BARBENTANE

en juin 1915

Par décalage pour son édition c’est l’Écho d’août 1915 qui relate les événements de juin et début juillet...

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En Grande-Bretagne, une importante usine d'automobiles pour l'armée est détruite dans un incendie à Londres le 10 juin. C'est le 41ème incendie suspect depuis le mois de novembre dans les ateliers intéressant la défense nationale. Le 15 juin, le Board of Trade de Londres constate qu’en dépit de la campagne des sous-marins allemands, le commerce britannique s'accroît. La valeur des importations de mai 1915 dépasse de 10 millions de livres sterling le chiffre de mai 1914, il en est de même pour les exportations. Le 28 juin, la Chambre des communes britannique adopte le bill relatif à la fabrication intensive des munitions. Le 30 juin, la guerre navale autour des îles britanniques interrompt le commerce du salpêtre venant du Chili, un élément pourtant essentiel à la fabrication de différentes munitions...

En Russie, à Moscou de graves désordres éclatent le 10 juin. La foule saccage les usines et les magasins des sujets des pays ennemis. Le 22 juin, les négociations reprennent avec la Roumanie. En contrepartie de leur intervention aux côtés de l’Entente, Sergueï Sazanov, ministre russe des Affaires étrangères, propose de laisser aux Roumains Czernowitz et la ligne du Pruth, mais pas la partie du territoire de Banat qui est alors Hongroise. Le 25, Ion Bratianu, président du Conseil roumain, reste intraitable sur la question du Banat et offre des compensations militaires pour rassurer les Serbes. Le 29 juin, par un rescrit, le tsar Nicolas II institue un Conseil des fournitures militaires qui fait passer dans les usines les commandes de l'État avant celles des particuliers...

En Allemagne, le 6 juin, craignant que les États-Unis, irrités par l’affaire du Lusitania, ne mettent fin à leur neutralité, Guillaume II envoie au président Wilson une déclaration concernant la limitation de la guerre sous-marine. Les navires transportant des passagers seront épargnés par les U-boots. Mécontent de cette décision, l’amiral von Tirpitz offre sa démission de ministre de la Marine, l’empereur refuse. Le 9 juin, 750 sociaux-démocrates, conduits par Karl Liebknecht, protestent contre la politique du gouvernement. Le 17 juin, l’ambassadeur d’Allemagne à Constantinople informe le chancelier von Bethmann-Hollweg que le gouvernement turc a ouvertement admis vouloir profiter de la guerre pour exterminer la population arménienne sans être gêné par la diplomatie européenne. Le 23 juin, les grands industriels allemands formulent de nouveaux "buts de guerre" qu’ils soumettent au chancelier von Bethmann-Hollweg. Ils demandent l’annexion de la Pologne, de l’Ukraine et des Pays baltes. Le 26 juin, le gouvernement allemand interdit le quotidien berlinois Vorwürts pour avoir publié une résolution de paix élaborée par l’aile gauche radicale du parti social-démocrate...

En Turquie, des échauffourées entre civils turcs et soldats allemands se produisent à Galata et à Pera, deux faubourgs de Constantinople le 14 juin. Arrestations et massacres à coups de hache de tous les Arméniens valides du vilayet de Sivas le 26 juin. Les femmes et les enfants, molestés par la police et les Kurdes, partent en convois séparés vers le sud. Les vilayets de Bitlis, Erzeroum et Trébizonde sont vidés de toute la population arménienne, qui est soit tuée soit déportée. Sur les 2,1 millions d’Arméniens qui vivaient dans l’Empire ottoman, environ un million périssent entre 1915 et 1918. 120 000 survivants atteignent les villes syriennes, 200 000 l’Euphrate, et 300 000 le Caucase à la faveur de l’occupation russe. Après de nombreux départs en Europe, il ne reste au Moyen-Orient que 70 000 Arméniens. Fin juin, le chérif Hussein s’engage auprès des Britanniques à déclencher la révolte au cours de l’année suivante. Informés de ces projets, les Ottomans décapitent les mouvements nationalistes arabes de Syrie durant l'été 1915...

Le 2 juin, le président des États-Unis, Woodrow Wilson, rappelle à l'ambassadeur d'Allemagne l'exécution du droit international. Le 5 juin, l'inauguration officielle du pavillon français à l'Exposition universelle de San-Francisco a lieu sous les applaudissements de la société étasunienne. Le 8 juin, William Jennings Bryan, ministre des Affaires étrangères des États-Unis, démissionne par crainte d'une future entrée en guerre des USA. Le 10 juin, une deuxième note est envoyée à Berlin par le président Wilson qui accentue la polémique américano-allemande engagée depuis l’affaire du Lusitania. Dans cette note, en termes courtois mais énergiques, il demande des assurances concernant les mesures prises par l'Allemagne pour sauvegarder, dans l'avenir, la vie et les biens des citoyens américains...

En Afrique, le 6 juin, au Maroc espagnol, la colonne du général Villalba atteint la Moulouya tandis que les insurgés menés par Ar-Raisuli essuient une série de défaites. Le 10 juin, c'est la prise de Garoua au Cameroun, assiégée depuis le 8 janvier par les troupes franco-britanniques. Les 22 et 23 juin, les Allemands du Sud-Ouest africain sont battus par les Britanniques à la bataille de Bukoba...

Dans les Balkans, le 6 juin, les soldats serbes s'avancent sur Scutari, une ville d'Albanie, et le 11 juin ils pénètrent dans Tirana, la capitale du pays. Le 24 juin, c'est l'armée monténégrine qui s'empare d'importantes positions à proximité immédiate de Scutari et elle poursuit son offensive jusqu'en en Bosnie...

En Grèce, Le 14 juin, le parti de Elefthérios Venizelos, partisan de l'entrée en guerre immédiate contre la Turquie, sort grand vainqueur des élections législatives. Les deux tiers des députés de la nouvelle Chambre sont venizélistes. Le 20 juin, Venizelos déclare publiquement que la Grèce doit marcher contre les puissances de l'Europe centrale...

Enfin, le Danemark se donne le 5 juin une nouvelle constitution qui accorde le droit de vote aux femmes...

La crise des munitions. Faute de grands stocks, et face à l'ampleur de l'offensive allemande, le Royaume-Uni et la France non préparés à une telle situation, doivent faire face à une grave "crise des munitions" en mai-juin 1915. Depuis le début du conflit, les différents types de munitions se sont multipliés tant dans les obus d'artillerie que dans les bombes pour l'aviation. A cela, il faut rajouter les nouvelles munitions comme les obus à gaz, les mortiers et les grenades. Sans oublier les duels d'artillerie incessants et les préparations avant les offensives qui consomment des quantités impressionnantes d'obus. A titre d'exemple, le 16 juin en Artois, les Alliés tirent 300 000 obus en 24 heures, soit presque 15 jours de production de l'époque. Du coup, les usines d'armement classiques n'arrivent plus à assurer les besoins essentiels des armées en guerre. Pour ajouter à la crise, les munitions sont assez souvent de mauvaise qualité. S'il est courant que les obus n'explosent pas au choc, ils explosent parfois directement dans la culasse des canons, ce qui blesse au minimum, mais tue le plus souvent, tous les servants...

L'argument médiatique de cette crise, que les journaux britanniques "sensationnalisent", aura été les échecs successifs des batailles de Neuve-Chapelle, de la crête d'Aubers, de l'Artois, des Dardanelles et de Gallipoli. La crise des obus est un facteur important dans la chute du gouvernement libéral britannique en mai, au profit d'une coalition. Elle permet aussi la montée en puissance du nouveau ministre des munitions, David Lloyd George. Faire face à cette crise est devenu une priorité pour les Alliés. Toutes les économies libérales sont réorientées vers l'effort de guerre. Un peu partout, jusqu'au Canada, sont créées de nouvelles usines, parfois en moins de deux mois. On rationalise la production, on améliore la qualité, on embauche des millions de femmes pour remplacer les hommes partis au combat. D'ailleurs, on leur trouve même un nouveau nom "Les Munitionnettes". Bien sûr, le patronat profite de la situation pour durcir les conditions de travail et baisser les salaires des femmes, ce qui se traduira par des grèves à partir de 1916. Les ouvrières et les ouvriers des usines de munitions font l'objet d'enquêtes approfondies pour limiter les risques de sabotage. A titre d'exemple, à l'usine Citroën de Javel à Paris, le règlement intérieur des ateliers stipule "Défense de s’asseoir. Défense de causer. Défense de faire grève". Les salaires qui étaient de un franc de l’heure en 1914 dans la métallurgie parisienne passent à 0,80 franc pour les "munitionnettes". Il en est de même pour les travailleuses en Grande-Bretagne. Une loi britannique sur les munitions de guerre (Munitions of War Act 1915) est votée, qui interdit non seulement la grève, mais toute démission d'un employé produisant des munitions, sans le consentement de son employeur. Les sociétés privées qui participent à l'effort de guerre sont elles-mêmes sous le contrôle total des différents gouvernements. L'industrie automobile française est mobilisée et encadrée. Elle profitera largement de la situation, en particulier André Citroën (le French Ford, qui avait en 1912 visité les usines Ford de Dearborn) qui impose un nouveau système productif inspiré de la production américaine de masse. Renault, Peugeot, Schneider et bien d'autres verront la réorientation de leur production pour satisfaire les nombreuses commandes militaires qui ne cessent d'affluer...

La guerre maritime et aérienne. Malgré la note allemande sur la restriction donnée aux U-Boots d'épargner les navires transportant des voyageurs, la guerre sous-marine fait rage autour des Îles britanniques. Dans la mer du Nord, deux torpilleurs britanniques sont coulés et, dans la seule journée du 17 juin, sept navires neutres sont détruits, dont trois vapeurs norvégiens...

Dans le ciel, malgré leur faiblesse, les zeppelins continuent les bombardements incendiaires de nuit sur des localités autour de Londres et jusque dans le nord-est du pays. Ils provoquent des incendies qui sont rapidement circonscrits. Parfois, des civils sont blessés et tués en nombre, comme les 7 et 15 juin, ce qui met en fureur les Britanniques contre les commerces tenus par des allemands...

Si, au-dessus des tranchées en France, les vols sont le plus souvent effectués par des avions solitaires pour la reconnaissance, des exploits individuels sont à noter, comme celui du lieutenant britannique Warneford qui abat un zeppelin le 7 juin. De temps en temps, l'aviation stratégique effectue des sorties "de masse" en escadrille. Le 3 juin, ce sont 29 avions français qui, avec 178 bombes et des milliers de fléchettes, bombardent le quartier général du Kronprinz en faisant des dégâts importants. Le 7 juin, des avions britanniques incendient un hangar de dirigeables près de Bruxelles et bombardent Gand. Le 15 juin, ce sont 23 avions qui jettent 135 projectiles sur Karlsruhe, ce qui déclenche de nombreux incendies, et met en panique une partie de la population de la ville. Le 21 juin, des escadrilles françaises bombardent, dans le Nord, des parcs d'aviation de l'ennemi. Ils incendient quatre hangars, abattent deux avions et un ballon captif...

Suite de la bataille de l'Artois. Du 2 au 5 juin, à Neuville Saint-Vaast, une attaque générale est menée sur les deux flancs du village. Elle est arrêtée par des feux d'artillerie et de mitrailleuses. A l'ouvrage fortifié du Labyrinthe, les Français prennent une partie des tranchées et la progression se poursuit avec succès à coups de grenade. D'ailleurs, en 3 jours, une seule division en consomme 24 000. A Souchez même, une nouvelle attaque est menée sans succès. Malgré le terrain détrempé, les Français arrivent à élargir les positions récemment conquises sur le plateau de Notre-Dame-de-Lorette. Plus tard, une autre attaque enlève Ablain-Saint-Nazaire et la sucrerie de Souchez, puis investit étroitement le parc de Carleul et le village de Souchez. Enfin, Neuville-Saint-Vaast, disputé maison par maison dans une lutte opiniâtre, tombe aux mains des Français qui s'emparent ainsi de la presque totalité de l'ouvrage du Labyrinthe...

Le 7 juin, des attaques sont menées au sud d’Arras vers les villages d’Hébuterne et de Serre. Le 10 juin, et pendant 4 jours, sur ce front de 10 kilomètres, l'artillerie franco-britannique entreprend une destruction systématique de toutes les organisations ennemies. L'objectif principal est toujours la crête de Vimy...

Les 13 et 14 juin, l'artillerie française exécute pendant plusieurs heures des tirs violents à cadence rapide, simulant les préliminaires d'une attaque. L'ennemi est ainsi entretenu dans la menace d'un assaut immédiat. Mais ce n'est que le 16 juin à midi que les fantassins français partent à l'attaque. Les Allemands se font surprendre et les pertes des assaillants s'en trouvent sensiblement réduites. En fin de journée, de sérieux progrès sont réalisés au centre de l'attaque au nord-ouest d'Angres, sur le plateau de Notre-Dame-de-Lorette, et au sud-ouest de Souchez. Par contre, à droite et à gauche de cette avancée, aucune percée n'est faite. Pire, les quelques mètres péniblement gagnés sont repris aussitôt par les Allemands...

Du 19 au 23 juin, presque tout le front se met de part et d'autre sur la défensive. Plus aucune attaque d'envergure n'a lieu. Le 25 juin, l'état-major français constate que la solidité des organisations défensives allemandes avec leur artillerie surpuissante, abondamment approvisionnées, ne permet plus aucun progrès. Dans ces conditions, le général Victor d'Urbal décide de suspendre momentanément les opérations d'ensemble. La deuxième bataille de l'Artois est terminée !!!

En définitive, cette offensive consciencieusement préparée et effectuée avec toute la puissance que comportaient nos possibilités matérielles du moment, n'a pas atteint l'objectif final assigné, tout en obtenant quand même des résultats non négligeables. Sur un front de 6 kilomètres, elle a permis la reconquête de plus de 3 kilomètres de terrain en profondeur. Les généraux français Philippe Pétain et Marie-Émile Fayolle se distinguent nettement des autres chefs en présence, ils assurent avec succès et intelligence toutes les tâches qui leur sont assignées. Mais ces succès relatifs sont très chèrement payés. Pour la période du 9 mai au 16 juin, les pertes franco-britanniques atteignent le chiffre de plus de 180 000 morts, disparus et prisonniers. Pour les Allemands, mieux protégés car sur la défensive, ces pertes sont bien moindres. Sur le plan stratégique, il est indéniable que cette vigoureuse offensive a eu comme conséquence de limiter l'effort allemand contre les armées russes, dans un moment particulièrement critique pour ces dernières, et de faciliter la mobilisation des forces militaires de l'Italie, entrée le 24 mai dans la coalition. Enfin, pour le moral des Alliés, le dogme de l'inviolabilité du front allemand recevait une atteinte grave...

Neuve-Chapelle en ruines après la bataille de l’Artois

La Situation de la Guerre en Juin 1915

Sur le plan politique. En France, le 17 juin, devant l’ampleur des blessures constatées à la tête, le ministère de la Guerre décide de fournir des casques aux soldats. Le lundi 21 juin, le rapport général du budget est distribué à la Chambre. Il constate que nos dépenses de guerre s'élèvent à 2 milliards par mois, soit 3 millions par heure et 50 000 francs par minute. Le 22 juin, un entretien du pape Benoit XV est publié dans le quotidien La Liberté. Le souverain pontife, tout en exprimant son horreur de la guerre, reste très imprécis sur les condamnations dont l’Allemagne doit faire l’objet. Cela crée une vive émotion dans l’opinion catholique française. Le 25 juin, Georges Clémenceau salue dans le quotidien l’Homme enchaîné, l’entrée en guerre de l’Italie : "L’Italie, hésitante, a reconnu que son histoire ne lui permettait pas d’être absente d’un combat qui est celui de l’humanité tout entière". Le même jour, à la Chambre, le ministre des Finances Alexandre Ribot prononce un discours sur l’augmentation des dépenses militaires prévues à partir du mois de juillet. Un appel est lancé aux particuliers pour qu’ils "fournissent leur appoint à l’œuvre d’héroïsme" en confiant à l’État leur or et leurs capitaux. Le 26 juin, la Chambre vote à l’unanimité la proposition de loi présentée par le radical Victor Dalbiez sur les moyens d’obtenir "une meilleure utilisation des hommes mobilisés et mobilisables" façon prudente de désigner la "chasse aux embusqués". Cette loi sera promulguée le 19 août...

 

 

Au Tyrol, muletiers italiens au repos après une rude montée

A Caporetto(1) prisonniers autro-hongrois amenés par les Italiens

Artillerie allemande sur le front de l’Artois

Aux Dardanelles, soldats français épuisés dormant dans une tranchée

En Flandres, "barbares allemands" soigant une carie

Aux Dardanelles, soldat Anzac assitant un blessé turc

Munitionnettes au Royal Arsenal en Angleterre

Canon de 75 complètement éventré suite à l’explosion d’un d’obus défectueux

Stock d’obus français en arrière du front de l’Artois

Soldats allemands au repos dans une ferme en Pologne

Aux Dardanelles, campement Anzac en baie de Suvla

Aux Dardanelles, canon turc détruit dans le fort de Sedul Barh

Dans le bas Isonzo, barges du génie italien pour franchir les inondations austros-hondgroises

Dans les Dardanelles, au bord de la mer Égée, un soldat Anzac rendant un dernier hommage à un camarde tué et sommairement enterré

Dans les Ardennes occupées, femmes réquisitionnées pour la fenaison

Prisonniers austro-hongrois dans le bas Isonzo

Soldats britanniques montant à l’assaut dans la Somme

Prisonniers français en route pour l’Allemagne

Soldats austro-hongrois escaladant une arête rocheuse vers Caporetto

En France encore, à Bois-le-Prêtre, près de Pont-à-Mousson, comme à Ypres, comme dans les Hauts de Meuse, comme en Argonne, la guerre se réactive par une poussée allemande. Certes, on est loin des furieuses mêlées de milliers d'hommes comme dans l'Artois, mais la sauvagerie est bien la même. A Vauquois, les tranchées allemandes sont aspergées de liquide enflammé. Les tranchées sont allemandes un jour, françaises, belges ou britanniques le lendemain, pour redevenir allemandes le surlendemain. Les gains sont insignifiants, mais les mines et les attaques sauvages à la grenade font des centaines de morts tous les jours...

L'artillerie allemande à longue portée s'active, Reims, Verdun, Saint-Dié, Compiègne, Dunkerque... reçoivent régulièrement des obus qui font des morts parmi les civils. L'artillerie française aidée par l'aviation essaie vainement de faire taire ces canons. Par contre, elle bombarde avec efficacité une partie du camp retranché de Metz ainsi que la gare de Douai et celles des alentours...

Dans la Haute-Alsace, une offensive locale est menée par les généraux Pouydraguin et Serret pour reconquérir la haute vallée de la Fecht. Le 15 juin, un premier assaut est lancé par les chasseurs-alpins de Savoie, du Dauphiné, du Massif central et de Provence. Ils se heurtent à une vive résistance à l'Hilsenfirst. L'assaut sur Metzeral est donné les 20 et 21 juin, le combat a lieu dans le village même, heureusement évacué de ses habitants. Sous une pluie torrentielle, on se bat au corps à corps, à coups de crosse et de baïonnette pour reprendre des rues, le cimetière, la gare… Un communiqué allemand du 23 juin fait état de la prise de ces deux villes, mais le 24, la bataille de Metzeral est officiellement remportée par les troupes françaises. Tous ces champs de batailles ne sont plus que des ruines fumantes...

En fin de mois, éclatent des orages violents sur la presque totalité du front occidental, rendant impossibles toutes les activités militaires...

Sur le front italien. En ce mois de juin, la plus grosse partie des troupes italiennes se concentre sur le fleuve Isonzo où, pendant plus de deux ans, jusqu'en octobre 1917, l'essentiel de la guerre va se dérouler. Les Italiens occupent maintenant toute la rive droite du fleuve, de Caporetto(1) à la mer. Plus à l'est, dans les Alpes, la guerre de montagne se met aussi en place avec des effectifs moindres. Même sur le lac de Garde, qui sert de frontière naturelle avec l'empire austro-hongrois, la canonnade malmène les forts autrichiens. Dans l'Adriatique, la flotte italienne bombarde le port de Monfalcone et la côte Dalmate. Elle endommage les lignes ferroviaires côtières et détruit les installations de transmission des îles de Lissa et Curzola. En s'emparant de Preikofel, position stratégique aux sources de l'Isonzo, ainsi que des villes de Gradisca et de Monfalcone à son embouchure, les troupes italiennes prennent un ascendant sur leur ennemi en ce début de conflit...

Du Monte-Nero, l'artillerie italienne ne cesse de bombarder les ouvrages ennemis. Au col de Freikopel, après huit charges à la baïonnette, deux armistices sont conclus pour enlever les morts et les blessés. Toujours aux sources de l'Isonzo, l'artillerie, et parfois l'aviation, ne cessent de bombarder le fort austro-hongrois de Malborghetto. Sur son cours moyen, les Italiens débouchent à Plava et occupent les hauteurs environnantes. Plus à l'ouest, dans la région du Tyrol, les soldats italiens progressent pas à pas et s'emparent de Punta-Tasca...

Toutefois, la résistance austro-hongroise s'organise, de grosses pièces d'artillerie sont amenées près du front, elles causeront bientôt de gros dommages. A l'embouchure l'Isonzo, copiant les Belges sur l'Yser durant l'automne 1914, les Austro-Hongrois tentent d'inonder la basse plaine du fleuve. Cette tentative est un échec car le terrain est suffisamment drainé par une multitude de canaux, et les Italiens obstruent le canal de Monfalcone qui alimentait l'inondation. Leurs contre-torpilleurs canonnent Pesaro et Rimini, villes ouvertes italiennes. En riposte, un dirigeable italien cause de graves dégâts à l'important embranchement de chemins de fer de Divaccia, et un autre, près de Trieste, bombarde une fabrique de munitions. Un avion italien lance des bombes sur les usines métallurgiques autrichiennes de la Ferryera...

Le sous-marin italien Médusia, qui avait accompli d'utiles services d'exploration, est coulé par un sous-marin ennemi...

Le 27 juin, un communiqué italien signale, sur le front de l'Isonzo, l'emploi par les Austro-Hongrois, d'obus contenant des gaz asphyxiants...

Sur le front oriental. La progression russe dans le Caucase est au point mort. Sur le front près de la baltique et en Pologne, les forces russes progressent encore. Au centre du front, vers Varsovie, ainsi qu'au nord des Carpates, elles sont maintenant nettement surclassées par l'offensive allemande...

Après de nombreuses tergiversations, les Russes finissent par abandonner en bon ordre et presque sans combats Lemberg et la place forte de Przemysl qu'ils ont eu tant de mal à conquérir pendant hiver. Profitant de leur avantage dans le sud de cet immense front, les Austro-Hongrois-Allemands progressent vers le centre de la Pologne...

Dans la Baltique, les Allemands concentrent une puissante force navale que les sous-marins russes, malgré quelques succès, n'arrivent pas vraiment à combattre. De la Prusse-Orientale, maintenant hors de danger, l'offensive allemande se poursuit vers Vilkoviski, Grodino et Kono sur le Niémen. Même s'ils résistent farouchement au nord à Chavli près de la Baltique, les Russes sont enfoncés au sud, et les forces allemandes atteignent le chemin de fer de Wirballen et franchissent, près de Juravno et de Rousdwiany, la rive gauche du Dniester. Tous ces combats se déroulent dans une grande violence, tant avec l'infanterie qu'avec l'artillerie, parfois avec des gaz, et les pertes sont considérables dans les deux camps, ce que ne traduisent pas toujours les communiqués officiels russes faisant invariablement la part belle aux quelques victoires locales...

En Galicie, où le Kaiser a pris le commandement suprême, les forces germano-austro-hongroises réunissent de formidables effectifs à l'est du San, et la poussée en direction de Tarnopol en Ukraine est relativement rapide...

Le 28 juin, en mer Baltique, une division de vaisseaux allemands bombarde le port de Vindau, et tente un débarquement. Cette tentative est repoussée par des torpilleurs russes...

Dans les Dardanelles. Les Alliés décrètent le blocus des côtes d'Asie Mineure entre les Dardanelles et le golfe Saros. L'Amirauté britannique fait savoir que le ravitaillement des Turcs et des Allemands est effectué par des navires grecs, ce qui peut amener des conséquences regrettables pour ces derniers...

L'activité sous-marine se poursuit avec intensité dans la mer de Marmara et nombreux sont les transports turcs et allemands malmenés, parfois coulés. La flotte russe de surface en fait de même dans la mer Noire et elle coule des transports jusqu'à l'entrée du Bosphore où elle endommage gravement le croiseur allemand Breslau...

Dans la presqu'île de Gallipoli, les troupes alliées attaquent sur tout le front avec l'appui de la flotte qui bombarde sans relâche les lignes ennemies. Mais les conquêtes sont dérisoires, une tranchée tout au plus. Cette poussée est contenue par les Turcs avec des pertes insupportables à la longue, mais dans le présent ils résistent avec beaucoup de vaillance. Par deux fois, les Turcs lancent des offensives, elles se font à chaque fois "hacher menu"...

Le 30 juin 1915, le général Henri Gouraud, Commandant en chef du corps expéditionnaire français d'Orient, est atteint par des éclats d'obus, dans une tranchée, à 200 mètres des Turcs. Même si sa vie n'est pas en danger, c'est le général Maurice Bailloud qui prend provisoirement le commandement...

Mais il est temps de revenir à l'Écho de Barbentane du mois d'août 1915 qui donne des nouvelles de juin et juillet. C'est une photo de la cantine de la gare du Nord qui sert de couverture à cet Écho. Elle est vraiment utile aux soldats de passage à Paris entre deux trains. D'ailleurs c'est par un joli quatrain, qui a dû être composé sur le 'zinc', que "Neuf pauvres tringlots" remercient les dames qui s'en occupent...

Dans le livre d'or, Jean Fontaine est nommé caporal. L'avocat avignonnais Ferdinand Bec est nommé Capitaine. Le Docteur Tartanson se remet du typhus contracté en Serbie. 4 soldats reçoivent la Croix de guerre : l'adjudant-chef Édouard Pialot, le Docteur Fortuné Bec, le capitaine Dupuy et le capitaine Jean-Marie Barthélemy. Ce dernier est aussi fait chevalier de la Légion d'honneur sur place suite à sa vaillante conduite au feu...

Chez les blessés, la liste s'allonge. Antonin Rossi a été amoché par un coup de baïonnette aux Dardanelles ; en des lieux différents, Léon Reboul et Siméon Riflard ont été enterrés par des tirs d'obus, mais ils s'en sont sortis vivants...

Chez les prisonniers, Henri Lautier réclame du pain et des victuailles. Joachim Girard et François Faure sont libérés en échange d'autres prisonniers (c'est à supposer, car ce n'est pas noté dans l'Écho), ils sont arrivés à Barbentane le 20 juillet 1915...

Si 3 nouveaux soldats sont inscrits au martyrologe de l'Écho, 6 seront tués en ce mois de juin 1915 :

· Joseph Mouret, 27 ans, né à Barbentane, cultivateur, soldat de 2ème classe au 4ème régiment d'infanterie coloniale, évacué des Dardanelles il meurt de maladie (typhus ?) le 4 juin 1915 à Moudros sur l'île de Lemnos en Grèce. Il figure sur le Monument aux Morts et sur le nécrologe de l'église.

· Jean-Paul Ginoux(2 et 3), 19 ans, né à Barbentane, cultivateur, soldat de 2ème classe à la 4ème compagnie du 140ème régiment d'infanterie, il est tué le 10 juin dans les sanglants combats de l'offensive de l'Artois à la ferme de Toutvent à Hébuterne dans le Pas-de-Calais. Il figure sur le Monument aux Morts et sur le nécrologe de l'église.

· Raymond-Marie Autran(3), 19 ans, né à barbentane, soldat de 2ème classe au 7 bataillon de chasseurs alpins, il est tué le 14 juin à Langenfeldkopf dans le Haut-Rhin à la bataille de Metzeral. Il ne figure pas sur le Monument aux Morts de Barbentane (peut-être sur celui de Beauvezer dans les Alpes-de-Haute-Provence d'où ses parents étaient originaires), mais il figure bien sur le nécrologe de l'église. Il est enterré, seul, dans un caveau familial dans le vieux cimetière du village.

· Cyprien Couttier, 25 ans, né à Barbentane, il s'est marié le 22 octobre 1913 avec Henriette Ollier, sans enfant, soldat de 2ème classe au 112ème régiment d'infanterie, il est tué le 21 juin au bois de la Grurie (Marne). Il figure sur le Monument aux Morts et sur le nécrologe de l'église. A noter que son frère Louis sera lui aussi tué au mois d'août.

· Pierre-Henri Ayme, 23 ans, né à Barbentane, soldat de 2ème classe au 36ème régiment d'infanterie, il est tué le 22 juin à Souchez dans le Pas-de-Calais lors de la seconde bataille de l'Artois. Sa photo figure sur le tableau d'honneur qui est en mairie. Il est noté sur le Monument aux Morts et sur le nécrologe de l'église.

· Jean Teissier, 28 ans, né à Cognac (Charente) mais installé à Barbentane en qualité de peintre en bâtiment (il a restauré la chapelle Sainte-Croix), marié, deux enfants, soldat maître-ouvrier au 4ème régiment du génie, il est enfoui vivant le 22 juin 1915 à 10h50 dans une galerie de mine au Bois de Mortmare, tranchée de Barrin, rameau D à Loisy (Meurthe-et-Moselle) avec son piocheur (Joseph Chemin) par l'explosion d'une mine allemande et est mort d'asphyxie. Il avait déjà été enfoui le 12 juin 1915 dans les mêmes conditions mais il avait pu être sauvé. Un service a été célébré en sa mémoire le 21 juillet 1915. Enterré sur place, son corps a été rendu à sa famille en janvier 1922, il repose maintenant au cimetière de Villeneuve-lez-Avignon. Il est titulaire de la Croix de guerre avec un clou d'or, et de la Médaille militaire. Il figure sur le Monument aux Morts de Barbentane et sur celui de Villeneuve-lez-Avignon. Il figure sur le nécrologe de l'église de Barbentane.

Malgré la guerre, Barbentane a fait la Saint-Jean 1915 avec son feu traditionnel devant l'église et au son des cloches. Mais comme le note l'Écho, sans l'Harmonie Gauloise et sans aucune joie...

Un nouveau garde-champêtre prend ses fonctions le 18 juin, c'est Jacques Barthélemy (47 ans, ce n'est pas un jeune) qui remplace son père Claude parti en retraite quelques mois plus tôt avec une belle décoration accordée le 30 avril 1914 (voir l'Écho d'avril 1915)...

14 nouveaux conscrits de la classe 1917, c'est-à-dire nés en 1897, sont déclarés bons pour le service. Sur ces futurs soldats, 3 seront tués au combat : Joseph Chauvet, Germain Reboul et Louis Gros. 3 autres jeunes de la classe 1917 sont ajournés...

Comme toujours, le courrier militaire est un condensé de la vie au front. Certaines tranchées sont plus ou moins lointaines maintenant avec l'expédition française aux Dardanelles. C'est Paul Crouzet qui parle de pluies torrentielles ; c'est Louis Mus qui subit une double attaque aérienne ; c'est Léopold Michel toujours en verve qui relate, entre autres, que tous ses officiers ont la croix de guerre et la médaille militaire ; c'est le curé de Fromeréville (Meuse) qui compte les églises dévastées dans son département ; ce sont 5 Barbentanais qui, dans le corps expéditionnaire d'Orient, ne cessent de parler de Barbentane ; ce sont Fernand Barral et Louis Fontaine qui dînent "sous les Boches" dans une mine, et c'est Jullien Louis qui relate que son régiment a perdu la moitié de ses effectifs en "l'affaire de dix jours"...

Dans l'État religieux, il y a deux baptêmes, un en juin, un en juillet ; et 4 enterrements, trois en juin dont un enfant de 16 jours et un en juillet...

C'est encore un Écho très riche avec ses 131 soldats cités. Tous sont d'ailleurs très heureux de recevoir et de lire l'Écho, il ne vous reste plus qu'à aller faire comme eux...

Guy

Artillerie allemande à Przemyls

Pointage d’un obusier de 120 italien contre la forteresse de Malborghetto

L’Écho de Barbentane d’août 1915

(1) Maintenant, Caporetto est située Slovénie et se nomme Kobarid.

(2) Son nom figure avec celui de son frère Jean-Marie sur le vitrail droit qui est dans la chapelle Sainte-Croix de l'église avec cette mention "A la mémoire de Jean-Marie et Paul Ginoux, ses petits-neveux Morts pour la France. Arrière petits-fils de Pascal Chauvet bienfaiteur de cette chapelle".

(3) A noter aussi que Jean-Paul Ginoux et Raymond-Marie Autran sont deux soldats tués à peine âgés de 19 ans, sur les 4 soldats barbentanais qui seront tués à cet âge.

Destruction d’un pont par les Russes sur le front nord-oriental

Quelle folie la guerre !

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Barbentane, le plus beau village de l'Univers

Tous mes remerciements à toutes celles et ceux qui m’ont aidé dans ces tâches de reconstitution de notre patrimoine barbentanais : prêt de brochures, de photos, des Écho de Barbentane, aide, corrections et autres…

Guy

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