BARBENTANE

en septembre 1914

Par décalage pour son édition c’est l’Echo de novembre qui relate les évènements de septembre 1914...

C’est la photo du nouveau pape qui fait la une de ce numéro.

Il décèdera à Rome le 22 janvier 1922

et sera remplacé par Pie XI

Si le premier tué au combat qui est noté sur l'Echo de novembre est Sébastien Bertaud le 22 septembre, il n'est pourtant que le 11ème dans la nécrologie barbentanaise de la guerre de 14/18. Le premier tué est Jean-Baptiste Fauque (22 ans) le 19 août à Wittersdorf (Haut-Rhin) lors de la bataille à Tagsdorf-Heyviller. Depuis le début de la guerre, 12 barbentanais sont morts directement aux combats. Dans l'ordre des décès ce sont Jean-Baptiste Fauque, 22 ans ; Henri Laussel, 22 ans ; Jean-Marie Veray, 23 ans ; Laurent Gontier, 30 ans(1) ; Jean-Marie Bon, 26 ans ; Félix Daudet, 27 ans ; Jean-Marie Laussel, 24 ans ; Pierre Marin, 23 ans ; Gaston Lafont, 21 ans ; Isidore Amiel, 25 ans(2) ; Sébastien Bertaud, 24 ans ; Camille Sérignan, 33 ans. D'autres, blessés, mourront plus tard comme Antoine Diciani blessé le 20 août à Dieuze (Meuse) il mourra en captivité en Allemagne le 17 décembre...

Dans ce même Echo, j'ai compté 29 blessés et 3 disparus. Jean Bon(3), porté disparu, est mort le 27 août à Jaulnay (Meuse) et les deux frères Henri et Jean-Marie Laussel, porté eux aussi disparus, sont morts aux combats à 9 jours d'écarts. Si Jean-Marie Laussel repose à l'ossuaire qui se trouve au centre du vieux cimetière de Barbentane, sont frère Henri est resté sur place à la nécropole militaire de Riche en Moselle...

Guy

La situation de la France en août et septembre 1914...

Le 5 août 1914 la censure est mise en place avec "L'interdiction de publier des renseignements de nature à nuire à nos relations avec les pays alliés, les neutres, ou relatifs aux négociations politiques. Interdiction en outre d'attaquer les officiers, de parler des formations nouvelles, de reproduire des articles parus dans les journaux étrangers. Les avis de décès : ne doivent pas indiquer le lieu où le défunt est tombé. Interdiction de publier des articles concernant les expériences ou la mise en service d'engins nouveaux, des cartes postales ou illustrations reproduisant des canons ou des engins de guerre nouveaux ou du matériel ancien modèle, dans un paysage pouvant faire découvrir le lieu de l'emploi. Interdiction de publier des interviews de généraux. Surveiller tout ce qui pourrait sembler une propagande pour la paix. Interdiction de publier des cartes postales renfermant des scènes ou des légendes de nature à avoir une fâcheuse influence sur l'esprit de l'armée ou de la population, cartes postales représentant du matériel nouveau, armes, engins de toute nature. Suppression des manchettes entête des communiqués officiels"...

Le 6 août, dans un appel enflammé placardé partout en France, René Viviani alors Président du Conseil des ministres, fait appels aux Femmes Françaises, jeunes enfants, fils et filles des campagnes pour remplacer les pères, maris et fils partis aux combats. L'heure est grave, il faut impérativement terminer les moissons et préparer les champs pour les futures récoltes…

Depuis le début de la guerre les bobards pleuvent, ce qui met en fureur les soldats qui combattent. On trouve dans l'article "Récit d'un blessé" publié le 15 aout 1944 "Ma blessure ? Ça ne compte pas... Mais dites bien que tous ces Allemands sont des lâches et que la difficulté est seulement de les approcher. Dans la rencontre où j'ai été atteint, nous avions été obligés de les injurier pour les obliger à se battre". Dans Le Journal du 19 août 1914 : "Les Allemands tirent fort mal et fort bas ; quant aux obus, ils n'éclatent pas dans la proportion de 80%". Sous la plume du lieutenant-colonel Rousset dans Le Petit Parisien du 22 août 1914 "Quant au léger recul qu'il nous a fallu subir en Lorraine, il n'a aucune importance. Incident de guerre tout au plus. J'ajoute que l'énorme quantité de matériel conquis sur les Allemands, témoigne chez eux d'un singulier affaiblissement". Dans une Lettre du front publiée par Le Matin le 15 septembre 1914 "Leur artillerie lourde est comme eux, elle n'est que du bluff. Leurs projectiles ont très peu d'efficacité... et tous les éclats... vous font simplement des bleus". Dans Le Petit Parisien le 11 octobre 1914 "Nos troupes, d'ailleurs, maintenant, se rient de la mitrailleuse. On n'y fait plus attention". Mais le comble de la connerie est atteint dans un article titré "Camelote allemande" paru dans le journal L'Intransigeant du 17 août 1914 "Nos soldats ont pris l’habitude des balles allemandes et des shrapnels (obus remplis de balles qu’ils projettent en éclatant)... Les shrapnels, en effet, éclatent mollement en l’air, et tombent en pluie de fer inoffensive ou s’enfoncent dans la terre sans éclater. De plus, le tir est mal réglé... Quant aux blessures causées par les balles, elles ne sont pas dangereuses... Les balles traversent les chairs de part en part sans faire aucune déchirure. De sorte que les grands trains de blessés sont remplis de jeunes garçons atteints par des balles et qui, pourtant, rient avec une réconfortante bonne humeur". L'Echo de novembre se garde bien de publier ce genre de littérature qui déshonore une partie de la presse Française et qui fera naître, malgré la censure, des journaux ouvertement antimilitaristes comme le Canard Enchainé le 10 septembre 1915…

La Belgique est presque totalement envahie. Malgré ses forts réputés imprenables, la place forte d'Anvers se rendra le 8 octobre, le "Réduit national Belge" n'est plus. Dans cet épisode guerrier, l'armée allemande se conduira de la pire des façons envers les civils, mais nous en reparlerons avec l'Echo de mars 1915. La Cathédrale de Reims est bombardée et incendiée le 18 septembre, ce qui mettra l'Echo en fureur un peu plus tard. Comme à Anvers, la place forte de Maubeuge, malgré une résistance valeureuse à un contre deux, capitulera le 8 septembre. Outre la prise de 400 canons de gros calibres avec leurs munitions, les allemands y feront une moisson de 46 000 prisonniers dont un Lieutenant-colonel Barbentanais dont nous reparleront plus tard, en mai 1917...

Acheminement de fourrage pour le bétail installé dans la capitale

Un Taube Allemand

A la fin août et début septembre 1914 sur tout le front Nord-Est, les armées françaises, belges et anglaises reculent. Le 30 août, des avions allemands Taube, que les parisiens regardaient tranquillement survoler la capitale, bombardent Paris. Des éléments avancés de l'armée allemande ont été signalés dans l'Oise à une cinquantaine de kilomètres au Nord-Est de Paris et, le 2 septembre presque en catimini, le gouvernement Français avec ses principaux ministères quittent Paris par de nombreux trains pour aller s'installer à Bordeaux et aussi Toulouse...

On prévision d'un siège de Paris, on parque du bétail dans les hippodromes de la capitale qu'on alimente par des convois de fourrage, ce qui va donner des images surprenantes. Le général d'origine corse Joseph Gallieni, gouverneur militaire de Paris, met la ville en état de défense. Il rassure les Parisiens par une proclamation martiale et, le 7 septembre, il contribue à la première bataille de la Marne après avoir réquisitionné des taxis parisiens pour envoyer une brigade d'infanterie comme renfort au général Michel Maunoury qui se trouve alors sur l'Ourcq. Ils deviendront célèbres sous le nom des "Taxis de la Marne". Cette action isolée n'a pas permis a elle seule de sauver Paris. Par contre, de part sa facilité d'emploi et sa rapidité de mise en œuvre, l'automobile gagne là ses lettres de noblesse dans l'art militaire et deviendra l'outil logistique indispensable dans les toutes conceptions tactiques à venir...

Au prix d'un effort surhumain, l'armée Française du Centre, en retraite depuis le 3 août, se rétablie sur la Marne. Profitant de la situation avancée de la 1ère armée allemande, le généralissime Joseph Joffre ordonne une contre attaque générale le 6 septembre. De Verdun au Sud-Est, à Château-Thierry au Centre, jusqu'à Compiègne au Nord-Est l'armée française contient, puis par des actions violentes successives, refoule l'armée allemande. Le 12 septembre cette bataille est finie. La France est saignée à blanc mais momentanément sauvée. Cette contre-attaque victorieuse coûte très cher à la France, c'est une hécatombe, environ 330 000 morts, disparus et prisonniers. Charles Péguy y laissera sa peau...

Civils français évacués du front par les Allemands

(1) Bien que né à Barbentane, Laurent Gontier a été transcrit à Châteaurenard, il n'a pas eu de service religieux au village.

(2) Bien que né lui aussi à Barbentane, Isidore Amiel n'est pas inscrit sur notre monument aux Morts, ni au nécrologe qui est à l'église, il figure sur le Monument aux mort de Graveson.

(3) Son frère Louis-Joseph sera lui aussi tué à Zivonia en Serbie le 3 novembre 1916.

Quelle folie la guerre !

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Barbentane, le plus beau village de l'Univers

A partir du 15 septembre, la bataille générale remonte vers le Nord. C'est la bataille de l'Aisne, puis celle du saillant de Saint-Mihiel et des Hauts de Meuse sur les côtes de Woëvre. Elle se prolongera jusqu'à la mer du Nord à Nieuport en Belgique en octobre 1914. L'objectif allemand est toujours de contourner l'armée française par le Nord et, pour les alliés, de fermer ce goulot pour éviter l'invasion. Ces séries de batailles entreront dans l'histoire sous la dénomination de "La course à la Mer"...

Fini les nouvelles plus ou moins rassurantes du front et celles des blessés légers, l'Echo de ce mois de novembre fait les premiers décomptes des morts, des disparus et des prisonniers. La liste des blessés s'allonge considérablement. Les premiers mois de la guerre sont sans pitié pour les soldats barbentanais...

La municipalité crée un Comité Local de Secours aux Militaires avec un ouvroir car l'armée française a, comme toujours, tout prévu pour la parade mais rien pour la guerre. Les soldats n'ont pas de casque mais des pantalons rouges ce qui en fait des cibles idéales. Ils manquent de sous-vêtements, de chaussettes, de gants, de ceintures de flanelle, de cigarettes et de chocolat. Heureusement, ils sont bien fournis en pinard. Les barbentanais sont généreux, ils offrent assez de fruits et de légumes pour régaler au moins 5 000 blessés en Avignon…

Le courrier militaire est abondant avec 52 correspondants dont certains ont écrit plusieurs fois. Ce doit être rassurant pour les pioupious, qu'on ne nomme pas encore les poilus, d'écrire un petit mot et de savoir qu'en retour ils auront des échos du village avec des nouvelles des autres soldats barbentanais combattant sur les différents fronts...

En septembre, il y a toujours des baptêmes, mais pas un mariage…

Guy