encore durant la guerre sur l’Alcantara et le Donegal, qui sombrent également.

L'empereur François-Joseph d'Autriche sur son lit de mort.

Biplan italien construit par Fiat

Cimetière militaire de Saint-Waast dans l'Aisne

Avion allemand qui s'est posé intact dans la Somme chez les britanniques

Le tsar Nicolas II, son épouse et leurs 5 enfants en novembre 1916

Les généraux Joffre et Cardona sur le quai de la gare de Saint-Jean-de-Maurienne

Quelle folie la guerre !

Zone de Texte: Pour revenir à la page d'accueil de mon site de Barbentane, cliquez ici !!!
Zone de Texte: Vous pouvez toujours m'écrire, cliquez ici et ce sera fait
Ou alors à cette adresse : bne.lagramillere@free.fr

Barbentane, le plus beau village de l'Univers

Zone de Texte: Pour accéder aux archives des Écho déjà publiés, cliquez ici !!!

Tous mes remerciements à toutes celles et ceux qui m’ont aidé dans ces tâches de reconstitution de notre patrimoine barbentanais : prêt de brochures, de photos, des Écho de Barbentane, aide, corrections, traducteurs et autres…

Guy

Char français Schneider CA1 à l'entraînement au camp de Champlieu dans l'Oise