BARBENTANE

en janvier 1916

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Stratégiquement, la ville de Verdun est presque isolée. Une seule ligne ferroviaire à double voie de circulation, au gabarit normal, vient de Reims via Sainte-Menehould. Mais elle est fragile car sous le feu de l’ennemi. La ligne qui vient de Nancy est coupée à Saint-Mihiel, seule une ligne à voie métrique "Le Petit Chemin de Fer Meusien", plus sobrement baptisé par tous "Le Meusien", complètement inadaptée à la guerre, suit la rive gauche de la Meuse en venant de Bar-le-Duc. Parallèlement à cette ligne se trouve une route départementale qui va devenir célèbre(8). Ce manque de voies de communication avec l’arrière rend encore plus fragile cette partie du front. Il ne faut pas oublier qu'en 1916, les routes ne sont toujours pas goudronnées(9) et elles supportent très mal le passage régulier de camions, même légers, donc tout l'approvisionnement ou presque doit passer par le chemin de fer...

Malgré les précautions allemandes, tous ces préparatifs ne passent pas inaperçus, loin s'en faut. Déjà, à la fin de l'année 1915, les avions français remarquent que les réseaux ferroviaires venant vers Verdun se font plus denses. Peu à peu, ces voies s'étendent en ramifications avec des voies étroites pour, finalement, s'approcher au plus près des champs où sont postés les canons. En janvier, l'activité ferroviaire est déjà trois fois plus importante qu'avant. Des milliers de trains roulent vers l'ouest de Metz. Des convois entiers de barbelés, de poutres, de pieux, de planches, de gravier, de sable, de ciment, de sacs de sable, de rails, de traverses pour voies étroites, de munitions, de canons de tous calibres, d'hommes, convergent vers la place forte. Le 16 janvier, un déserteur allemand signale qu'une importante concentration d'artillerie lourde est en position dans le ravin entre Vilosnes et Haraucourt au nord de Verdun. Les ordres sont d'économiser les munitions afin de pouvoir assurer un bombardement continu de 100 heures pour les premiers jours de février...

Les divers commandants français de la place s'alarment et signalent le fait auprès de l'état-major général. Ainsi le colonel, poète et écrivain Émile Driant profite de sa qualité de parlementaire et membre de la commission de la défense nationale, pour attirer l’attention du grand quartier général sur le secteur. Joffre envoie un détachement du génie, mais il est bien tard. Le général Frédéric-Georges Herr, chef de la région fortifiée de Verdun, dit lui-même "Chaque fois que je demande des renforts d’artillerie, le GQG répond en me retirant deux batteries !". Depuis la mi-janvier, les préparatifs allemands sont confirmés par le 2ème bureau des services de renseignement français, par la reconnaissance aérienne qui prend des photographies inquiétantes et par des déserteurs alsaciens et lorrains. Joffre, et plus encore, tout le grand quartier général ont décidé qu'il ne pouvait rien se passer à Verdun. Ils restent tous sourds face à l'accumulation de tous ces indices...

 

Dans les airs, l'activité aérienne, toujours tributaire des conditions météo, est très réduite. Si le mois de janvier est très doux, il n'en est pas moins humide, ce qui est un handicap rédhibitoire pour les machines volantes dont les hommes n'ont aucune protection. Les grands raids de l'automne avec plus de 50 appareils ne sont plus d'actualité, ce ne sont plus que de petits bombardements. Le 8, 11 avions britanniques exécutent un raid sur Sars dans le Nord. Le 19, c'est le bombardement d'une batterie allemande dans les Vosges près de Metzeral. Le 21, 16 avions britanniques bombardent le dépôt d'approvisionnement de Lesars en Belgique. Le 24, 24 avions français lancent 130 obus sur les gares et les casernes de Metz. Lors de ce raid, et pour éviter des pertes qui commencent à compter, les lents bombardiers sont escortés par des avions protecteurs qui livrent dix combats en cours de route. Le 29, un dirigeable français bombarde une nouvelle fois la gare et les établissements militaires de Fribourg-en-Brisgau...

Il en est de même du côté allemand où l'aviation a momentanément comblé le fossé technique qui les séparait des Alliés. Le 13, 2 hydravions bombardent Dunkerque. Le 20, des appareils jettent, en sus des bombardements réguliers d'artillerie, des bombes sur Nancy. Deux jours après, c'est Lunéville qui est visé. Le 24, un Taube s'aventure jusque dans le Kent où il ne fait pas de dégâts. Le 26, c'est le port de Dunkerque par où transite une grande partie des ravitaillements britanniques qui est bombardé, des civils sont touchés. Le 30, l'affaire est plus sérieuse car un Zeppelin jette des bombes sur Paris en faisant 23 morts et de nombreux blessés. Ce même jour, 9 Zeppelins bombardent Liverpool, ils tuent 70 personnes et en blessent 113. A la suite de ce bombardement, la Cour Criminelle du Staffordshire déclare l'empereur Guillaume coupable de meurtre avec préméditation...

En parallèle, les défenses anti-aériennes se perfectionnent. Le 12, un avion de chasse allemand est descendu près de Dixmude en Belgique. Le 21, un équipage allemand est capturé après avoir été touché près de Lunéville...

 

En mer comme dans les airs, les conditions météo conditionnent la vie maritime et c'est donc en mer Méditerranée, plus abritée, que l'activité guerrière est la plus intense...

Le navire Möwe (mouette) est un croiseur auxiliaire de la Marine impériale allemande qui opère comme corsaire. Ancien bananier du temps des colonies allemandes, il est transformé en mouilleur de mines à cause de sa vitesse et de la grande dimension de ses cales. Dès le début de l'année, il dépose 262 mines dans des conditions météos épouvantables dans le détroit de Pentlant près de la grande base britannique de Scapa Flow au nord de l'Écosse. Le 6 janvier, le cuirassé King Edward VII heurte l'une de ces mines et coule rapidement. Le 10, le Möwe pose 240 mine entre le Finistère et l'estuaire de la Gironde, puis il prend la direction du Brésil qu'il atteint le 28. Durant le trajet, il multiplie les prises, et après avoir transférés leur cargaison à son bord, il envoie les navires saisis par le fond...

Le 8 janvier, la Home Fleet met à l'eau son dernier croiseur de bataille, le Repulse. C'est le navire le plus moderne de son époque, il porte les canons les plus puissants, c'est aussi le plus rapide. Malgré cela, à peine flottant, il est déjà techniquement dépassé !!! Son blindage latéral est nettement insuffisant et son pont principal est une plaque de fer à peine plus épaisse que le nécessaire(10)...

Le 4, un U-Boot coule le vapeur anglais Glengyle en Méditerranée, 10 personnes périssent. Ensuite, et dans la même journée, ce même submersible coule le vapeur japonais Yanakamaru et le vapeur britannique Saint-Oswald. Le 11, le transport d'avions britanniques Ben-my-Chree chargé de munitions est bombardé par l'artillerie turque près de l'île grecque de Catellorizo, l'explosion des munitions endommage gravement le navire. Le 13, le sous-marin français Foucault, qui convoyait une flottille italienne, coule le croiseur austro-hongrois Helgoland près de Cattaro. Le 16, un contre-torpilleur italien coule un transport austro-hongrois chargé de munitions dans l'Adriatique. Le 21, un sous-marin anglais s'échoue sur la côte hollandaise. Le 26, le paquebot français La Plata, attaqué par un U-boot en Méditerranée, tire sur son agresseur et le coule...

 

Sur le front russe, de la mer Baltique jusqu'au sud des marais du Pipret, c'est le grand calme. Vu le froid intense qui règne, personne ne peut combattre dehors. D'ailleurs les pieds gelés se comptent par milliers. Même l'acier des canons peut se fissurer sous l'effet du gel, ce qui rend les pièces d'artillerie quasi inutilisables si les culasses ne sont pas protégées et réchauffées...

Plus au sud, entre les marais du Pipret et la frontière roumaine, les conditions sont moins terribles et, de temps en temps, l'activité guerrière reprend. En Galicie, les Russes récupèrent une partie du terrain perdu à l'automne. Le 5, ils approchent au plus près de Tchernivtsi en Bucovine. La ville, à la population très bigarrée, est évacuée par les austro-hongrois. Le 19, plus au nord en Biélorussie, les Russes regagnent les collines qui encerclent la ville de Pinsk...

A la surprise générale, malgré la période, une offensive d'envergure se déroule dans le Caucase. Dans sa disgrâce, le grand-duc Nicolas laisse au général Nikolaï Ioudenitch le soin de mener une percée afin de reprendre les villes d'Erzeroum et de Trabzon perdues lors de l'offensive turque du printemps. Profitant de la saison peu propice, ce dernier attaque et écrase une division ottomane engourdie à Koprukoy le 18. La marche sur Erzeroum se poursuit sans difficulté et, le 25, les Russes investissent la ville en faisant prisonniers tous les turcs qui s'y trouvent...

En parallèle, une autre colonne russe marche vers Ispahan et Hamadan en Perse...

 

Le front italien est encore plus endormi que le front russe. C'est la conséquence du changement de stratégie des Italiens qui considèrent que les Balkans sont la priorité du moment et y consacrent la plus grande part de leur énergie. Durant tout le mois, les Italiens mènent quand même des actions sans grande envergure autour du lac de Garde. Et, près de Gorizia, ce sont les austro-hongrois qui essayent de reprendre une partie du terrain perdu à l'automne, sans plus de succès...

 

Dans les Balkans, après la défaite des Serbes, les austro-hongrois s'avancent sans trop de difficultés dans le Monténégro. Le 8, Les Monténégrins repoussent un temps les envahisseurs au nord du pays, près des villes de Rožaje et Berane. Le 11, la résistance s'effondre et les assaillants rentrent dans Berane. Malgré une opposition qui compte, les Austro-Hongrois capturent un à un tous les points d'appui monténégrins sur les pentes du mont Lovćen. Ce dernier, dont deux monts culminent à plus 1 600 mètres, est le dernier rempart avant le port de Cattaro et la capitale du pays, Cettigné. Devant l'urgence, les Français occupent pacifiquement l'île grecque de Corfou et, avec de nombreuses navettes maritimes, y installent tous les éléments serbes, monténégrins et albanais qui se présentent dans les ports de la côte adriatique. Le 13, devant la défaite à court terme, les corps diplomatiques quittent le pays. Le 15, la capitale est plus prise que conquise car complètement évacuée par les soldats monténégrins et toutes les autorités administratives. La défaite est consommée. Le 25, le même jour où le roi du pays arrive à Lyon, les assaillants prennent les ports d'Antivari et de Dulcigne. Le lendemain, c'est le port de Scutari en Albanie qui est conquis. Le 28, les Allemands rentrent dans Alessio, au nord-ouest de l'Albanie, l'objectif étant d'atteindre le plus rapidement possible le port de Durazzo pour couper définitivement la retraite aux Serbes...

Dans le camp retranché de Salonique, les fortifications se poursuivent du côté allié. De temps en temps, des raids aérien viennent troubler l'effervescence des constructions défensives, ils font aussi des victimes civiles. Cela met passablement en fureur Sarrail qui suspecte les agents diplomatiques des Empires Centraux de guider les avions. Il les fait arrêter, puis expulser...

Le 15, à Salonique, derrière ses fortifications même pas sèches, l'armée d'Orient avec ses 125 000 soldats français et ses 100 000 britanniques s'attend à être attaquée. C'est une armée très bigarrée : aux soldats européens il faut ajouter ceux d'Afrique du Nord, d'Afrique Centrale, des Indiens, des Néo-Zélandais et des Australiens. Elle se métissera encore plus avec les soldats serbes, monténégrins, albanais, puis grecs et italiens. La ville et le camp retranché sont couverts de magasins d'approvisionnement, d'hôpitaux et d'aérodromes. Le 16, les communiqués alliés signalent une attaque imminente...

Le 18, la flotte franco-britannique bombarde une nouvelle fois le port et les installations ferroviaires de Dédé-Agatch en Bulgarie par où transite le ravitaillement des troupes turques qui stationnent au nord de Salonique...

Le 21, une partie des troupes bulgares et allemandes qui devaient opérer contre Salonique est rappelée vers le nord. En effet, comme la ligne de front est trop dégarnie par des ponctions de troupes vers la France, les Allemands craignent une percée des Russes en Bucovine. Finalement l'attaque sur le camp retranché n'aura jamais lieu. Le 25, profitant de l'accalmie, les Alliés reprennent l'offensive. Des bombardements sont menés, plusieurs jours durant, sur les cantonnements bulgares et turcs à Guevgeli, puis à Monastir. Ces raids sont meurtriers sur des troupes seulement protégées par des toiles de tente...

 

Dans les Dardanelles, après l'évacuation définitive par les Britanniques des baies de Sulva et de Gapa Tepe au mois de décembre, les Turcs se doutent que la même chose va se reproduire au cap Helles, dernier lambeau de terre encore occupé. Le 7 janvier, ils se ruent à l'assaut sur le côté britannique, mais c'est un échec car l'artillerie navale s'est exactement positionnée pour contrer cette éventualité. Au soir du 7, toutes les tranchées sont minées, le matériel qui ne peut pas être évacué est piégé. Dans la nuit, toujours sous la protection de l'artillerie navale, toutes les troupes encore en place entament un ultime repli de 8 kilomètres vers les plages où de nombreux pontons sont disposés pour faciliter une évacuation rapide. A 4h00 du matin, à part les morts, il ne reste plus aucun soldat allié à Gallipoli. La bataille des Dardanelles est terminée...

En peu de jours, 35 268 hommes, 3 689 chevaux, 127 canons, 328 véhicules et 1 600 tonnes de matériel sont évacués. Près de 1 600 véhicules ne peuvent être embarqués, la plupart sont sabotés, d'autres piégés pour empêcher leur réutilisation...

On peut dire que l'évacuation est la seule opération vraiment réussie de ce qui restera pour l'histoire la Bataille des Dardanelles. Son échec est un retentissement mondial !!! Il faudra attendre le débarquement, réussi celui-là, du 6 juin 1944, pour que la stratégie militaire juge de nouveau possible un grand débarquement amphibie de vive force en territoire ennemi...

Il est très difficile de faire un bilan exact de cette tragédie, mais on estime les pertes des batailles à 100 000 hommes, dont 60 000 Turcs. Les décès pour cause de maladies (typhoïde, malaria, dysenterie) sont 5 fois plus importantes, soit près de 500 000 hommes : 205 000 Britanniques, 47 000 Français et 251 000 Turcs...

 

Au Moyen-Orient, la 6ème division Poona du général Townshend est toujours encerclée dans Kut-Al-Amara, et les Britanniques essaient tout pour tenter de la délivrer. Le 11, tombé en totale disgrâce, le général John Nixon est remplacé par le général Percy Lake au commandement des troupes en Mésopotamie. Malgré cela, trop faibles, mal équipées, ces expéditions n'arriveront jamais à percer les forces turques qui encerclent la ville...

 

En Afrique, le 1er janvier, les troupes britanniques arrivent à Yaoundé, rejointes par les troupes françaises le 7. Britanniques et Français trouvent la nouvelle capitale presque vide puisque les Allemands ont pris la direction du sud, suivis par 16 000 Camerounais, dont 5 000 soldats, pour se réfugier en Guinée Espagnole. Il ne reste plus aux Allemands que la forteresse de Mora, tenue par 5 officiers allemands et 300 soldats indigènes. Son siège est aussitôt mis en place...

 

Mais il est temps de revenir à Barbentane et c'est l'Écho de Barbentane de mars 1916 qui donne des nouvelles du village. C'est le général Henri-Joseph-Eugène Gouraud (1867-1946) qui fait la photo de couverture. Dans l'article qui suit, on apprend comment il fut amputé d'un bras aux Dardanelles fin juin 1915(11)...

L'article suivant narre le débarquement de 6 Barbentanais, nommément cités, sur l'île grecque de Corfou, là où est situé le palais de l'Achilleïon qui fait le titre de l'article. Un savoureux petit concentré de l'histoire de l'île est aussi noté...

Comme dans tous les journaux, l'Écho de Barbentane fait ses comptes et, comme toujours pour la presse écrite, même il y a 100 ans, ils ne sont pas fameux. Comme son rédacteur le dit si bien "l'Écho est, pécuniairement parlant, une mauvaise action". Suivent les sommes que le curé a envoyées à l'Archevêché...

L'article suivant relate la préparation, par les jeunes filles du cours d'adultes, d'une future représentation au profit de nos soldats. Le programme semble alléchant, on en reparlera...

Dans la Philosophie de Jeannot, un "nouvelliste" nous explique "Pourquoi il ne faut pas s'en faire"... Dans "Traquez Mufflo", le ton change et c'est à lire...

Comme toujours, il y a des nouvelles des blessés, des prisonniers et des disparus dont un Jean Bon, prisonnier à Grafenwöhr, dont l'Écho n'est pas en mesure de savoir s'il est réellement prisonnier...

Au livre d'or, Pierre Lautier est nommé caporal. Sont remerciés collectivement les permissionnaires qui vont rendre visite aux responsables de l'Écho...

Au martyrologe c'est un article en hommage au caporal Henry Dorlhac de Borne, fils du bâtonnier des avocats de Tarascon, qui est mort le 27 décembre 1915 à l'âge de 23 ans des fièvres d'Orient à Moudros sur l'île grecque de Lemnos...

Signe de la baisse d'intensité des combats, aucun mort barbentanais n'est à déplorer en janvier 1916...

Dans le courrier militaire, c'est Louis Ayme qui, bien qu'affamé, fait passer le courrier avant la soupe ; c'est Pierre Mus qui signale qu'il est guéri ; c'est JM Ginoux qui narre de Topsine, en Macédoine grecque, sa retraite de Serbie "très réussie" et qui regrette Stroumiza, un beau pays dont il gardera longtemps le souvenir ; c'est Jacques Marteau qui a assisté à la messe de minuit dans un boyau à 300m de l'ennemi, l'officiant était avec les officiers à l'abri dans un gourbi, les autres dehors sous la pluie ; c'est Amy le brancardier qui signale (probablement de l'Artois) que les "camarades vivent des jours et des nuits entières dans l'eau et la boue jusqu'aux genoux" ; c'est le caporal Jean-Marie Trouche qui signale de Bordeaux être en partance pour la Côte-d'Ivoire et qui, quelques lettres plus loin, écrit de Tiaroye au Sénégal ; Joseph Giraud s'enfume dans son cagnas ; c'est Louis Guyot, blessé, qui est à l'hôpital de Cannes ; c'est Valentin Texier, indisposé, qui trouve son hôpital "très propre" ; c'est le lieutenant Martial Granier qui, comme la pluie ne s'arrête pas, considère que les "éléments se mettent au diapason des évènements" ; c'est Paul Bonnet, de l'armée d'Orient, qui narre que les "mitrailleuses faisaient du bon travail" en fauchant les Bulgares en colonne par 4 ; c'est Louis Gontard, "notre carreleur avignonnais" qui a été envoyé à Rome pour construire une usine et c'est l'adjudant Rossi, toujours aussi guerrier, qui pour 1916, souhaite que "les barbares bataillons allemands reculent, ivres de rage, devant la poussée de nos fiers combattants de France"...

Dans les statistiques paroissiales, un seul baptême, 4 enterrements dont un bébé de 10 mois et toujours pas de mariages...

Guy

Projet Lavavasseur de véhicule blindé à chenilles en 1903

 

 

Année 1916 - La naissance des chars d'assaut...

La conception de chars de combat est aussi vieille que la première roue. Les Assyriens les utilisaient déjà 3 500 ans avant JC. Depuis cette date, on demande toujours à "cette arme" d'aller vite, de porter le "feu" le plus précis et le plus mortel possible sur les soldats dans le camp adverse avant de s'en retirer tout aussi vite. C'est toujours le cas aujourd'hui...

Sans revenir sur le matériel "antique", le premier matériel moderne métallique est apparu en 1854 lors de la guerre de Crimée. C'était un tracteur à vapeur, monté sur deux chenilles, ce qui lui a permis de progresser sur terrain meuble et/ou boueux. En 1903, le capitaine Léon-René Levavasseur, polytechnicien et officier d'artillerie(1), avec son "projet de canon autopropulseur" propose un engin qui ressemble trait pour trait aux chars d'assaut les plus modernes. Mais, à l'époque, personne n'y croit, surtout pas les militaires qui privilégient toujours la traction hippomobile. Il remet ça en 1908 avec un projet encore amélioré, sans plus de succès. En 1912, un civil australien, Lancelot Eldin de Mole, présente au ministère de la Guerre britannique le projet d’un engin blindé à chenilles qui peut transporter des soldats à travers les tranchées et les barbelés sans craindre les tirs des mitrailleuses...

Chien ratier avec ses trophées

La situation de la place forte de Verdun au 1er janvier 1916

Le croiseur britannique Repulse, le plus moderne du monde

Dans les Dardanelles, évacuation des Français au Cap Helles

Défilé des tirailleurs britanniques à Yaoundé au Cameroun

Le roi du Monténégro lors de son arrivée en gare à Lyon le 24 janvier 1916

Soldats serbes débarquant sur l’île de Corfou

Officiers français de l’armée d’Orient embourbés en Grèce

Tirailleurs sénégalais quelque part en France (photo autochrome)

Muletiers français à Corfou

Inondations catastrophiques des 13 et 14 janvier en Hollande

Cavaliers arméniens armés par les Russes dans le Caucase

Inondations catastrophiques des 13 et 14 janvier en Hollande

Quelle folie la guerre !

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Barbentane, le plus beau village de l'Univers

Tous mes remerciements à toutes celles et ceux qui m’ont aidé dans ces tâches de reconstitution de notre patrimoine barbentanais : prêt de brochures, de photos, des Écho de Barbentane, aide, corrections et autres…

Guy

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Explosion d’une mine de 250 kg quelque part en France

Chasseur-Alpin austro-hongrois près du lac de Garde dans les Alpes tyroliennes

Soldats de la garde rapprochée du roi du Monténégro à Lyon

Carte du front franco-belge au 1er janvier 1916, le saillant de Verdun est nettement visible

Dès le début de la guerre des tranchées, et devant l'impossibilité des soldats de se mouvoir debout face à un ennemi enterré et protégé, tous les esprits inventifs sentent bien qu'il faut trouver une solution adaptée à cette nouvelle forme de combat. Tant du côté britannique que français, des militaires proposent des projets de protections blindées mobiles. Mais les chefs d'état-major n'y croient pas. Seul, Churchill, pourtant lord de l'Amirauté, comprend l'intérêt de ces projets. Ce sont d'ailleurs les Britanniques qui, pour masquer la nature guerrière de ces inventions, les baptiseront tank (réservoir), nom qui leur reste encore aujourd'hui. En France, ce sera Albert Thomas, ministre de l'Armement, un civil, qui se laissera convaincre. En Allemagne, personne n'y croit...

Dès février 1915, en France, est créée la section technique du service automobile, à laquelle sont rattachés les généraux Léon-Augustin Mourret(2), Jean-Baptiste Eugène Estienne, ainsi que le lieutenant Charles Fouché, un spécialiste de la chenille. Ce sont sur la base du tracteur chenillé Caterpillars Holt, d'origine US, que se mènent les premiers essais...

En parallèle, mais de façon complètement indépendante, en septembre 1915 est présentée en Grande-Bretagne une maquette en bois du premier prototype chenillé. Ce modèle, baptisé plus tard Mark I, avec sa forme rhomboïde, est conçu pour franchir une tranchée de près de 4 m de largeur et un obstacle de plus de 1 m de haut. Le premier de ces engins ne sortira des usines qu'en février 1916...

Le 5 janvier 1916, au polygone de Vincennes, devant Joffre, ce sont les premiers essais démontrant les aptitudes du tracteur chenillé Holt pour franchir relativement facilement des obstacles d’une certaine importance, entre 2 et 3 mètres de large. Joffre est impressionné, il ordonne le secret absolu sur ces "inventions". Le 31 janvier, Joffre informe le ministre de la Guerre de l'acquisition de 400 cuirassés (nom de code français pour ces engins), dont la commande définitive sera validée le 25 février. La livraison est attendue pour le printemps 1917...

 

Dans le monde politique. En France, le 1er janvier c'est l'instauration de l'impôt sur le revenu.

L'espionnage bat son plein. Le gouvernement approuve l'arrestation à Salonique des consuls d'Allemagne, d'Autriche-Hongrie, de Grèce et de Bulgarie ordonnée par le général Sarrail qui les soupçonne de diriger les bombardements de l'aviation allemande sur le camp retranché. Malgré les vives protestations de leurs ambassades à Athènes, ils sont transférés à bord du cuirassé Patrie. Plus tard, ils débarquent à Toulon et finalement ils sont relâchés à la frontière suisse. En représailles, le gouvernement bulgare fait appréhender à Sofia le chancelier de France. Il en est de même à Paris où le chancelier de la Bulgarie est arrêté. Le 11, les Turcs arrêtent et enferment les diplomates français toujours en poste à Constantinople. Le 14, l'archiviste de l'ambassade turque, soupçonné d'espionnage est arrêté à Paris...

Le 7, la France fait une avance de 10 millions de francs à la Grèce.

Le 18, le général Maurice-Paul-Emmanuel Sarrail est désigné comme le commandant en chef de toutes les forces alliées à Salonique...

Le 20, Aristide Briand se rend à Londres avec l'amiral Lucien Lacaze, ministre de la Marine, et Marcel Sembat, ministre des Travaux Public, pour conférer avec leurs homologues britanniques...

Le 24, un peu par surprise, mais avec le train royal italien, le roi du Monténégro, Nicolas 1er, arrive à Lyon. Son épouse et une partie de sa famille l'avaient déjà précédé. Il est reçu à la gare par le maire de la ville Édouard Herriot, le général Albert d’Amade et le préfet du Rhône. La famille royale s'installe provisoirement au Grand Hôtel à Lyon tandis que le roi et son gouvernement s'établissent au château du Vernay, propriété de la municipalité de Caluire. Ils ne resteront pas longtemps dans ce département...

 

Au Royaume-Uni, le cabinet britannique tient conseil sur conseil pour régler la question du service militaire obligatoire. Les Travaillistes sont contre, les Trade Unions (syndicats ouvriers) aussi, tous deux sont de fervents partisans de l'engagement volontaire. Le lendemain, Lord Derby publie son rapport sur le recrutement volontaire, véritable info ou intox, il en ressort que 616 000 célibataires refusent de s'engager. Le 6, le Premier Ministre dépose aux Communes son projet, et le défend avec fougue devant les députés. Le lendemain, lors de leur congrès, les Travaillistes rejettent ce projet aux deux tiers des voix. Mais, à la Chambre des Communes, la plupart des orateurs se prononcent en faveur du système. Le 8, les Communes adoptent en première lecture le projet par 403 voix contre 105. Les trois ministres travaillistes démissionnent aussitôt. Le 13, Asquith confère avec les délégués travaillistes afin de combattre l'idée, fausse selon lui, de ses intentions au sujet du service obligatoire. Le lendemain, lors d'un deuxième vote, le projet est définitivement adopté par 431 voix contre 39.

Le 18, la marine britannique fait savoir au monde entier que le blocus contre les Empires centraux va davantage se resserrer...

Le 20, Churchill constitue le Landship Committee (comité des vaisseaux terrestres) pour développer les chars d'assaut. Le 22, les Communes votent le projet qui prévoit de porter l'effectif de la marine à 350 000 hommes. Le 27, le congrès des Trade Unions britanniques se prononce en faveur de la lutte jusqu'à la victoire...

 

En Russie, à la suite d’une demande du gouvernement français qui propose à l’Empire russe du matériel de guerre contre l’envoi d’hommes en France, l’état-major russe du général Alekseïev forme la première brigade spéciale d’infanterie. Elle est composée de deux régiments (fort chacun de trois bataillons), sous le commandement du général-major Nikolaï Alexandrovitch Lokhvitski. Partis de Moscou par le transsibérien, les 8 942 hommes rejoignent Dalian, sur le golfe de Corée, où ils montent à bord de navires français (dont le Latouche-Tréville, L'Himalaya...) qui les emmènent à Marseille. Ils arrivent dans ce port le 16 avril 1916...

 

Dans les Empires Centraux, durant tout le mois, une vaste entreprise de propagande est menée par une presse aux ordres. Le 3, une nouvelle fois, des bruits laissent entendre que Guillaume II est malade ou opéré, mais c'est une stratégie pour inciter à la compassion du peuple, car le Kaiser profitera d'une excellente santé jusqu'à la fin de ses jours, à 82 ans. Le 6, en association avec la presse bulgare, les journaux deviennent menaçants envers la Grèce. Le 10, ils s'inquiètent de l'établissement du service obligatoire en Grande Bretagne. Le 15, ils laissent à penser que le Kaiser est mourant. Le lendemain, le gouvernement dément les informations alarmistes parues la veille, mais il annonce aussi que, contrairement aux usages, la fête de l'empereur ne sera pas célébrée. Le 19, miracle, le pseudo mourant visite d'un bon pied un hôpital et le 22, il est à Nish, l'ancienne capitale de guerre de la Serbie, où il rencontre Ferdinand 1er, Tsar de Bulgarie. L'entrevue des deux monarques se déroule dans une cérémonie très pompeuse et, finalement, grotesque...

Le 7, le roi de Bulgarie Ferdinand Ier, déjà autoproclamé tsar des Bulgares songe à se faire proclamer aussi tsar de Macédoine...

Le 10, très inquiet devant la baisse du mark, le gouvernement allemand exerce de fortes pressions sur le marché suisse pour faire remonter sa cote. Le stratagème est vite éventé et sa dépréciation continue quelques jours après. Le 18, le ministre des Finances déclare que, financièrement, l'Empire va à la ruine...

Au Reichstag, la question du ravitaillement civil est l'objet de toutes les discussions...

Le 22, l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie exercent de nouvelles pressions sur la Roumanie pour tenter de faire cesser ses bons rapports avec les puissances alliées...

Le 25, et là ce n'est pas du vent, la santé de François-Joseph 1er, l'empereur d'Autriche-Hongrie qui a 85 ans, commence à décliner...

 

Au Monténégro, la situation est très confuse. Le 10 janvier, le roi Nicolas 1er tente une reddition honorable, mais les conditions posées par les Austro-Hongrois sont trop sévères et elles sont repoussées. Le lendemain, la presque totalité du pays est occupée. Le 17, une nouvelle tentative de paix est proposée, elle est aussi repoussée devant les conditions tout aussi exorbitantes formulées par Vienne. Le roi annonce alors qu'il reste à Scutari en Albanie pour organiser la résistance, mais, prévoyant, il fait partir la reine Milena et la famille royale en Italie. Sa bravoure guerrière ne dure que deux jours, et le 20 il quitte Scutari pour Brindisi en Italie confiant la résistance suprême au prince Mirko et au général Voukotitch. Après un bref passage à Rome, où il est reçu par le roi Victor-Emmanuel, son gendre, il prend le train royal italien pour aller à Lyon, il arrive le 25 à la gare de Perrache. La partie de son armée encore en état de combattre est récupérée par les Français qui l'incorporent aussitôt à l'armée d'Orient...

 

En Grèce, le 1er janvier, sans avertir le gouvernement grec, les Alliés installent une partie des rapatriés serbes, principalement les blessés et les malades (le typhus ayant gravement touché les troupes serbes sur le front), sur l'île de Corfou. Les Alliés considèrent que l'île, qui a appartenu au Royaume-Uni jusqu’en 1863, constitue le refuge parfait pour les soldats serbes et leur gouvernement. Le 5, on signale que des détachements bulgares pillent des villages à la frontière du nord. Le 9, des détachements alliés capturent à Mytilène, ville principale de l'île de Lesbos près de la côte d'Asie, les agents consulaires d'Allemagne et d'Autriche-Hongrie, ainsi que plusieurs personnes suspectes. Le 12, une partie de l'armée d'Orient s'installe à Corfou, une simple notification est envoyée à Athènes. Le 19, le gouvernement serbe, initialement installé à Brindisi en Italie, déménage et va s'installer à Corfou auprès de son armée. L'état-major français s'installe à la Fortezza Nova, l'Hôtel d'Angleterre est investi par le gouvernement serbe en exil tandis que le théâtre municipal de l'île devient le parlement serbe. Mis devant le fait accompli, le gouvernement grec est furieux, mais ses protestations véhémentes ne changent pas les choses. Dans une interview donnée à une agence étasunienne, le roi se plaint vivement des procédés employés par les Alliés contre la neutralité de son pays. Le 28, Sarrail profite du refroidissement des relations franco-grecques, pour faire occuper de vive force les forts de la presqu'île de Kara-Bournou qui ferme l'entrée de la rade de Salonique...

 

En Hollande, les 13 et 14 janvier, une violente tempête, associée à un très haut niveau des fleuves, provoque de nombreuses ruptures de digues aux Pays-Bas. Les inondations font de nombreux morts et, finalement, accélèrent les travaux pour la poldérisation de la zone du Zuiderzee...

 

En Suisse, deux officiers supérieurs suisses, le colonel Friedrich Moritz von Wattenwyl et son collaborateur, le colonel Karl Egli, sont accusés d'espionnage au profit des Empires Centraux. Débute alors "l'affaire des colonels". Dès le début du conflit, ces deux militaires de l'état-major transmettent aux attachés militaires allemands et austro-hongrois les bulletins et dépêches diplomatiques décryptés qui contiennent des données sur les intentions militaires des Alliés. Un militaire du chiffre les dénonce auprès de deux journalistes romands germanophobes car il considère que la neutralité suisse est violée. Le Conseil fédéral et le général Ulrich Wille sont informés de cet espionnage en règle en décembre 1915. Ce dernier, chef de l'état-major, éloigne simplement les deux colonels. Mais, sous la pression des parlementaires, de la presse et de l'opinion publique suisse romande, le Conseil fédéral ordonne le 11 janvier 1916 une enquête administrative. Le 18 janvier, Wille(3) accepte la comparution des deux officiers devant un tribunal militaire mais refuse leur condamnation qu'il juge nuisible à l'image de l'armée suisse. Le lendemain, le Conseil fédéral décide de les soumettre à une procédure judiciaire complète. Au cours du procès qui se tient à Zurich, les accusés soulignent "qu'un service de renseignement possède des règles propres qui le placent souvent au-dessus de la morale et de la neutralité". Egli indique pour sa part que "tout le service de renseignement est contre la neutralité". Un témoin de moralité souligne "les droits du neutre étant sans cesse bafoués, entre autres par les Alliés, le neutre peut déroger à ses devoirs". La sentence sera rendue en février. La plus grande partie de la presse francophone attaque l'état-major et les services d'espionnage, les considérant comme des auxiliaires des Empires Centraux. Des manifestations populaires importantes se déroulent dans la Suisse romande, et, le 29, à Lausanne, le drapeau allemand, arboré à l'occasion de la fête du Kaiser, est arraché du consulat d'Allemagne. Le gouvernement helvétique exprime ses regrets à Berlin. Toute la confédération constate alors qu'un fossé culturel, mais aussi stratégique, commence à se creuser entre la Suisse romande et la suisse alémanique...

 

Aux États-Unis, le gouvernement fédéral est toujours furieux devant les agissements hors-la-loi des sous-marins des Empires Centraux. Le torpillage du Persia où, une nouvelle fois, des résidents du pays périssent -dont un consul- enveniment encore plus les relations avec Vienne. Le 16, les autorités procèdent à une vague d'arrestations de plusieurs milliers de marins allemands sous l'accusation de complot. Le 30, le gouvernement essaie de faire des propositions aux deux groupes de belligérants au sujet de la guerre navale. Elles ne seront même pas étudiées...

 

Au Mexique, le 13 janvier le Président mexicain Venustiano Carranza fait dissoudre les "Bataillons rouges"(4)...

 

En Afrique, le 8 janvier les troupes alliées entrent à Yaoundé, capitale du Cameroun, déjà évacuée par les Allemands...

 

Au Moyen-Orient, le 30 janvier, c'est la 8ème et dernière lettre du résident britannique au Caire, Henry McMahon, au chérif de La Mecque, Hussein ibn Ali. Au terme de cet accord, le chérif s’engage à combattre les Turcs aux côtés des Alliés et, en échange, il obtiendra l'indépendance du "royaume arabe" par les Britanniques...

 

Dans le monde des arts et des lettres, le 11 janvier à Buenos Aires en Argentine, c'est la naissance de Bernard Blier, qui reste l’un des acteurs français les plus prolifiques avec plus de 200 films, pièces de théâtre et téléfilms. Le 19 janvier à Marseille, c'est le décès à 54 ans du premier matador français, le Landais Félix Robert. Il a eu une vie très mouvementée, bien au-delà de la tauromachie, puisque des historiens US le citent comme l'une des soixante personnalités de l'Ouest américain, aux côtés de Billy the Kid, Butch Cassidy, Geronimo et Kit Carson...

Au mois de janvier 1916, paraît l’album de BD “Bécassine pendant la guerre”, sur un scénario de Caumery avec les dessins de Pinchon et Porphyre (il sera re titré “Bécassine pendant la Grande Guerre” en 1968). Dans cette BD l’héroïne bretonne incarne l'engagement des femmes dans le conflit. Tour à tour elle devient une infirmière courageuse, marraine de soldats, patriote, elle soutient et réconforte tous ceux qui en ont besoin...

 

Sur le front en France, comme en décembre, l'essentiel des activités militaires se déroule dans les airs ou sous terre. Toutefois, à un endroit ou à un autre, de multiples attaques locales se développent à l'initiative de l'un ou de l'autre des belligérants. Brèves, mais violentes, elles empoisonnent la vie des soldats des premières lignes qui sont toujours obligé, de rester sur le qui-vive. Les mines sont de plus en plus 'explosives', parfois ce sont plusieurs tonnes de TNT qui éclatent sous les tranchées. Outre les effets mortifères immédiats, ces entonnoirs se transforment rapidement en trous boueux d'où il est très difficile de s'extraire. Parfois ces fosses deviennent l'enjeu de luttes féroces, dont les occupants changent plusieurs fois dans la même journée...

Les rats, fléaux des tranchées, grouillent de partout. Mangeurs de cadavres et de détritus, ils dévorent et souillent les victuailles, rongent même les orteils des dormeurs imprudemment déchaussés. Collets, fils de fer, cartouches piégées, tous les moyens sont mis en œuvre pour les exterminer. Une énorme chasse aux rats est ordonnée en 1916 avec une prime d'un sou qui récompense chaque queue présentée à l'intendance, tout cela en vain. Pour un rat qu'on tue, vingt autres surgissent. Dans certains secteurs plus calmes, les soldats arrivent à se procurer la plus efficace des protections, un chien ratier...

Au froid et à la boue s’ajoute une hygiène déplorable, car l’eau est rationnée. Cela entraîne diverses pathologies liées aux conditions précaires de vie dans les tranchées : gale ou engelures dans le meilleur des cas, mais aussi "pied de tranchée", résultant de la station permanente dans l’eau boueuse et dégénérant souvent en gangrène...

Comme en décembre, l'artillerie ne cesse de tirer. Toute la ligne de front est constamment zébrée par des obus, des plus petits aux plus lourds. Le vacarme de la canonnade est permanent. Même les secteurs montagneux comme les Vosges, enneigés et impraticables, n'échappent pas aux tirs des canons...

Le 9, les Allemands lancent, en Champagne, une violente attaque qui débute par des explosions de gaz suffoquant. Elle se poursuit deux jours durant et sur un front de 8 kilomètres. C'est un échec complet, les quelques tranchées conquises sur les défenseurs français étant reprises quelques jours plus tard...

Le 11, à 3h30, la ville de Lille est secouée par une très violente explosion tandis qu’une grande lueur jaune illumine le ciel. Le bastion des "18 Ponts", un ensemble de 18 casemates voûtées avec de profonds souterrains dont les Allemands se servent comme poudrière, vient d'exploser. 21 usines et 738 maisons sont soufflées, seul subsiste un cratère de 1 500 mètres de diamètre. Une chance, les usines de textile Wallaert et Le Blan, aux murs en béton armé, servent d’écran protecteur à la ville qui subit quand même des dégâts non négligeables. Le bruit de la déflagration est entendu jusqu’à Ostende, Bruxelles et Breda, à plus de 150 km. On relève 104 victimes civiles, parmi lesquelles des familles entières et près de 400 blessés, dont 116 grièvement. L’occupant déplore officiellement 30 morts. Il est probable que cette explosion ait été due à une détonation spontanée d’explosifs de mauvaise qualité et/ou instables...

Conformément à la conférence de Chantilly qui s'est tenue en décembre, les états-majors français et britanniques commencent les préparatifs pour la future bataille de la Somme prévue en juillet. Le nez sur leurs cartes, plongés dans cette nouvelle entreprise, les officiers de haut-rang négligent les comptes-rendus, pourtant très précis et alarmistes, faits par les différents commandements qui stationnent à Verdun...

Dans le camp allemand, c'est l'effervescence inverse. Depuis des mois, le général qui commande le futur assaut, Erich Von Falkenhayn, après une étude très minutieuse du front, met en place une nouvelle stratégie pour saigner à blanc l'armée française. Lui et son état-major, sont arrivés à la conclusion que, dans la présente guerre des tranchées, attaquer de front est quasi suicidaire. Alors, plutôt que de se lancer dans une offensive terrestre pure, pourquoi ne pas mettre en place une guerre d'usure où l'ennemi va engloutir toutes ses réverses ? Et, quand il sera affaibli et épuisé, lancer la grande offensive qui permettra de percer ? Il considère que la guerre d'encerclement maritime que mènent les Alliés va étrangler petit à petit son pays qui ne peut plus compter sur de grandes forces extérieures. Il lui faut donc agir rapidement et efficacement dans une tactique, une guerre d'usure, qui préserverait ses hommes mais détruirait l'adversaire en utilisant sa puissante artillerie...

Pour cela, le saillant de Verdun offre deux énormes avantages. D'abord géographique, les Allemands dominent les hauteurs de la vallée de la Meuse et la ligne de front forme une avancée où ils sont présents sur les trois côtés, nord, ouest et sud. A ceci il faut ajouter qu'il y a une densité de lignes ferroviaires à cet endroit presque sans égal sur le reste du front. De nombreuses voies convergent vers les triages de Metz, Conflans-Jarny, Baroncourt, Audun-le-Roman, Longuyon. De plus, presque toutes sont en parallèle du front, ce qui est un atout considérable en possibilité de points de ravitaillement pour son artillerie. Économique ensuite, la ligne de front allemande est à très peu de distance des aciéries de Longwy et de celles de la vallée de la Fensch(5) où, sur 40 kilomètres, les hauts fourneaux et autres convertisseurs Bessemer, ne cessent jour et nuit de produire de l'acier. Falkenhayn sait aussi que les Français vont s'accrocher au terrain parce qu'ils ne peuvent plus reculer, tout cela ne peut que servir ses objectifs guerriers(6)...

A l'inverse, du côté français, Verdun est une vieille place forte, plus du tout adaptée à la guerre moderne, surtout face à la puissante artillerie allemande et à leur aviation qui commence à compter. Les forts qui la protègent du nord au sud ont été vidés de leurs canons en août 1915 au motif qu'ils seraient plus utiles ailleurs, ce qui n'est pas dénué de bon sens(7). La Meuse canalise sur quelques ponts les axes de transport. Se battre le dos à un grand fleuve est toujours un sacré handicap pour des défenseurs, d'autant plus que les ponts sont des cibles relativement faciles pour une artillerie qui les surplombe et une aviation qui commence à bombarder avec précision...

 

Réfugiés serbes dans le camp retranché de Salonique

Le croiseur français Surcouf au large du Cameroun

Soldats de l’escadrille V90 dans les Balkans

Caricature des colonels espions suisses dans un journal francophone

L’Écho de Barbentane de mars 1916

(1) Il nous faut constater que les trois concepteurs de l'arme blindée française, Léon-Augustin Mourret (promo 1868), Jean-Baptiste Estienne (promo 1880) et Léon-René Levavasseur (promo 1882) sont tous les trois polytechniciens et officiers d'artillerie.

(2) Le général Léon-Augustin Mourret a des origines barbentanaises, voir le document qui lui est consacré sur mon site.

(3) Ulrich Wille a fait ses études à Berlin, c'est aussi un adepte de l'éducation militaire à la prussienne. De plus, il est marié à la fille de Friedrich Wilhem von Bismarck, ce qui le classe parmi les grands germanophiles suisses prêts à s'engager militairement aux côtés des Empires Centraux.

(4) Dans l'histoire très mouvementée du Mexique, les Bataillons rouges étaient des milices armées ouvrières alliées à Carranza et aux propriétaires fonciers. Ils combattaient les paysans sans terre des troupes de Pancho Villa et Emiliano Zapata.

(5) Cette vallée de la Fensch, où pendant 5 ans j'ai "tiré" des trains, sera mise en l'honneur 60 ans après dans la chanson Les Barbares de Bernard Lavilliers.

(6) Cette préparation à la guerre d'attrition est largement décrite par Falkenhayn dans ses mémoires. Mais il est aussi à noter que, selon des travaux historiques récents, l'objectif des Allemands était plus simplement de prendre le saillant de Verdun. La version d'une bataille d'attrition étant une justification inventée après coup par Falkenhayn pour masquer son échec.

(7) Prenant expérience sur la relative facilité qu'ont eue les Allemands de détruire très rapidement les forts, pourtant réputés inexpugnables, à Anvers puis à Maubeuge en septembre 1914, cette réflexion n'est pas militairement parlant une idiotie.

(8) Cette route ne deviendra la célèbre "Voie sacrée" qu'après la guerre. C'est Maurice Barrès qui la surnomme ainsi en référence à la Via Sacra, voie romaine menant au triomphe.

(9) En 1913, à peine 1 000 kilomètres de routes sont goudronnées en France métropolitaine.

(10) Le Repulse et son jumeau de construction le Hood, paieront très cher leur insuffisance de blindage. Le Repulse coulera, traversé de part en part par une bombe japonaise le 10 décembre 1941 au large de la Malaisie, en mer de Chine méridionale ; plus de 500 marins périront. Le Hood, ne résistera que quelques minutes aux salves meurtrières du cuirassé allemand Bismarck le 24 mai 1941 dans le détroit du Danemark et on ne repêchera vivants que trois marins sur les 1 419 hommes d'équipage.

(11) Pour mémoire, le général Gouraud deviendra haut-commissaire de la République en Syrie et au Liban à partir de 1919.

Automitrailleuses belges en Russie

Automobiles allemandes, encore sous caisse, au palais du Kaiser à Corfou

Terrain d’aviation de l’escadrille française V90 sous la neige dans les Balkans

Chasseurs-Alpins français prenant position sur l’île grecque de Corfou

Par décalage pour son édition, c’est l’Écho de mars 1916 qui relate les événements de janvier et début février...

Bar Parisien, tenu par un commerçant bulgare dans la forteresse de Salonique

Soldats français à l’entraînement avec un canon de 37 mm

Soldats turcs skis aux pieds dans le Caucase

Le fort de Douaumont au 1er janvier 1916

Soldats monténégrins en retraite dans un village des Balkans

Canon lourd tracté par un camion Latil de fabrication française